Les zones à faibles émissions : un « succès » en Europe selon Barbara Pompili

Instauré en 2008, la Low emission zones de Londres aurait permis selon les autorités anglaise d'enregistrer "une diminution de près d'un quart des concentrations d'oxydes d'azote (NOx)." ©Henry Franklin / Shutterstock.com

Publié le 24/10/2023

7 min

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C’est le dispositif réglementaire qui semble aujourd’hui l’un des plus efficaces pour réduire la pollution de proximité en contribuant, entre autres, au renouvellement accéléré du parc automobile en France et en Europe. Mais les ZFE ne font pas l’unanimité en France. Pourtant ailleurs c’est un vrai « succès » selon l’ancienne députée et ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, qui a rendu un rapport, « Les enseignements à tirer de l’expérience des pays européens », sur le sujet la semaine dernière. Un signe « d’encouragement » pour poursuivre le déploiement dans notre pays en faisant preuve « de davantage de pédagogie ».

Par Laura Icart,  avec AFP

 

En France, depuis plusieurs années, le dispositif des zones à faibles émissions mobilité (ZFEm) issu de la loi d’orientation des mobilités et renforcé par la loi climat et résilience, est au cœur de l’actualité. « Bombe sociale » pour les uns, « parfaitement efficace » pour les autres, la mise en place des ZFE dans les grandes agglomérations françaises est source de tensions entre l’État et les collectivités et de beaucoup d’incompréhensions parmi les Français. Suppression, moratoire, assouplissement : depuis le début de leur déploiement, les ZFE crispent et ce malgré les multiples rapports et propositions de loi qui ont déjà été mis sur la table. Leur efficacité d’un point de vue environnemental et sanitaire est pourtant bien réelle puisqu’en France comme Europe elles ont permis d’améliorer la qualité de l’air. Mais il faut « davantage de justice sociale » estimait, en juillet dernier, le Comité national de concertation national coordonné par Jean-Luc Moudenc (métropole de Toulouse) et Anne-Marie Jean (métropole de Strasbourg) en listant 25 propositions pour sortir de l’impasse. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs reprises par Barbara Pompili dans son rapport, comme la facilitation du leasing social, une meilleure participation du public ou un dispositif pérenne de prêt à taux zéro pour l’acquisition de véhicules propres légers.

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Lutter contre la pollution chronique

Pour faire face aux enjeux sanitaires liés à une mauvaise qualité de l’air, aux dépassements des valeurs limites réglementaires des concentrations en particules et en dioxyde d’azote, une dizaine de pays européens ont mis en œuvre au cœur des grandes métropoles, principalement concernées par les émissions de polluants provenant du trafic routier, des « low emission zones » (LEZ), des zones urbaines dont l’accès est réservé aux véhicules les moins polluants. Le dispositif de LEZ a été mis en place, depuis une dizaine d’années, dans de nombreuses villes européennes. En juin 2022, on recensait près de 320 LEZ en Europe. La Suède a été le premier pays à instaurer une LEZ en 1996. Dans un  benchmark européen consacré aux LEZ, paru en avril 2019, l’Ademe rappelle que « si les véhicules concernés diffèrent d’un pays à l’autre, il s’agit majoritairement des poids lourds et des bus-autocars ». À deux exceptions notables à cette époque : l’Allemagne et l’Italie. Les deux pays, « qui concentrent à eux deux 85 % des LEZ recensées en Europe », incluent les véhicules légers pour le premier et jusqu’aux deux-roues motorisés pour le second. Chaque pays a mis en place des moyens de surveillance automatisés ou physiques pour s’assurer du respect des règles. Pour quelle efficacité ? « La réduction des émissions de polluants liées au trafic routier est généralement significative et les bénéfices attendus sur la qualité de l’air sont plus modérés, notamment compte tenu de la multitude des sources d’émissions en zones urbanisées et de l’influence importante des conditions météorologiques » notait  l’Ademe dans son rapport qui soulignait néanmoins que, selon les LEZ, « des réductions de concentrations dans l’air de NO2 et PM10 jusqu’à 12 % peuvent être observées ainsi que des réductions de PM2,5 jusqu’à 15 % et de black carbon (BC) jusqu’à 52 % ». Depuis 2019, les LEZ ont augmenté de près de 40 % en Europe et ces zones « d’air pur » devrait passer à plus de 500 d’ici 2025.

Les ZFE sont « efficaces »

« Quand elles sont mises en place, elles permettent de baisser la pollution et l’atteinte à la santé des Français donc oui elles sont efficaces » souligne Barbara Pompili ce 23 octobre sur RMC  au micro d’Apolline de Malherbe. Dans son rapport qui étudie les ZFE mises en place au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en Italie pour les véhicules particuliers et les poids-lourds, Barbara Pompili estime que les ZFE ont été « mises en oeuvre avec succès et bien acceptées », citant celles d’Amsterdam et Madrid où, pour pouvoir circuler, les véhicules particuliers doivent respecter au minimum la norme Euro 4 (essence et diesel mis en service entre 2006 et 2010), « soit les Crit’Air 2 et 3« . Et celles « de Londres, Bruxelles, Stuttgart et Milan, où la norme minimale actuelle pour les véhicules des particuliers est Euro 5 ou Euro 6 (véhicules après 2011, soit Crit’Air 1 et 2) ». « Ces exemples illustrent la faisabilité de l’exigence légale française d’instituer pour les véhicules diesel légers la norme minimale Euro 4 en 2024 et Euro 5 en 2025, dans les ZFE des villes où les règles de qualité de l’air ne sont pas respectées de façon régulière », souligne le rapport, faisant référence à Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg.

« Être perçue comme utile »

Ces ZFE européennes font également leurs preuves en matière d’amélioration de la qualité de l’air, comme à Londres, où les autorités enregistrent « une diminution de 23 % des concentrations d’oxydes d’azote (NOx) ». Pour être bien acceptée, une ZFE doit d’abord « être perçue comme utile« , poursuit le rapport, pour lequel l’information du public et la concertation préalable jouent un rôle « essentiel« . L’ancienne ministre de la Transition écologique estime que même la dénomination zone à faible émission « ne veut rien dire ». « Les Français ne comprennent pas ce que cela veut dire » souligne-t-elle évoquant le choix des Anglais de baptiser ces zones : zone d’air pur. « Beaucoup plus clair et significatif » pour Barbara Pompili. « Une ZFE c’est pour améliorer la qualité de l’air, rien d’autre » indique t-elle. Ménages et entreprises ne doivent pas non plus « se sentir entravés dans leur mobilité » et la ZFE doit s’inscrire « dans une démarche globale incluant le développement des transports publics, du vélo et des services de mobilité ». Sur le plan financier, le rapport recommande de renforcer les aides aux habitants des cinq agglomérations  (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg) dépassant les valeurs limites de pollution, et aux entreprises à proximité du périmètre ZFE. La mission propose aussi d’encourager la transformation d’un véhicule en hybride rechargeable et estime « indispensable » la mise en place d’un contrôle automatisé par caméra. Elle recommande enfin de créer un guichet unique « pour la gestion des aides » et un service de conseil en mobilité pour les ménages.

En France, 11 métropoles ont mis en place une ZFE. En 2025, l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants devront avoir instauré leurs ZFE. En juillet, le gouvernement avait annoncé de nouveaux arbitrages à l’automne.