« Mettre la France sur une trajectoire énergétique compatible avec nos objectifs climatiques »

« L’objectif est que, d’ici la fin du mois, le projet de PPE et de SNBC soient mis en consultation" a indiqué le 4 septembre aux journalistes de l'AJDE, la ministre de la Transition énergétique. ©Alexandros Michailidis / Shutterstock.com

Publié le 06/09/2023

8 min

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Lundi 4 septembre, lors d’un échange avec l’association des journalistes de l’énergie, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a rappelé l’ambition de son ministère et plus largement du gouvernement pour construire la trajectoire énergétique de la France. Une trajectoire « la plus décarbonée possible » pour tenir nos engagements climatiques, selon la ministre qui s’appuie sur plusieurs piliers : la sobriété et l’efficacité énergétique, l’accélération des renouvelables et la relance du nucléaire.

Par Laura Icart

 

Planification écologique, trajectoire énergétique nationale et européenne, réindustrialisation et sortie des énergies fossiles : la ministre de la Transition énergétique a rappelé sa feuille de route fixée par le président de la République et la Première ministre lors d’une entrevue avec les journalistes spécialisés dans le secteur de l’énergie. « Donner de la lisibilité à la politique climatique et énergétique, c’est l’objectif de cette planification » souligne Agnès Pannier-Runacher qui devrait être présentée d’ici la mi-septembre par la Première ministre. La France doit réduire drastiquement ses émissions pour passer de 408 millions de tonnes équivalent CO2 émises l’année dernière à 270 millions en 2030. Et pour y parvenir la ministre mise se fixe trois grands objectifs : sécuriser les approvisionnements énergétiques, construire des filières industrielles d’énergies décarbonées et donner de la visibilité de long terme aux investisseurs.

Une fin d’année hautement stratégique pour l’énergie

Loi de programmation énergie et climat (LPEC), loi de sûreté sur le nucléaire, réforme du market design, COP 28… La rentrée est chargée pour la ministre française. Les travaux des groupes parlementaires qui doivent nourrir la LPEC sont quasi terminés. « Crédibiliser les trajectoires et donner la visibilité au secteur industriel » était le principal objectif. « L’objectif est que, d’ici la fin du mois, le projet de PPE et de SNBC soient mis en consultation. » L’examen au Parlement est toujours prévu à l’automne. La sécurité d’approvisionnement pour cet hiver ne fait pas l’objet d’inquiétude a assuré la ministre, avec des stockages gaziers remplis à hauteur de 90%, l’arrivée du terminal méthanier flottant au Havre, l’augmentation des énergies renouvelables et l’augmentation de la production nucléaire. « On devrait disposer de près de 5 GW supplémentaires pour faire face aux pics de froid » précise la ministre, indiquant au passage la nécessité de poursuivre les efforts de sobriété. Sujet brûlant de la rentrée : la réforme du marché de l’électricité, avec des arbitrages importants qui seront faits à la mi-octobre, notamment sur la question des contrats pour la différence (CfD). « Outre les CfD, nous travaillons plusieurs autres solutions pour les consommateurs français » a assuré la ministre qui se veut cependant « confiante » sur la finalité des discussions avec les partenaires européens même si certains pays, et en tête de file l’Allemagne, sont opposés à la volonté de la France d’intégrer des CfD sur le nucléaire. « Notre ambition est toujours la même, nous voulons que les prix de l’électricité payé par le consommateur français reflète nos coûts de production. » La France souhaite obtenir des engagements du secteur gazier et pétrolier en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre avec en ligne de mire l’objectif de fixer une échéance pour la sortie du pétrole lors de la COP 28 à Dubaï . Pour y parvenir, le dialogue avec les pays producteurs d’énergie fossile était « primordial ».

« Mettre la France sur une trajectoire énergétique compatible avec nos objectifs climatiques »

Une « bonne » trajectoire énergétique, c’est une trajectoire « acceptable » pour les citoyens « avec des effets concrets : amélioration du pouvoir d’achat, meilleur qualité de vie, opportunité d’emploi » et qui soit compatible avec nos objectifs climatiques rappelle Agnès Pannier-Runacher. Le plan de sobriété annoncé en octobre par le gouvernement pour pallier à une éventuelle rupture en gaz et en électricité, au plus fort de la crise énergétique mondiale, va être « pérennisé et renforcé ». Comme elle l’avait fait à la rencontres annuelle du Medef la semaine dernière, la ministre a rappelé que la France a réduit de 12 % sa  consommation d’énergie – gaz et électricité confondus – entre août 2022 et juillet 2023 par rapport à la période de référence 2014-2019. Parmi les mesures durables, elle évoque tour à tour la rénovation énergétique des logements dont le budget sera en net augmentation en 2024 mais aussi « un meilleur accompagnement du parcours de rénovation » – un sacerdoce pour les ménages comme pour les collectivités -, le verdissement des flottes avec un objectif de 400 000 bornes de recharge électrique et un travail pour que leurs implantations en zone rurales soient facilitées. « Nous devons donner des signaux qui favorisent l’investissement dans les énergies décarbonées » indique le cabinet de la ministre,  « des signes de long terme au marché pour inciter les entreprises à investir dans la décarbonation. » Autre mesure évoquée : la décarbonation du secteur industriel, appuyée par la stratégie nationale hydrogène dont la réactualisation est attendue « dans les prochaines semaines », alors même que l’Allemagne vient d’annoncer un rehaussement de 50 % de ses ambitions en termes de production domestique d’hydrogène renouvelable. La ministre française a de son côté annoncé la semaine dernière une aide de 4 milliards pour accompagner financièrement les entreprises qui font le choix de se doter d’électrolyseurs. Autre élément de la décarbonation dans l’industrie : la stratégie de capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS) présentée en juin par Élisabeth Borne, en consultation jusqu’au 29 septembre avec un potentiel important selon les estimations réalisées par État et les industriels émetteurs dans le cadre de l’élaboration des feuilles de route de décarbonation des 50 sites industriels les plus émetteurs. Entre 4 à 8,5 MtCO2 pourraient être captés par an à horizon 2030 et entre 15 et 20 à horizon 2050. Sur la relance nucléaire, un  des quatre piliers de la stratégie gouvernementale, les choses sont très claires pour Agnes Pannier-Runacher : « L’atome est un véritable atout pour décarboner la France et  l’Europe »n n’hésitant pas à évoquer « un combat suranné des écologistes contre une énergie décarbonée », fustigeant au passage l’extrême droite « qui nous explique que les scientifiques du Giec sont des imposteurs. » Cette stratégie est matérialisée par la  loi de relance du nucléaire votée en mai, qui va bénéficier de plus d’un milliard d’euros dans le cadre des investissements du plan France 2030. Les attentes sont nombreuses et les défis aussi : la construction de six réacteurs nucléaires de type EPR2 d’ici 2050 ainsi que la mise à l’étude de huit supplémentaires, l’amélioration de la sûreté et de la sécurité nucléaire, un sujet polémique qui divise la classe politique française et qui va faire l’objet d’un projet « discuté à l’automne » au Parlement. Objectif : davantage de souveraineté et une manne d’emplois important puisque les industriels du secteur estiment les besoins de main d’œuvre à 100 000 recrutements dans les 10 prochaines années.

« Nous avons une trajectoire des renouvelables similaires à l’Allemagne »

« Nous avons une trajectoire des renouvelables similaires à l’Allemagne ». Malgré son potentiel, la France reste en retard sur ses objectifs de déploiement. Le taux d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie est de 20,7 % en 2022, soit un taux inférieur à l’objectif visé pour 2020 issu de la directive européenne sur les énergies renouvelables. Souvent comparée à l’Allemagne, « la France est légèrement en avance en 2022  [20,4 % pou l’Allemagne, NDLR] » a fait remarquer la ministre. L’accélération du déploiement des énergies renouvelables est une « priorité » du gouvernement a rappelé Agnès Pannier-Runacher qui évoque déjà une quarantaine de textes mis en application tous secteurs confondus qui vont permettre d’« amplifier cette dynamique ». Pour faciliter ce déploiement et « améliorer l’acceptabilité », les élus locaux auront un rôle clé à jouer. Il s’agit « d’établir un véritable travail partenarial » avec eux. Les énergies renouvelables « ce ne sont pas que les éoliennes terrestres » rappelle la ministre, évoquant notamment la filière du biogaz où « 90 % de la valeur ajoutée se trouve en France ». « Elle fait clairement partie des solutions » et les différentes mesures réglementaires prises depuis juin pour « pousser » la filière le rappellent. Le décret concernant les certificats de production de biogaz est actuellement au Conseil d’État. « Nous encourageons également les innovations, notamment la pyrogazéification dans le cadre de France 2030. » Sur la question de la disponibilité de la biomasse, récurrente dans le débat public, Agnès Pannier-Runacher rappelle que son objectif est bien le « déploiement d’une offre crédible » en termes de volume de biomasse » et « compétitive » pour les entreprises françaises.