Le Parlement adopte une loi pour restaurer 20 % des terres et des mers de l’UE

Les pays européens doivent également remédier au déclin des populations de pollinisateurs au plus tard d’ici 2030, et tendre par la suite à une hausse mesurée tous les six ans au moins. ©Shutterstock

Publié le 27/02/2024

5 min

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Le Parlement européen a approuvé le 27 février une législation visant à enrayer le déclin de la biodiversité en imposant aux États de réparer les écosystèmes abîmés. Les pays de l’Union européenne doivent restaurer au moins 30 % des habitats en mauvais état d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050. Après l’adoption du Conseil, l’Union sera dotée de la première législation mondiale pour la restauration de la nature.

Par la rédaction, avec AFP

 

Préserver la biodiversité, protéger les écosystèmes existants mais aussi réparer les dégradations subies, tels sont les grands objectifs de la proposition européenne de règlement sur la restauration de la nature que les eurodéputés réunis en plénière à Strasbourg ont validé sur le fil, signe d’une extrême division dans l’hémicycle bruxellois, ravivée par la crise agricole. L’accord conclu avec les États membres a été adopté par 329 voix pour, 275 contre et 24 abstentions. Ce texte-clé du pacte vert doit encore attendre une confirmation formelle des États membres avant son entrée en vigueur.

80 % des habitats européens en mauvais état

Le texte définit des objectifs et des obligations qui sont juridiquement contraignants en matière de restauration de la nature dans chacun des écosystèmes énumérés, allant des terres agricoles aux forêts et prairies en passant par les écosystèmes côtiers et marins (notamment les prairies sous-marines et les bancs d’éponges et de corail), d’eau douce (zones humides, rivières, lacs) ou encore urbains. Le texte impose aux Vingt-Sept d’instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE. Pour réaliser ces objectifs, les pays de l’UE doivent remettre en bon état, d’ici à 2030, au moins 30 % de certains habitats spécifiques en mauvais état, avec priorité aux zones Natura 2000, puis 60 % de ces habitats en mauvais état d’ici à 2040 et 90 % d’ici à 2050. Les États membres devront « également adopter des plans nationaux de restauration » détaillant la manière dont ils entendent atteindre ces objectifs.

Un vote incertain

Le résultat était très incertain, le Parti populaire européen (PPE, droite), premier groupe du Parlement, ayant appelé lundi ses élus à voter contre le texte, tandis que l’extrême droite déposait des amendements de rejet. Eurodéputés de gauche et du centre, à l’unisson des ONG environnementales, ont exprimé leur soulagement. Après « une campagne agressive du PPE » et « malgré les tentatives de sabotage de l’extrême droite (…), c’est une victoire pour le vivant, les agriculteurs, tous les Européens », a réagi l’élue écologiste Marie Toussaint. À trois mois des élections européennes, les élus conservateurs ont réaffirmé leur défiance vis-à-vis du Green Deal, vaste ensemble de réglementations environnementales vouées aux gémonies dans les récentes manifestations agricoles. « Nous pensons toujours qu’il s’agit d’une loi mal rédigée (…). On met en place des règles bureaucratiques supplémentaires pour nos agriculteurs » au moment où la production alimentaire est sous pression, a insisté mardi l’Allemand Manfred Weber, président du groupe PPE. Sous pression de la droite, à l’issue d’une âpre bataille, le Parlement européen avait largement vidé le projet législatif de sa substance en adoptant en juillet son mandat de négociation. Les conservateurs avaient fustigé la mention d’un objectif – pourtant simplement indicatif – d’extension de zones « à haute diversité » (haies, étangs, arbres fruitiers…) sur 10 % des terres agricoles à l’échelle de l’UE, très tôt supprimé. Surtout, le Parlement avait éliminé l’article ciblant les terres agricoles pour finalement le réintroduire mais pas avec la même ambition que le premier texte. « Le règlement permettra de restaurer les écosystèmes dégradés tout en respectant le secteur agricole grâce à la flexibilité accordée aux États membres » a indiqué l’eurodéputé César Luena (S&D, ES), rapporteur du texte.

Deux indicateurs retenus pour l’écosystème agricole

Cette partie du texte sur les systèmes agricoles a fait l’objet de nombreuses divergences. Pour améliorer la biodiversité dans les écosystèmes agricoles, les pays de l’UE devront progresser sur deux des trois indicateurs suivants : l’indice des papillons des prairies, la part des terres agricoles présentant des caractéristiques paysagères à haute diversité et le stock de carbone organique dans les sols minéraux des terres cultivées. Des mesures visant à augmenter l’indice des oiseaux communs des terres agricoles doivent également être prises, car les oiseaux sont de bons indicateurs de l’état général de la biodiversité. À noter que la loi prévoit un frein d’urgence, à la demande du Parlement, afin que les objectifs pour les écosystèmes agricoles « puissent être suspendus dans des circonstances exceptionnelles s’ils réduisent fortement les terres nécessaires à une production alimentaire suffisante pour la consommation de l’UE ». D’autres exigences sont également prévues, comme la restauration des tourbières asséchées, « l’un des moyens les plus rentables » selon l’UE de réduire les émissions dans le secteur agricole. D’ici 2030, les pays de l’UE doivent restaurer au moins 30 % des tourbières asséchées dont au moins un quart doit être réhumidifié, 40 % d’ici à 2040 et 50 % d’ici à 2050 (dont au moins un tiers doit être réhumidifié). « La réhumidification restera volontaire pour les agriculteurs et les propriétaires fonciers privés » précise le texte.

Plusieurs autres mesures sont prévues dans le texte : inverser le déclin des populations de pollinisateurs d’ici 2030, améliorer la biodiversité des écosystèmes forestiers en plantant 3 milliards d’arbres supplémentaires d’ici 2030. Les États membres devront également restaurer au moins 25 000 km de cours d’eau et veiller à ce qu’il n’y ait pas de perte nette de la superficie nationale totale des espaces verts urbains et du couvert végétal urbain.