Le gouvernement fixe une trajectoire pour accélérer la baisse des émissions d’ici 2030

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Publié le 22/05/2023

8 min

Publié le 22/05/2023

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La première ministre Élisabeth Borne a présenté ce lundi, lors du conseil national de la transition écologique, son plan sectoriel pour accélérer la baisse des émissions de la France. Objectif pour notre pays : passer de 408 millions de tonnes équivalent CO2 émises l’année dernière à 270 millions en 2030. Une baisse de plus 30 % « où chacun doit faire sa part » estime la cheffe du gouvernement. Décryptage.

Par Laura Icart

 

« Aujourd’hui on n’y est pas et on n’y arrivera pas si on continue ainsi » reconnaît le président de la République dans une vidéo postée le 28 janvier sur YouTube, expliquant que si la France avait réussi au cours des cinq dernières années à baisser cinq fois plus vite que sur la période précédente son rythme d’émissions de gaz à effets de serre, la marche à franchir d’ici 2030 devrait être encore doublée. L’an dernier, le pays a émis 408 millions de tonnes équivalent CO2. Pour parvenir à 270 millions de tonnes, il faudra donc encore réduire nos émissions de plus de 30 %. Car si les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 2,5 % en France l’an dernier, avec un recul plus marqué en fin d’année indiquent des chiffres officiels provisoires publiés par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), la baisse « bien que continue depuis 2017 » s’avère toujours « insuffisante » selon le Haut Conseil pour le climat, puisque son rythme devra quasiment doubler pour atteindre 3,3 % en moyenne sur la période 2024-2028.

Source : Citepa

La jouer « collectif »

Aujourd’hui marque « un point d’étape sur l’avancement de la planification écologique » estime Matignon en début de matinée lors d’un échange avec la presse. Stratégie nationale bas carbone (SNBC), programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), stratégie nationale biodiversité, projet de loi industrie verte : le mois de juin sera particulièrement chargé en termes de textes programmatiques et de consultations. La séquence de cet après-midi était consacrée à la réduction des gaz à effet de serre de la France avec des premières cibles sectorielles en 2030 qui ont été présentées aux membres du CNTE. Et pour atteindre 270 millions de tonnes de CO2 en 2030, soit une réduction de près de 40 % par rapport à aujourd’hui ( 50% par rapport à 1990), « tous les secteurs et tous les acteurs seront concernés » insiste Matignon, estimant que la réussite du plan se joue sur le « collectif ». L’État n’a « pas tous les leviers dans ses mains » a rappelé Élisabeth Borne, et les efforts seront partagés entre « les gros et les petits » afin que chacun « contribue ». Concrètement, la moitié de l’effort sera porté par les entreprises, un quart par l’État et les collectivités et un quart par les ménages. Il s’agit de « poser un cadre très clair et des cibles provisoires » qui seront discutées tout au long de ce mois de juin avec les filières, même si ces discussions ont lieu en coulisse depuis le début du lancement des travaux de la PPE et de la SNBC. Les arbitrages, les solutions de financement, en un mot « la mise en œuvre concrète », seront annoncés début juillet lors du prochain conseil de la planification écologique. À noter que des travaux de territorialisation de la planification écologique avec les collectivités locales seront bientôt lancés. Ils viendront évaluer la pertinence de fixer des objectifs territoriaux en fonction des spécificités des territoires.

 

Des objectifs chiffrés par secteur

Ce premier volet qui doit alimenter le projet de loi de programmation énergie-climat attendu à l’automne s’attaque à la réduction des gaz à effet de serre et fixe des cibles provisoires secteur par secteur et filière par filière pour réduire nos émissions annuelles domestiques. Et les objectifs sont très ambitieux : arriver à – 50 % d’émissions en 2030 par rapport à 1990. La marche à franchir entre 2022 et 2030 reste très importante puisqu’il faudra faire plus en huit ans que ce que nous avons fait au cours des 32 dernières années. Si tous les secteurs sont concernés, certains sont particulièrement visés. Le secteur du transport, le seul d’ailleurs où les émissions de GES ne baissent pas, voire augmentent, devra réduire ses émissions de 37 millions de tonnes de CO2. Autre secteur particulièrement visé, le bâtiment, qui lui devra réduire ses émissions de près de 34 millions de tonnes d’ici 2030. Suivent ensuite l’industrie (- 27 MtCO2e/an), la production énergétique (- 20 MtCO2e/an) et l’agriculture (- 13 MtCO2e/an). À eux deux, le secteur des transports et du bâtiment représentent 52 % des baisses d’émissions attendues entre 2022 et 2030. Si les cibles fixées sont « provisoires » a souligné Matignon, « les arbitrages seront faits pour être toujours dans l’atteinte de l’objectif de 270 MtCO2e/an », autrement dit la marge de manœuvre devrait être relativement réduite pour les filières, même si Matignon l’affirme : « Il y a de la place pour la discussion. »

Source : Matignon 

Électrification des véhicules, fin des chaudières, décarbonation des process industriels

Une partie de ces leviers est déjà en cours de réalisation indique Matignon, « environ 50 % des baisses sont déjà engagées ou en cours de déploiement », comme l’électrification des véhicules et le déploiement des bornes de recharge, les annonces liées au 50 sites industriels les plus émetteurs de France ou la disparition progressive des chaudières au fioul, interdites à l’installation depuis le 1er juillet 2022. Pour les 50 % restants, ce sont des nouvelles mesures qui seront soumises à la consultation. Dans le secteur des transports, le gouvernement compte notamment sur l’électrification du parc automobile, avec l’ambition de passer de 1 % aujourd’hui à 15 % du parc automobile français en 2030. « De nouvelles mesures supplémentaires seront mises en place pour faciliter l’acquisition de ces véhicules par les Français les plus modestes » a redit la Première ministre. Avec cette électrification du parc, le gouvernement vise une réduction de 11 MtCO2e/an et s’appuiera également sur le report modal pour réduire ses émissions à hauteur de 5 MtCO2e/an. Dans le bâtiment, si la chaudière fioul va progressivement disparaître, permettant l’économie de 9 MtCO2e/an, la cible provisoire fixée pour une diminution du gaz dans le chauffage à hauteur de – 8 MtCO2e/an dans le résidentiel et de – 4 MtCO2e/an dans le tertiaire signifie de facto une baisse importante du nombre de chaudières gaz en France. Rappelons que la RE2020 avait déjà considérablement réduit la possibilité d’installer des solutions exclusivement au gaz dans les maisons individuelles. À ce stade, « aucune modalité n’est définie » a précisé Matignon mais le document fourni au CNTE évoque une réduction de la part du chauffage dans le bâtiment de l’ordre de 20%.

 

La question du financement est évidemment centrale et a été traitée dans un rapport remis aujourd’hui à la Première ministre par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz qui estiment qu’il faudra environ 66 milliards d’euros d’investissements publics et privés par an pour financer la transition. « La bonne méthode pour piloter la transition doit reposer sur un équilibre entre subventions, réglementation et tarification du carbone » ont écrit les auteurs du rapport dans leur synthèse, soulignant que la neutralité climatique est « atteignable ».