Le gouvernement lance une concertation publique pour décarboner le secteur du bâtiment

Shutterstock/ Le secteur du bâtiment représente 47 % des consommations énergétiques annuelles françaises et génère 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES).

Publié le 05/06/2023

7 min

Publié le 05/06/2023

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Annoncée et attendue depuis plusieurs semaines, le gouvernement lance ce lundi 5 juin une concertation publique « sur la décarbonation du secteur du bâtiment et des moyens de chauffage ». Prévue du 5 juin au 28 juillet, cette concertation réunira l’ensemble des « parties prenantes » indique le ministère de la Transition écologique, avec comme principale ambition de trouver des solutions alternatives aux énergies fossiles. Dans le viseur gouvernemental, sans surprise, se trouve les chaudières au fioul et au gaz. 

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Si les émissions du secteur des bâtiments résidentiels et tertiaires sont en « forte baisse » selon les données définitives publiées ce 5 juin par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), avec une diminution de près de 15 % entre 2021 et 2022 due à une combinaison de facteurs désormais bien connus (flambée des prix de l’énergie, actions de sobriété, hiver clément), le gouvernement qui a présenté fin mai ses trajectoires provisoires de décarbonation sectorielle à horizon 2030 estime que le bâtiment a un rôle « déterminant » à jouer pour atteindre les objectifs climatiques de la France et doit baisser ses émissions de manière structurelle dans les années à venir. Le rythme de réduction des émissions du secteur est « d’environ 3 MtCO2 par an sur les dernières années » indique le MTE, alors que la trajectoire qui nous permettrait d’atteindre les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 « impose un rythme de réduction autour de 4 MtCO2 par an ».

Haro sur les chaudières ?

Si la cible de décarbonation définitive pour le secteur du bâtiment sera connue début juillet, le gouvernement estime que le secteur du bâtiment devra réduire de près de 34 MtCO2 ses émissions pour atteindre 30 MtCO2 entre aujourd’hui et 2030. Un facteur 2 qui impose selon le ministère de la Transition écologique « de réduire drastiquement les émissions liées au fioul et celles liées au gaz en accélérant le remplacement des chaudières gaz comme fioul et l’isolation des logements ». Un choix qui inquiète fortement les énergéticiens, les industriels, plus largement le monde du bâtiment mais aussi les bailleurs sociaux qui s’alarment des impacts sur le pouvoir d’achat des Français, sur le tissu industriel local et qui évoquent une décision « hâtive » alors même que dans certains cas « aucune solution alternative n’existe ». « Ne nous trompons pas de combat : ce n’est pas l’appareil qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir ! » soulignait Jean-Charles Colas-Roy, président de l’association Coénove, il y a quelques jours. Dans son dossier de concertation, le MTE évoque « le passage de certains logements ou bâtiments au biogaz sous réserve de la disponibilité de la biomasse permettant de le produire ». La filière, qui reproche justement au gouvernement « une trop grande précipitation et de ne pas tenir compte du potentiel du biogaz pour décarboner les bâtiments », aura l’occasion dès le mois prochain de dire ses craintes au gouvernement puisque les premières réunions sont annoncées pour le mois de juillet, avec une restitution « à l’automne »  qui pourra « nourrir les textes de loi à venir, ou faire l’objet de textes réglementaires » indique le MTE.

Supprimer un quart des chaudières au gaz en 2030 ?

Pour parvenir à réduire de 34 MtCO2 les émissions du secteur d’ici 2030, le gouvernement dévoile les actions à mener. En premier lieu, il prévoit que d’ici 2030, 75 % des chaudières fioul soient remplacées, correspondant à un rythme de remplacement de 300 000 chaudières chaque année. Le gouvernement envisage de sortir intégralement des chaudières au fioul en 2032. Pour le chauffage au gaz, le gouvernement évoque la possibilité d’interdire l’installation de nouvelles chaudières « 100% gaz fossile »  sans préciser le délai mais donne déjà des pistes notamment la possibilité de supprimer les soutiens à l’installation en relevant dès 2024 le taux de TVA à 20% pour la pose et l’installation de chaudières fossiles. Ce que le gouvernement évoque surtout une « sortie progressive« , en commençant par le secteur tertiaire, « une réduction de 15 % de la consommation de gaz et 2 % du parc qui quitterait le gaz chaque année »  indique le MTE. Dans le secteur résidentiel, 40 % des chaudières des maisons individuelles d’ici 2030 seraient remplacées, « supposant que 7 % du parc (constitué de 5,7 millions de maisons individuelles chauffées au gaz) quitte le gaz chaque année« . Le scénario évoque également « le remplacement de 10 à 20 % des chaudières des logements collectifs« . Concrètement, d’ici 2030, le scénario du gouvernement table sur la suppression d’un quart des chaudières gaz en 2030 par rapport à aujourd’hui.

Autre action à mener et pas des moindres : les travaux de rénovation énergétique. D’ici 2030, le gouvernement prévoit d’isoler environ « la moitié du parc tertiaire chauffé au gaz  » et l’ensemble des logements qui resteront chauffés au gaz après cette échéance. Lorsqu’on sait que seulement une poignée de rénovations sont considérées comme performantes chaque année, le chantier est titanesque. Sans surprise, les actions de sobriété et d’efficacité énergétique qui ont fait leur preuve l’année dernières seront reconduites et amplifiées. Par exemple, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), une chaudière entretenue consomme de 8 à 12 % de moins d’énergie qu’une non entretenue. Enfin, le gouvernement rappelle son intention de pousser une trajectoire de 15 % de biométhane dans notre consommation nationale de gaz à horizon 2030. « Une hypothèse ambitieuse » selon l’exécutif mais parfaitement atteignable selon la filière qui évoque un potentiel de 20 % dès 2030.

Une concertation ouverte « à tous »

Cette concertation, qui commence aujourd’hui et se déroulera jusqu’au 28 juillet, s’adresse à tous les Français. Au postulat de départ, soit la sortie des combustibles fossiles des bâtiments et particulièrement des moyens de chauffage, le gouvernement pose un certain nombre de questions : « comment accélérer la dynamique de dépose des chaudières fossiles (fioul et gaz) dans les bâtiments, dans le parc tertiaire comme résidentiel ? »« comment développer l’offre de systèmes de chauffage alternatifs par type de bâtiment et trouver les meilleures solutions pour les cas dans lesquels peu ou pas d’alternatives se présentent » ou encore « quelles actions pour accompagner la transformation des filières économiques et accélérer la structuration d’une filière européenne et française dans la production de pompes à chaleur ? »

Des questions très généralistes qui seront a priori tranchées, du moins pour la réduction des chaudières au gaz, dès le début du mois de juillet lorsque la Première ministre ou le président de la République annoncera les cibles définitives de décarbonation pour le secteur du bâtiment.