Bruxelles propose un retrait coordonné de la charte de l’énergie

Le traité sur la charte de l'énergie est un accord multilatéral qui établit un cadre pour le commerce et l'investissement dans le domaine de l'énergie. ©Shutterstock

Publié le 08/07/2023

4 min

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La Commission européenne a proposé le 7 juillet un retrait coordonné de l’UE et de ses 27 États de la charte de l’énergie, un traité international jugé trop protecteur des investissements dans les énergies fossiles, que plusieurs pays, dont la France, ont déjà annoncé vouloir quitter. Une décision attendue de longue date par de nombreux acteurs du monde associatif, scientifique mais aussi politique, qui estiment que ce traité est incompatibles avec les objectifs climatiques de l’Union.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Ce traité obsolète n’est pas aligné sur nos engagements climatiques (…). Il est temps pour l’Europe de s’en retirer, pour se concentrer sur la construction d’un système énergétique efficace qui promeut et protège les investissements dans les renouvelables », a souligné le vice-président de l’exécutif européen, Frans Timmermans. La Commission propose que l’UE, de concert avec tous ses États membres et l’organisation Euratom (nucléaire civil européen) « se retirent du traité de manière coordonnée et ordonnée, pour garantir l’égalité de traitement des investisseurs dans l’ensemble de l’UE et au-delà ». Les Vingt-Sept devront se prononcer à la majorité qualifiée sur cette proposition. L’Union européenne avait obtenu en juin que soit réformé le méconnu traité sur la charte de l’énergie (TCE), trop protecteur des énergies fossiles, mais le compromis est jugé insuffisant par les ONG, qui demandent aux Européens de s’en retirer.

Un traité vieux de trois décennies

Le traité sur la charte de l’énergie (TCE) a été signé en 1994, au sortir de la guerre froide, pour offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. Il a été signé par l’ensemble des États membres de l’Union européenne et les pays de la Communauté des États indépendants de l’ex-URSS, dont la Russie. Il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d’arbitrage privé, des dédommagements à un État dont les décisions et l’environnement réglementaire affectent la rentabilité de leurs investissements – même lorsqu’il s’agit de politiques pro-climat.

L’Italie a été condamnée à payer 200 millions d’euros

Cas emblématique : l’Italie a été condamnée en 2022 à verser une compensation d’environ 200 millions d’euros à la compagnie pétrolière britannique Rockhopper pour lui avoir refusé un permis de forage offshore. L’énergéticien allemand RWE réclame pour sa part 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes sur une centrale thermique affectée par une régulation néerlandaise anti-charbon. Face à la multiplication des contentieux, les Européens se sont d’abord efforcés de moderniser le texte pour empêcher les réclamations opportunistes et exclure progressivement les investissements dans les combustibles fossiles, mais ont échoué à l’automne dernier à s’entendre sur un compromis. Plusieurs pays se sont retirés du TCE (Russie en 2009, Italie en 2015) ou viennent d’annoncer leur retrait (Pays-bas, Espagne, Pologne, France). L’Australie a mis fin à l’application provisoire du traité en 2021.

La France est sortie en octobre 2022

Le 21 octobre, à l’issue du Conseil européen, Emmanuel Macron avait annoncé la sortie de la France du traité de la charte de l’énergie (TCE). Un traité devenu « incompatible avec nos objectifs climatiques » a souligné le président français. Une décision qui fait suite à l’avis du Haut Conseil pour le climat qui estimait dans un avis publié le 19 octobre que la France et l’UE devaient sortir du traité sur la charte de l’énergie (TCE), vieux de 30 ans, qui se révèle incompatible avec « les calendriers de décarbonation » prévus dans l’accord de Paris. « Aucun des cas de figure possibles à l’issue du quinzième cycle de négociation (…) ne permettra aux parties signataires de s’engager sur une trajectoire de décarbonation de leurs secteurs énergétiques respectifs à l’horizon 2030 et à la hauteur de l’ambition de l’accord de Paris« , affirme cette instance consultative indépendante française.

Tous les pays restent cependant concernés par la « clause de survie » du TCE, qui protège encore pendant 20 ans, après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité. Juristes et ONG estiment qu’un retrait coordonné des Européens permettrait de neutraliser en partie cette clause au sein de l’UE. Plusieurs pays, dont la Hongrie, plaidaient pour pouvoir rester membres d’un TCE « modernisé », mais pour la Commission, un retrait coordonné de l’UE et des États « est l’approche la plus adéquate juridiquement et politiquement ».