« Safra est convaincue que l’hydrogène est la solution la plus vertueuse pour décarboner la mobilité lourde »

Publié le 10/04/2021

5 min

Publié le 10/04/2021

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3 questions à…

Vincent Lemaire, président directeur général du groupe Safra

En France, 21 bus roulent actuellement à l’hydrogène. Une douzaine d’entre eux sont des Businova H2, conçus et construits par la Safra, à Albi (Tarn), qui a d’ailleurs accueilli le 7 février le premier conseil national de l’hydrogène. Une belle reconnaissance pour cette entreprise albigeoise, fondée en 1955, qui a fait le pari de l’hydrogène au début des années 2000 et qui voit aujourd’hui avec la stratégie hydrogène française et européenne la possibilité d’accélérer son développement et de changer d’échelle.

Propos recueillis par Laura Icart

 

À ce jour, la Safra est l’un des deux seuls constructeurs (avec l’entreprise belge Van Hool) à commercialiser en France des bus fonctionnant à l’hydrogène. Pourquoi avoir fait ce pari de l’hydrogène ?

Safra a toujours cru en l’hydrogène et a engagé depuis plus de 10 ans une réflexion sur ce vecteur énergétique dont nous avons immédiatement décelé le potentiel dans un marché qui était alors aux prémices de son développement. Si la mobilité durable a toujours été au cœur de l’activité de Safra par notre savoir-faire historique en rénovation de matériel de transport, nous avions cette volonté de concevoir des produits innovants et plus vertueux. Le programme Businova lancé en 2010 nous conduit à travailler quotidiennement à la conception d’un véhicule propre. La première version commercialisée en 2015 est une version électrique hybride rechargeable et nous travaillons parallèlement à une version hydrogène. En 2016, le premier prototype sort de notre usine et en 2018 Safra inscrit dans son catalogue son Businova H2 [doté d’une pile à combustible de 30 kW fournie par Michelin, alimentée par un réservoir de 30 kg d’hydrogène, ainsi que d’une batterie de 132 kW, NDLR]. En juin 2019, la première ligne 100 % hydrogène de France est inaugurée sur l’agglomération Artois-Gohelle, avec six bus construits exclusivement par Safra. Depuis, plusieurs autres bus ont été mis en service au Mans et à Versailles et une dizaine sont attendus d’ici la fin de l’année à Auxerre et à Blagnac. Notre fierté, au-delà d’être l’unique acteur français à proposer des gammes différentes de bus électriques, hybrides et hydrogène, c’est d’être aussi la seule PME à travailler, en collaboration avec Symbio (filiale de Michelin et Faurecia) sur une technologie de motorisation européenne. Symbio, avec laquelle nous venons d’ailleurs de signer un nouvel accord pour accélérer l’industrialisation de la fabrication de nos bus. Nous allons expérimenter une pile à combustible puissante de 45 kW (30 kW auparavant) qui sera produite en série avec un objectif clair : changer d’échelle et arriver rapidement à une baisse des coûts.

Safra s’apprête à changer d’échelle avec plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement pour agrandir votre outil de production et accélérer l’industrialisation du Businova H2 ?

Pour être compétitif, il nous faut grandir à tous les niveaux ! Safra est convaincue que l’hydrogène est la solution la plus vertueuse pour décarboner la mobilité lourde. Notre objectif, c’est de pouvoir répondre à des appels d’offres plus importants, ce qui passe en premier lieu par l’agrandissement de notre outil en moyens matériels, technologiques et humains. L’activité liée à la production du Businova représente aujourd’hui plus de 50 % de l’activité totale du groupe et plus de 140 salariés. Elle sera très largement majoritaire d’ici deux ans. Nous allons d’ailleurs créer d’ici 2023 400 emplois supplémentaires. Safra va investir plus de 7 millions d’euros [dont 750 000 euros obtenus dans le cadre des « Territoires d’industrie », NDLR] pour agrandir son usine de fabrication, en passant de 2 000 à 7 000 m² ainsi que 12 millions d’euros dans l’industrialisation de notre process de fabrication du Businova H2. Une première étape qui va nous permettre de produire 140 bus par an alors que nous avons actuellement la capacité d’en produire une vingtaine. Nous prévoyons également d’investir 17 millions d’euros supplémentaires en R&D sur la période 2021-2023 pour diversifier notre gamme de véhicules et proposer de nouveaux produits tel que le développement d’un autobus articulé (18 mètres) et nous souhaitons également développer un autocar hydrogène, ce qui n’existe pas sur le marché actuellement. Puisque la réglementation française nous le permet, nous comptons faire du rétrofit. Un premier prototype sortira de nos atelier l’année prochaine. La région Occitanie nous accompagne dans ce projet, elle recevra la première flotte d’autocar à hydrogène d’ici deux ans.

Aujourd’hui la dynamique hydrogène est bel et bien lancée ?  

Oui. Nous sommes en train de créer en France un écosystème industriel et politique de l’hydrogène particulièrement dynamique. Les moyens déployés peuvent atteindre cette massification de nos outils de production et donc de l’offre indispensable au passage à l’échelle supérieure et à notre capacité d’être compétitif sur le marché national et à l’export. Plus globalement, je note que l’appétence sur l’hydrogène, tout groupe politique confondu d’ailleurs, marque également un changement particulièrement notable dans la perception environnementale des politique publiques, notamment celle en lien avec la qualité de l’air, qui va également permettre l’accélération de la filière avec des incitations gouvernementales concernant à la fois les industriels que nous sommes mais aussi nos clients et une réglementation française et européenne de plus en plus incitative. C’est un alignement politique et réglementaire des planètes qui donne une véritable impulsion au marché de l’hydrogène pour intensifier sa chaîne de valeur en France et en Europe, et cela même s’il reste encore de nombreux défis à relever, car nous sommes au tout début de l’histoire.

Crédit : Safra.