La France lance son Conseil national de l’hydrogène

Dans le cadre de sa stratégie hydrogène, la France prévoit l’installation d’une capacité de production d’hydrogène décarboné par électrolyse de 6,5 GW d’ici à 2030.

Publié le 25/02/2021

9 min

Publié le 25/02/2021

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Le Conseil national de l’hydrogène (CNH) a tenu sa première réunion aujourd’hui sur le site de Safra, à Albi, en présence de plusieurs ministres qui avaient fait spécialement le déplacement : Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée en charge de l’Industrie. L’occasion pour le gouvernement de faire un premier point d’étape quelques mois après l’annonce de sa stratégie nationale et alors qu’il ne se passe plus un jour sans qu’une nouvelle annonce concernant l’hydrogène ne soit faite.

Par Laura Icart

 

Le 8 septembre, le gouvernement annonçait un soutien public de 7 milliards d’euros d’ici 2030, dont 2 milliards d’euros d’ici 2022, dans le cadre de France relance et des investissements d’avenir. Cette stratégie affiche un triple objectif :  la décarbonation du secteur industriel, l’accélération du développement de l’hydrogène dans la mobilité lourde et un soutien franc et massif à la R&D. L’ordonnance relative à l’hydrogène publiée la semaine dernière est venue donner un cadre structurant et a introduit notamment un mécanisme de soutien à l’hydrogène décarboné. Barbara Pompili a rappelé ce matin l’ambition française et sa volonté de « prendre le tournant de l’hydrogène qui sera sans doute une des grandes révolutions énergétique et industrielle de notre siècle ». « Un grand rêve qui est en train de devenir réalité grâce aussi à nos PME et à nos industriels qui maillent tout le territoire et qui ont montré la voie » a de son côté déclaré Bruno Le Maire en soulignant « l’excellente coopération entre l’État et les élus locaux ». Un avis partagé par Carole Delga, présidente de la région Occitanie, qui a tenu à rappeler l’importance du rôle des régions et des territoires dans la réalisation des objectifs nationaux. « Les régions de France que je représente aujourd’hui veulent être aux côtés de l’État et de l’ensemble des industriels pour développer l’hydrogène décarboné. Que ce soit notamment en région Occitanie, Pays de la Loire, Bretagne ou Sud, de nombreux plans ont été approuvés et 500 millions d’euros d’investissements ont d’ores et déjà été annoncés » a-t-elle indiqué.

La stratégie française en pôle position

Cette réunion inaugurale a été pour les membres du CNH et les ministres présents l’occasion de dresser un premier bilan de la mise en œuvre de la stratégie française alors qu’un coordinateur interministériel, Hoang Bui, a été nommé la semaine dernière. Une stratégie parmi « les plus en pointe dans le monde », au côté de l’Allemagne, du Japon, de la Chine ou de la Corée du Sud, si l’on prend en compte les projets de développement de la production d’hydrogène, les dispositifs de pilotage et de suivi, le cadre réglementaire et les moyens financiers alloués selon les co-présidents du CNH, Benoit Potier, président directeur général d’Air liquide et Patrick Koller, directeur général de Faurecia qui se basent sur les travaux du Conseil mondial de l’hydrogène.

De nombreux projets émergent

Si le potentiel de l’hydrogène décarboné est connu depuis plusieurs décennies et de projets, notamment territoriaux, sont en cours d’expérimentation, on assiste depuis quelques mois à une dynamique bien réelle : preuve en est les nombreux appels à manifestations d’intérêt et appels à projets qui ont trouvé preneurs. « 27 projets de R&D et d’intégration de technologies hydrogène ont d’ores et déjà été soutenus, pour 212 millions d’euros d’investissement total et 37 millions d’euros de soutien public » (dans le cadre de France relance) indique le communiqué du ministère de la Transition écologique (MTE). 60 millions d’euros ont également été alloués à la filière aéronautique et 300 millions d’euros seront investis pour aider les régions Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand-Est à acquérir des trains hydrogènes, 14 exactement dont la mise en service commerciale est prévue en 2025. Pour soutenir la production par électrolyse et la mobilité, sept projets, représentant un investissement 136 millions d’euros et un montant d’aides de 45 millions d’euros ont déjà été sélectionnés par l’Ademe lors de la première session de l’appel à projets « écosystèmes territoriaux ». « 7 projets qui constituent autant de marchés potentiels pour des industriels comme Safra qui nous héberge aujourd’hui » s’est enthousiasmée Barbara Pompili. La deuxième session, dont les sélectionnés seront annoncés en juin, compte déjà plus de 47 demandes. Si les territoires seront les pierres angulaires pour développer la production et trouver des débouchés à l’hydrogène, c’est bien en Europe ou plutôt avec l’Europe qu’il faudra compter pour bâtir une véritable stratégie industrielle de l’hydrogène rappelle Bruno Le Maire, qui en fait une « condition sine qua non » et rappelle l’intérêt « de travailler main dans la main », notamment avec l’Allemagne.

Un PIIEC pour bâtir une souveraineté industrielle européenne

« Le temps de l’Europe commence et il commence avec les stratégies dont la stratégie hydrogène que nous déployons aujourd’hui » poursuit Bruno Le Maire, qui rappelle « l’importance de la jouer collectif » pour rester dans la course au même niveau que les États-Unis ou la Chine. En France, plusieurs projets pourraient bénéficier d’un accompagnement dans le cadre du projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) en cours de construction au niveau européen, pour un montant avoisinant « les 8 milliards d’euros et concernent la production d’électrolyseurs, la décarbonation de l’industrie lourde, la production des équipements pour la mobilité ». Quatre projets d’usines de fabrication d’électrolyseurs sont déjà en place dans notre pays et France Hydrogène a identifié des projets d’électrolyseurs chez les industriels utilisateurs d’hydrogène à hauteur de 3,2 GW, dans la sidérurgie, le ciment, le raffinage ou encore la chimie, « soit d’ores et déjà près de 50 % de l’objectif fixé [si les projets se concrétisent NDLR] par la stratégie nationale de disposer d’une capacité d’électrolyse sur notre territoire de 6,5 GW en 2030 » précise le MTE.

Des moyens supplémentaires pour la R&D

Plusieurs actions ont déjà été engagées depuis le mois de septembre : le lancement, le 14 octobre dernier, d’un appel à projets opéré par l’Ademe, « briques technologiques et démonstrateurs », doté de 275 millions d’euros. Un dispositif d’aide qui sera amélioré, a annoncé Barbara Pompili, en portant notamment « la part de subventions accordées aux entreprises dans les aides accordées à 60 %, voire 75 % dans certains cas ». Un programme prioritaire de recherche (PPR) « applications de l’hydrogène » piloté par le CEA et le CNRS « pour soutenir la recherche en amont et préparer la future génération des technologies de l’hydrogène » a également été institué. Pour le CNH, qui a établi une cartographie des technologies clés, notre pays « maîtrise ou disposera rapidement de toutes les technologies critiques nécessaires à sa souveraineté et permettant un passage rapide à l’échelle industrielle ». Il a tout de même établi des thématiques prioritaires de travail pour les prochains mois, comme par exemple des membranes et des compresseurs d’air pour piles à combustible et électrolyseurs. Il travaillera également au développement d’outils technologiques et numériques susceptibles de renforcer la chaîne de valeur française.

  1. Développer les compétences

Identifié comme une filière d’avenir à haut potentiel, le développement de l’hydrogène en France sera synonyme d’emplois dans les années à venir. Comme pour la filière biométhane, particulièrement dynamique, la filière hydrogène créera de nouveau besoins et nécessitera de nouvelles compétences. France Hydrogène travaille actuellement sur un référentiel des compétences-métiers. « Sur les 75 métiers identifiés, une quinzaine apparaît déjà en tension » indique-t-elle. Plusieurs projets dans le domaine de la formation sont en cours dans la région lyonnaise, avec « la Symbio Hydrogen Academy » qui vise à former 300 personnes chaque année aux métiers de l’hydrogène ou l’« H2 Académie », qui de son côté formera dès septembre 2021 des étudiants en BTS à Port-Jérôme, près du Havre, là où Air liquide développe avec Siemens Energy l’un des plus ambitieux projets d’hydrogène renouvelable en Europe.

La prochaine réunion du CNH devrait se tenir en juin. D’ici là, les membres espèrent que de nombreux avancées auront lieu, tant en termes de réglementations que dans le développement de nouveaux projets et notamment dans le secteur du transport de marchandises où  » le développement de l’offre et de la demande est encore à initier  » a indiqué ce matin la ministre de la Transition écologique.

© McPhy.

© Safra, bus Safra.