La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié le 13 juillet son rapport de surveillance des marchés de gros de l’électricité et du gaz naturel pour l’année 2022. Une année « exceptionnelle » selon le collège de la CRE où les prix ont atteint des sommets sur les marchés mondiaux et où la sécurité d’approvisionnement a été assurée, notamment grâce à la résiliences des infrastructures gazières. Focus.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

Amorcée à la fin de l’année 2021, la hausse des prix de l’énergie s’est poursuivie tout au long de l’année 2022, accentuée par l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine qui a considérablement renchéri les prix de l’énergie sur les marchés mondiaux, contribuant à une très grande volatilité. Une crise géopolitique inédite qui a conduit à l’arrêt quasi-complet des livraisons de gaz russe par canalisation, alimentant la crainte d’une pénurie et forçant la majorité des États du monde et particulièrement européens à prendre des mesures pour sécuriser et diversifier leurs approvisionnements, mais aussi pour protéger les consommateurs particuliers et professionnels de cette hausse brutale des coûts de l’énergie. En France, où la fin du bouclier tarifaire pour le gaz (fin 2023) et pour l’électricité (fin 2024) a été annoncée, les mesures pour protéger les ménages dépasseraient les 85 milliards d’euros selon un rapport récemment publié par le Sénat. « Ce contexte de crise des prix et des stocks a poussé les marchés de gros et de détail à des niveaux extrêmement élevés » reconnaît la CRE dans son rapport tout en évoquant la baisse observée en fin d’année dernière résultante de multiples facteurs : sobriété, climat doux, niveaux de stockage satisfaisant et efficience des installations de GNL et, spécifiquement pour la France, le retour en service d’une partie du parc nucléaire.

Pas de suspicion sur les marchés de gros

Un contexte de grande volatilité des prix du gaz et de l’électricité, « propice à des manipulations de marché et à des délits d’initiés » estime la CRE qui a renforcé, dès le second semestre 2021, tout comme l’a fait l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer) au niveau européen, les actions de surveillance des marchés de gros de l’énergie. À ce stade de ses analyses, la CRE « n’a identifié aucune suspicion probante de manipulation des prix de gros de l’électricité ou du gaz en France en 2022 ». « Les prix de gros ont joué leur rôle face à une menace de crise d’approvisionnement majeure en adressant un signal de rareté et en contribuant ainsi au rétablissement de l’équilibre entre l’offre et la demande. » Le périmètre surveillé par la CRE dans le cadre du Remit (règlement européen relatif à l’intégrité et à la transparence des marchés de gros de l’énergie) a représenté plus de 5,5 millions de transactions effectuées en 2022 sur les marchés de gros de l’énergie, pour plus de 2 100 TWh échangés ou encore 383 milliards d’euros de valeur, « en forte hausse par comparaison aux années précédentes du fait de la hausse spectaculaire des prix ». Au terme de l’année 2022, « sept enquêtes étaient en cours d’investigation par les services de la CRE et une affaire était en cours d’instruction par le comité de règlement des différends et sanctions » stipule le rapport.

Un marché européen du gaz « bouleversé »

Très dépendant du gaz russe, le marché européen a été bouleversé tout au long de l’année 2022 par l’arrêt quasi intégral des livraisons en gaz russe par gazoduc et par le recours massif au GNL, conduisant à une inversion des flux en Europe. Ainsi, la réduction de l’offre et la crainte d’une pénurie ont conduit à une hausse historique des prix du gaz jusqu’à l’été. Le premier pic de prix day ahead a été observé le 7 mars 2022 au PEG en atteignant 213,4 euros le MWh. À l’été, où la demande s’est accrue pour remplir les stockages, le prix day ahead au PEG a atteint son pic à 227,5 euros le MWh le 29 août 2022, alors que le prix à terme pour le quatrième trimestre de 2022 atteignait son maximum le 26 août 2022 à 302,6 euros le MWh. « Les prix de gros du gaz très élevés ont permis d’attirer en Europe tout le GNL disponible au niveau mondial, ce qui a compensé en grande partie la baisse des flux de gaz russe par gazoduc » note le rapport. Les terminaux méthaniers français ont joué un rôle central en accueillant 22 % du GNL livré en Europe et en fonctionnant à 90 % de leur capacité en moyenne sur l’année 2022. « Le prix day ahead au PEG a ainsi été en moyenne inférieur de 22,3 euros le MWh à celui du TTF néerlandais, le marché de référence en Europe, avec des écarts dépassant même 100 euros le MWh en août et en septembre 2022. »  La forte augmentation des volumes de GNL arrivant en France a conduit à une hausse importante des volumes échangés au PEG, le GNL ayant été en grande partie échangé sur le marché français. Cette hausse des volumes échangés, « en moyenne de + 93 %, concerne toutes les échéances, mais a été particulièrement marquée sur les contrats de moyen terme ». La zone de marché française TRF, avec quatre terminaux méthaniers, des stockages souterrains pleins en début d’hiver et un réseau de transport de gaz bien dimensionné et flexible, « a joué un rôle majeur dans cette reconfiguration des flux » souligne le régulateur qui évoquait dans un rapport publié en avril « la résilience du système gazier français » durant la crise.

En 2022, la demande de gaz dans l’UE27 a diminué de 59 milliards de m³ en 2022 indique une étude de l’Oxford Institute for Energy Studies (OIES), ce qui est bien supérieur à l’objectif initial de 38 milliards de m³ de réduction de la demande de gaz fixé dans le premier projet de paquet REPowerEU, publié en mars 2022.