Un paysage politique profondément remanié

A l’issue du scrutin, l’institut Ipsos prévoyait de 230 à 280 sièges pour le RN et ses alliés, de 125 à 165 pour le NFP et de 70 à 100 pour Ensemble. Une projection qui ne tient pas compte des nombreux désistements qui devraient avoir lieu jusqu’à mardi 2 juillet. ©Shutterstock

Publié le 01/07/2024

7 min

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À l’issue du premier tour, le Rassemblement national et ses alliés sont arrivés en tête des suffrages avec plus de 33 % des voix, le Nouveau Front Populaire atteint près de 28 % et le camp présidentiel environ 20 %. Un scrutin où les Français se sont massivement déplacés aux urnes, avec une Assemblée qui devrait être considérablement remaniée dimanche prochain. Malgré tout, une grande partie des députés spécialisés sur les questions énergétiques pourraient retrouver leurs sièges à l’issue du second tour, le 7 juillet. 

Par Laura Icart,  avec AFP

 

Dimanche soir, dans la lignée des Européennes et des sondages, le Rassemblement national et ses alliés ont obtenu plus de 33 % des voix et devrait selon toute vraisemblance devenir la première force politique du pays. Le parti de Marine Le Pen n’est cependant pas assuré d’obtenir une majorité absolue le 7 juillet, alors que plus 300 triangulaires étaient comptabilisées à l’issue du premier tout du scrutin. Les désistements républicains devraient se multiplier d’ici mardi 18h, alors que de nombreux partis ont appelé à « faire barrage au RN ».

Plus de 70 députés élus dès le premier tour

C’est l’une des principales leçons de ce premier tour des législatives : la très forte participation (67,5 %), la plus importante depuis le premier tour des législatives en 1997, a permis à plus de 10 % des députés de la prochaine législature d’être élus dès le premier tour. Tous ces candidats ont recueilli les suffrages de plus de 50 % des votants et d’au moins 25 % des inscrits de leur circonscription. Au total, près de 39 députés du Rassemblements national et de l’alliance RN-LR soutenue par Eric Ciotti ont été élus, comme Marine Le Pen réélue au premier tour avec plus de 58 % des voix dans sa circonscription du Pas-de-Calais, ou comme le vice-président RN de l’Assemblée, Sébastien Chenu (Nord) et les deux porte-paroles du RN, Julien Odoul (Yonne) et Laure Lavalette (Var). Trente députés de Nouveau Front populaire ont également été réélus, principalement à Paris et dans sa grande couronne. C’est notamment le cas de la présidente de LFI à l’Assemblée, Mathilde Panot (Val-de-Marne), comme sa collègue Clémence Guetté, le premier secrétaire du PS Olivier Faure (Seine-et-Marne) ; les députés LFI Clémentine Autain, Éric Coquerel et Aurélie Trouvé (Seine-Saint-Denis) ont également été élus largement dimanche. En tout, ils sont 76 à avoir été élus dès le premier tour, dimanche 30 juin.

De nombreux députés « énergie» devraient se maintenir

De nombreux spécialistes de l’énergie, députés et ministres, étaient candidats pour conserver leurs sièges ou en conquérir de nouveaux ce dimanche. Ils sont un grand nombre à avoir franchi le cap du premier tour. En premier lieu, le député « chaleur » Pierre Cazeneuve (Hauts-de-Seine) réélu dès le premier tour, tout comme la députée insoumise Clémence Guetté, rapporteure d’une mission flash sur l’acceptabilité des énergies renouvelables. Du côté de l’ancienne majorité présidentielle, le ministre délégué à l’industrie et à l’énergie Roland Lescure est arrivé en (courte) tête avec 38,84 %, suivi par le Nouveau Front populaire (36,12 %), tout comme Antoine Armand en Haute-Savoie, Maud Bregeon dans les Hauts-de-Seine, Olga Givernet dans l’Ain. Ils sont également plusieurs à être arrivés deuxième, majoritairement derrière des candidats du RN. C’est le cas de la ministre déléguée à l’agriculture Agnès Pannier-Runacher en ballotage défavorable dans le Pas-de-Calais avec 16 points de retard, tout comme l’ancien président de la commission du développement et de l’aménagement du territoire Jean-Marc Zulesi (18 points). Le député du Rhône, Jean-Luc Fugit, président du Conseil supérieur de l’énergie jusqu’à sa dissolution, est également relégué en deuxième position derrière un candidat de l’alliance RN-LR. Le ministre du logement Guillaume Kasbarian et l’ancien président de la commission des affaires économiques Stéphane Travert sont devancés d’une courte tête par le RN dans leurs circonscriptions respectives. Les députés socialistes Marie-Noelle Battistel (42,5 %), Dominique Potier (43,4 %) sont arrivés en tête, quand les députés Gérard Leseul, Philippe Brun et Sébastien Jumel auront un second tour plus complexe face au RN et ses alliés. En Loire-Atlantique, la députée écologiste candidate du Nouveau Front populaire Julie Laernoes, auteure d’une proposition de loi de programmation énergétique, devrait a priori être réélue sans encombre dimanche prochain. Le député Raphaël Schellenberger, candidat Les Républicains, président de la commission sur la perte de souveraineté  énergétique de la France, est arrivé deuxième dans le Haut-Rhin, 10 points derrière la candidate du RN. Du côté du parti de Marine Le Pen justement, le député Alexandre Loubet, auteur d’une proposition de loi visant à supprimer l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et la réintroduction des tarifs réglementés de gaz, a été réélu dès le premier tour en Moselle. Dans la Somme, le député Jean-Philippe Tanguy a été tout près d’être élu dès ce premier tour avec 49,6 % des voix.

La facture énergétique augmente de près de 12 % au 1er juillet

Le sujet a enflammé la campagne des législatives : à partir d’aujourd’hui, la facture moyenne de gaz augmente de 11,7 % pour des millions de Français, principalement à cause de la revalorisation des coûts d’entretien du réseau gazier. La hausse est annoncée depuis des mois mais sa mise en oeuvre vient percuter le calendrier politique, à quelques jours de l’issue d’un scrutin législatif décisif, largement marqué par la question du pouvoir d’achat. Après un répit de plusieurs mois, la facture moyenne annuelle de gaz va grimper de 124 euros, passant de 1 060 euros en juin à 1 184 euros au 1er juillet. Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), gendarme du secteur, le « prix repère moyen » du kWh, qui avait tendance à baisser ces derniers mois, s’établira pour juillet à environ 13 cents, une hausse de 11,7 % par rapport à l’indice de juin (environ 11 cents le kWh). Une hausse à relativiser selon la CRE : ce prix de juillet reste inférieur (- 3,5 %) à celui de janvier, qui avait acté la fin du bouclier tarifaire, le mécanisme de subventionnement lancé fin 2021 pour protéger les ménages de hausses trop importantes pendant la crise énergétique, alimentée par la reprise post-Covid et la guerre en Ukraine.  Selon le médiateur de l’énergie, « la grande majorité des consommateurs verra cette hausse répercutée sur leurs factures », soit la plupart des 10 millions de clients résidentiels raccordés à GRDF. Pourquoi cette hausse maintenant ? À cause d’un effet rebond des prix sur les marchés du gaz où s’approvisionnent les opérateurs et, surtout, en raison de la forte revalorisation pour quatre ans des coûts d’acheminement du gaz supportés par le gestionnaire du réseau de distribution GRDF. Ce « péage », facturé aux fournisseurs et comptant pour le tiers de la facture, doit être majoré face à l’augmentation des dépenses d’entretien et de modernisation des infrastructures gazières, tout en permettant l’intégration du gaz vert dans les tuyaux. Et ce, d’autant qu’il devient plus difficile de répartir ces coûts alors que le nombre d’abonnés au gaz baisse : – 197 000 entre fin 2022 et fin 2023, selon la CRE. Le RN a prévenu que sa première réforme s’il accède à Matignon serait d’annuler cette hausse, une mesure également prônée par le Nouveau Front populaire.