Cinq points à retenir du Conseil européen de l’énergie

Publié le 03/10/2022

6 min

Publié le 03/10/2022

Temps de lecture : 6 min 6 min

Le 30 septembre, les 27 ministres de l’énergie se sont réunis à Bruxelles pour essayer de trouver le meilleur compromis pour atténuer les effets de la crise énergétique sur les consommateurs européens. Réduction obligatoire de la consommation de l’électricité, plafonnement de la rente infra-marginale, contributions temporaires de solidarité ont été actés par les ministres européens de l’Énergie qui ont également demandé à la Commission d’avancer rapidement un plafonnement des prix du gaz et le lancement de la plateforme d’achat commun de gaz.

Par la rédaction de Gaz d‘aujourd’hui

 

C’est un Conseil européen particulièrement attendu qui s’est joué vendredi dernier. Les fuites de gaz en mer Baltique sont venues tendre encore davantage une situation qui ne cesse de se dégrader entre la Russie et l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine. La volatilité des prix de l’énergie à l’approche de l’hiver inquiètent les Européens qui malgré un remplissage record de leurs stockages de gaz s’inquiètent des répercussions économiques sur les factures des consommateurs. Les ministres de l’Énergie ont adopté un règlement applicable  jusqu’au 31 décembre 2023 actant plusieurs mesures à caractères obligatoire. « Un message d’urgence », « de volontarisme » et « d’unité » estime le cabinet de la ministre de la Transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher.

L’obligation de réduire de 5 % sa consommation d’électricité

Le règlement prévoit une réduction obligatoire de la consommation d’électricité de 5 % pendant les heures de pointe (comparée à la moyenne des cinq dernières années). Il prévoit également une réduction volontaire de 10 % de la consommation d’électricité entre décembre 2022 et mars 2023. Une mesure « importante » pour l’entourage de la ministre, de nature « à calmer les marchés » et à « faire baisser les prix ».

Plafonner à 180 euros/MWh la rente infra-marginale

Les producteurs infra-marginaux d’électricité verront leurs profits plafonnés à 180euros/MWh. Ce cap obligatoire est fixé pour la rente infra-marginale, comprenez pour tous les producteurs d’électricité qui produisent de l’électricité à un prix inférieur aux centrales à gaz. Toute demande d’électricité supérieure à ce plafond sera redistribuée aux consommateurs. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a évalué la potentielle recette à près de 140 milliards d’euros qui pourrait être directement reversée aux consommateurs européens. Si le plafond de 180euros/MWh n’est pas négociable, les États peuvent aller encore plus loin et fixer un cap encore plus ambitieux. Des souplesses existent en fonction des coûts des technologies de production spécifiques. C’est notamment le cas pour le charbon qui est maintenu dans le dispositif avec des variations importantes au sein de l’UE entre les centrales d’Europe de l’Ouest et d’Europe de l’Est. En France, « une bonne partie des ventes infra-marginales est déjà captée » note le ministère de la Transition énergétique, puisque le secteur est régulé. L’État récupère « la valeur des actifs infra-marginaux quand les prix sont hauts, soit pour le budget de l’État, soit pour directement les restituer aux consommateurs » précise le cabinet qui ajoute que « c’est un des atouts inégalés en Europe dont nous disposons, que d’avoir à peu près 50 % de la facture des consommateurs français qui est payé aux coûts du nucléaire ». Plusieurs exemptions existent : les producteurs de biométhane et les producteurs d’électricité dont la capacité installée est inférieure à 1 MW ne sont pas exemple pas concernés. Ce dispositif est prévu jusqu’au 30 juin 2023.

Une contribution temporaire de solidarité actée

Les ministres de l’Énergie se sont entendus pour taxer les superprofits des entreprises de combustibles fossiles et de raffinage. Une contribution temporaire solidarité qui portera sur les bénéfices 2022 supérieurs de 20 % à la moyenne des quatre années précédentes, avec un taux d’au moins 33 %.  

Vers un plafonnement du prix du gaz

C’est la prochaine étape importante : le plafonnement des prix du gaz. Les ministres européens ont demandé à la Commission de lui faire « très rapidement » des propositions « concrètes » pour faire baisser les prix du gaz et de l’électricité. Si les ministres s’entendent sur le fait qu’aucune mesure prise ne doit mettre en cause la sécurité d’approvisionnement, ils ne sont pas tous d’accord sur le périmètre de plafonnement des prix du gaz. Dans un courrier envoyé à la Commission, 15 États membres, dont la France, l’Espagne et l’Italie lui demandent de présenter une législation mettant en place un prix plafond pour toutes les importations de gaz et pas uniquement celles en provenance de Russie, qu’il soit transporté par gazoduc ou le gaz naturel liquéfié (GNL) . Le gaz russe représente à l’heure actuelle environ 9 % des importations européennes. La question de plafonner les prix du gaz naturel liquéfié divise. La France n’y est pas particulièrement favorable, Bruxelles estime qu’un plafonnement du GNL sur un marché ultra concurrentiel serait un risque de voir partir les bateaux vers l’Asie. L’Allemagne est de son côté opposée un plafonnement généralisé, et même opposée à un  plafonnement des prix du gaz pour la production d’électricité. Plusieurs mesures ont été évoquées lors de Conseil. Parmi elles : la révision de l’index TTF qui fixe les prix du gaz et qui ne reflètent pas aujourd’hui la réalité des approvisionnements. Les ministres ont également demandé à la Commission d’accélérer sur les plateformes d’achat communes de gaz pour renforcer le pouvoir de marché et faire baisser les prix, notamment les prix du GNL. Des mesures sur les appels de marge, le renforcement de la liquidité des entreprises devraient rapidement se concrétiser. De nouvelles mesures qui seront discutées lors d’un conseil informel de l’énergie la semaine prochaine à Prague.

Une réforme du marché de l’électricité imminente ?

La Commission travaille actuellement sur une refonte profonde de son marché de l’électricité avec l’idée d’une présentation d’ici la fin de l’année ou en début de l’année prochaine. Avec son mix énergétique particulier, la France, qui réclame cette réforme depuis plusieurs années, pousse des mécanismes permettant de « mieux lier le consommateur à la structure de coûts du mix énergétique national ». Mais « pour aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin » comme le déclarait la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher avant la réunion, il va falloir actionner des leviers plus rapide. La Commission a donc réfléchi à la généralisation de l’exemption ibérique qui prévoit un plafonnement du tarif du gaz qui entre dans la production électrique. Les gaziers seront compensés et recevront la différence entre le prix du marché et le tarif plafonné auquel il sera introduit dans le mix électrique. Un système qui a permis à l’Espagne et au Portugal de maintenir des prix stables.

Crédit : Shutterstock.