À Saint-Nazaire, l’e-methanol envisagé pour décarboner le transport maritime

La décarbonation du transport maritime est un défi majeur pour l’atteinte du double objectif de neutralité carbone et de sortie des énergies fossiles. Le secteur qui assure 80 % du commerce mondial représente en effet 14 % des émissions de CO2 du transport en Europe. ©Lhyfe/Elyse

Publié le 11/10/2024

5 min

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Lhyfe, Elyse Energy, Saint-Nazaire Agglomération et plus largement la Région Pays de la Loire ont annoncé le 11 octobre leur volonté commune de travailler ensemble pour étudier la faisabilité de construire sur le port de Nantes Saint-Nazaire un projet de production d’e-méthanol à partir d’hydrogène vert renouvelable tourné vers la décarbonation du transport maritime.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Les deux sociétés françaises Lhyfe et Elyse Energy ont annoncé leur collaboration sur le projet Green Coast qui doit voir le jour sur la zone industrialo-portuaire de Montoir-de-Bretagne et qui ambitionne une production annuelle de près de 150 000 tonnes d’e-méthanol partir d’hydrogène renouvelable à horizon 2028. « Un projet majeur » selon le président du directoire de Nantes Saint-Nazaire Port, Jean-Rémy Villageois, « une nouvelle brique à la décarbonation du territoire industriel Loire Estuaire, faisant également écho au projet de territoire GO CO₂ de captation et de valorisation de CO₂ fatal et biogénique émis par des industriels des Pays de la Loire et du Grand Ouest », alors que dans le port de Nantes Saint-Nazaire « 70 % des trafics maritimes sont liés aux énergies fossiles ».

150 000 tonnes par an d’e-méthanol

En 2023,, Nantes Saint-Nazaire Port a sélectionné Lhyfe pour construire une électrolyse d’une capacité de 210 MW soit l’équivalent d’une production de 85 tonnes d’hydrogène renouvelable par jour à horizon 2028. À proximité, Elyse Energy s’était également positionnée pour la production de carburant renouvelable sur la zone industrialo-portuaire. Une synergie qui a conduit les deux PME – qui ont multiplié ces dernières années les annonces de projet en France et en Europe – à signer un accord exclusif pour étudier la faisabilité de produire de l’e-méthanol à partir de cet hydrogène vert. Concrètement, l’e-méthanol est produit à partir d’hydrogène et de CO₂. L’hydrogène, obtenu par électrolyse de l’eau, devrait occuper une place de choix dans la décarbonation du monde maritime mais aussi pour décarboner le secteur de la chimie et relocaliser sa production. Elyse Energy envisage une production de 150 000 tonnes par an d’e-méthanol sur ce site. Cette production irait en priorité à la décarbonation du transport maritime, le restant serait destiné à décarboner la mobilité et les industries locales. Actuellement en cours de développement, la mise en œuvre du projet « reste subordonnée à l’octroi d’autorisation d’exploitation, de permis de construire, ainsi qu’à des décisions d’investissement financier » rappelle les acteurs du projet qui devrait atteindre le milliard d’euros d’investissements. « Les conclusions des premières études seront communiquées courant 2025. » Le projet Green Coast « s’inscrit pleinement dans la démarche Loire Estuaire Décarbonation, par sa capacité à décarboner massivement un pan majeur de notre économie qu’est le transport maritime » rappelle Tristan Lucazeau,  le président de l’association de décarbonation Loire Estuaire Adele. Le e-méthanol issu du projet permettra d’offrir une solution bas carbone locale aux acteurs du transports maritime, « tout en réduisant drastiquement les émissions de polluants atmosphériques émises par les navires et en œuvrant à la vitalité industrielle du territoire » rappelle de son côté président d’Elyse Energy Pascal Penicaud.

Quatre projets en cours de développement en France

La semaine dernière, le Bureau français d’e-fuels mettait en avant un portefeuille de 26 projets « publiquement annoncés » en France, dont 16 de taille industrielle ayant annoncé au total l’équivalent de 1 028 kTEP de capacités de production projetées, soit l’équivalent de 11,4 TWh d’e-fuels. Parmi ces projets, si les carburants d’aviation durables (CAD), sous forme de kérosène de synthèse, sont majoritaires tant en nombre qu’en capacités de production avec 13 projets pour 66,7 %, l’e-méthanol, utilisé principalement pour le transport maritime, représente 33,1 % du total, répartis sur quatre projets d’ampleur dont deux déjà menés par Elyse : dans l’Isère, où une usine de production d’e-méthanol baptisée eM-Rhône sera mise en service sur la plateforme chimique des Roches-Roussillon en 2028, mais aussi eM-Lacq annoncé en 2022 dans les Pyrénées-Atlantiques. Dans le monde, une soixantaine de projets industriels majeurs d’e-méthanol sont en cours de construction, concentrés en Chine, en Suède, au Danemark, en Amérique du Nord et en France. « Avec près de 600 000 tonnes de méthanol fossile importées chaque année par les industriels français et la demande croissante de grands acteurs du secteur maritime pour des navires fonctionnant au méthanol, l’e-méthanol offre la possibilité de rapatrier la production tout en contribuant à l’établissement d’une filière d’excellence française » estime les acteurs du projet Green Coast, mettant en avant « les grands atouts » de la France pour développer rapidement cette filière : « un mix électrique bas carbone et des plateformes chimiques intégrées capables de fournir les compétences et les infrastructures nécessaires. »

Des projets qui devraient s’accélérer alors que le règlement « FuelEU Maritime » relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime adopté en 2023 doit entrer en vigueur en 2025, prévoyant pour les navires concernés par les textes (ayant un tonnage brut supérieur à 5 000 TEU, soit 55 % des navires faisant escale en Europe) une réduction progressive de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre des carburants utilisés par le secteur du transport maritime. « Les carburants alternatifs les plus matures pour cette transition sont le bio/e-méthanol et le bio/e-méthane et bio/e-GNL » précisait dans son étude le Bureau français des e-fuels.