Que faut-il attendre de la COP28 ?

La combustion des énergies carbonées est responsable de 85 % des émissions de CO2 et de quasi 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon l'Agence internationale de l'énergie. © Shutterstock

Publié le 30/11/2023

8 min

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La 28e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP28) débute aujourd’hui à Dubaï. Huit ans après l’accord de Paris, cette COP sera « décisive » pour de nombreux experts afin de « rectifier » le tir. D’après l’ « Emissions Gap Report » du Programme des Nations unies pour l’environnement, les contributions initiales des États (NDCs) entraîneraient une augmentation de la température d’au moins 3 °C d’ici la fin du siècle et apparaissent insuffisantes pour limiter le changement climatique à 1,5 °C.

Par la rédaction, avec AFP

 

La COP28 doit s’engager à une véritable « sortie » des énergies fossiles, a plaidé le secrétaire général de l’ONU dans un entretien mercredi à l’AFP, dénonçant le manque de « volonté politique » pour éviter la « catastrophe » climatique. « Évidemment, je suis fortement en faveur d’un texte qui inclut la sortie (des énergies fossiles) », même avec un calendrier progressif, a déclaré António Guterres avant de s’envoler pour Dubaï, estimant qu’il serait « dommage » de s’en tenir à une simple « réduction, vague et évasive ». La sortie des énergies fossiles est une maraude des COP. Chaque année, des annonces sont attendues et chaque année, les États n’arrivent pas à trouver un compromis. Cette année néanmoins, il se murmure qu’un texte sur une sortie progressive des énergies fossiles avec un engagement sur le charbon pourrait voir le jour. Autre enjeu majeur de la COP28, dans la lignée des avancées obtenues l’année dernière : l’augmentation des dépenses liées à l’adaptation dans le cadre de la mise en place  du fonds pertes et dommages. Un fonds qui doit permettre d’améliorer le financement de l’adaptation et renforcer la solidarité entre les pays du Nord et du Sud.

Une baisse de « seulement » 2 % des émissions mondiales en 2030

Huit ans après l’accord de Paris, c’est l’heure du bilan et il n’est pas brillant. Les engagements climatiques actuels des pays mènent à seulement 2 % de baisse des émissions mondiales en 2030 par rapport à 2019, au lieu des 43 % préconisés par les climatologues pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, alertait le 14 novembre l’ONU Climat. Ce rapport montre que les gouvernements du monde font pour l’heure « des petits pas pour éviter la crise climatique » mais qu’ils « doivent faire des pas de géants lors de la COP28 », a commenté Simon Stiell, patron de l’ONU Climat. Ce rapport est la synthèse annuelle des derniers engagements de réduction des émissions – appelés « contribution déterminée au niveau nationalé (NDC) – pris par les 195 signataires de l’accord de Paris de 2015, dont la COP28 doit établir le premier bilan officiel et les premiers correctifs. Le rapport prend en compte 20 nouvelles NDC (inédites ou révisées) soumises depuis un an (Mexique, Turquie, Égypte, Émirats arabes unis, Norvège…) mais pas l’actualisation des 27 pays européens ou du Brésil, soumises depuis octobre. Pour avoir 50 % de chances de contenir le réchauffement à 1,5 °C, les émissions mondiales doivent baisser de 43 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2019, selon le dernier rapport du Giec, les experts mandatés par l’ONU. « Le rapport, conformément aux conclusions de l’an dernier, indique que si les émissions n’augmentent plus après 2030 par rapport aux niveaux de 2019, elles n’affichent toujours pas la baisse rapide jugée nécessaire par la science dans cette décennie », souligne l’ONU Climat. Le bilan de l’accord de Paris à la COP28 sera un préalable important à la révision obligatoire de ces NDC d’ici 2025 et la COP30 prévue au Brésil.

La sortie des énergies fossiles, un sujet incontournable

C’est le « the sujet » au cœur de la bataille climatique. Le plus difficile à résoudre, le plus compliqué à mettre en œuvre : acter une sortie progressive des énergies fossiles. Près de 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à la combustion pour produire de l’énergie, et cette demande est bien loin de reculer pour répondre aux besoins d’une population mondiale qui augmente. La part des énergies fossiles dans le mix énergétique mondiale avoisine encore les 80 % selon l’Agence internationale de l’énergie qui entrevoit une baisse à 73 % en 2030. Difficile de savoir si les États du monde s’entendront sur une sortie programmée des énergies fossiles. Les négociations ont déjà commencé et elles sont « ardues » a récemment déclaré un observateur européen. À la COP 28, plusieurs autres objectifs importants seront à l’ordre du jour, en lien direct avec une réduction des énergies fossile : celui par exemple de tripler la capacité des énergies renouvelables dans le monde à 11 000 gigawatts et d’ici 2030, ou de doubler la production d’hydrogène à 180 millions de tonnes d’ici 2030. Autre sujet majeur : celui de l’efficacité énergétique, un pilier souvent oublié mais majeur selon l’AIE. « Si les gouvernements veulent maintenir l’objectif de 1,5 °C à portée de main tout en soutenant la sécurité énergétique, il est essentiel de doubler les progrès en matière d’efficacité énergétique au cours de cette décennie », soulignait  Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, alors que le « taux de progression estimé de l’intensité énergétique a baissé en 2023 » à 1,3 %, contre 2 % en 2022.

Augmenter les investissements pour les pays les plus vulnérables

En 2020, les dégâts causés par le dérèglement climatique dans les pays vulnérables étaient estimés à environ 300 milliards de dollars. Dans une étude publiée en octobre 2022, le groupe V20, qui rassemble 58 économies « vulnérables » représentant environ 1,5 milliard de personnes, affirme que les chocs et les catastrophes liés au changement climatique ont déjà coûté 525 milliards de dollars à leurs économies au cours des deux dernières décennies. L’insuffisance des investissements dans les pays en développement met en péril les efforts de réduction du réchauffement climatique, soulignait à la mi-novembre un groupe d’experts économiques de l’ONU, appelant la COP28 à promouvoir un « changement radical ». Le groupe d’experts de haut niveau des Nations unies sur le financement de la lutte contre le changement climatique avait déclaré l’année dernière que les pays en développement (à l’exclusion de la Chine) devaient consacrer quelque 2 400 milliards de dollars par an aux énergies propres et à la résilience climatique d’ici à 2030, soit quatre fois plus que les niveaux actuels. L’investissement climatique dans les économies émergentes « est au point mort » et il est essentiel d’agir à court terme. Le rapport indique qu’un financement insuffisant ferait « échouer Paris », en référence à l’accord historique de 2015 visant à limiter le réchauffement climatique à bien moins de deux degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels et, de préférence, à 1,5 °C. « Les conséquences seraient dévastatrices, en particulier pour les populations les plus pauvres », souligne M. Stern. De nombreux pays en développement, les moins émetteurs de gaz à effet de serre responsables du réchauffement de la planète, sont parmi les plus exposés aux effets coûteux et destructeurs des conditions météorologiques extrêmes et de la montée des eaux. Mais ils font également partie des économies qui connaissent la croissance la plus rapide au monde, avec une demande croissante qui, selon les experts, pourrait être mieux satisfaite en se tournant vers les énergies propres, à condition qu’ils puissent s’affranchir du fardeau de la dette et accéder au financement.

Accélérer sur les politiques d’adaptation 

En 2021, le Programme des Nations unies pour l’environnement estimait que les besoins pour financer l’adaptation pourraient aller jusqu’à 300 milliards par an en 2030 et 500 milliards d’ici 2050. En 2021, 22 milliards ont été investis dans des politiques d’adaptation. Pour rappel, l’adaptation désigne l’ensemble des stratégies, initiatives et mesures visant à réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains contre les effets (présents et attendus) du réchauffement climatique. « Les financements français sur l’adaptation représentent 2,6 milliards d’euros en 2026, soit plus de 10 % des financements mondiaux » indiquait en septembre le ministère de la Transition énergétique. Au total, la France a fourni 7,6 milliards d’euros de financements climat en 2022. L’accord conclu l’année dernière engageait les pays développés à la création d’un fonds dédié au financement des pertes et préjudices, ciblé sur les pays les plus vulnérables, sous l’égide de l’ONU. La crédibilité du démarrage de ce nouveau fonds, revendication essentielle des pays en développement, aura une influence majeure sur le reste des négociations, destinées à accélérer la réduction des gaz à effet de serre de l’humanité, responsables du réchauffement climatique.