Les concentrations de CO2 ont augmenté de plus de 11 % en 20 ans

Le dioxyde de carbone est responsable d'environ 79 % de l'augmentation du forçage radiatif au cours de la dernière décennie et d'environ 77 % de l'augmentation au cours des cinq dernières années note Organisation météorologique mondiale (OMM). ©Shutterstock

Publié le 28/10/2024

7 min

Publié le 28/10/2024

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Dans un nouveau rapport publié le 28 octobre et à quelques jours du début de la COP29 à Bakou en Azerbaïdjan, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) indique que les niveaux des concentrations atmosphériques des trois principaux gaz à effet de serre – le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote –  ont atteint de nouveaux records en 2023. Pour l’OMM, la priorité « absolue et la plus urgente » est la réduction des émissions de dioxyde de carbone, principal moteur du changement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes et alors que ses concentrations ont augmenté.

Par Laura Icart

 

« Le dioxyde de carbone (CO2) s’accumule dans l’atmosphère à un rythme jamais atteint au cours de l’existence humaine, augmentant de plus de 10 % en l’espace de deux décennies seulement » s’alarme l’Organisation météorologique mondiale. Au cours des deux dernières décennies, le niveau de CO2 a augmenté « de 11,4 % (42,9 PPM) par rapport au niveau de 377,1 PPM enregistré en 2004 » indique l’OMM alors même  que les émissions de CO2 « dues aux feux de végétation et une éventuelle réduction de l’absorption du carbone par les forêts s’ajouteront, d’ici 2023, aux émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles et des activités humaines et industrielles, qui resteront élevées » s’alarme l’organisme de l’ONU.

Une augmentation continue

Selon l’édition 2024 du Bulletin annuel sur les gaz à effet de serre publié par l’OMM, les niveaux de GES dans l’atmosphère ont atteint un nouveau record en 2023, compromettant « clairement » pour l’institution la réalisation des objectifs de température fixés par l’accord de Paris« « Une autre année. Un autre record. Les décideurs devraient tirer la sonnette d’alarme. Nous sommes clairement sur la mauvaise voie pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris » s’inquiète Celeste Saulo, secrétaire générale de l’OMM. En 2023, les concentrations de dioxyde de carbone s’élèvent à 420 parties par million (PPM), soit 151 % du niveau pré-industriel, celles de méthane à 1 934 parties par milliard (PPB) et celles de protoxyde d’azote à 336,9 PPB. Le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) se situaient respectivement à 265 % et à 125 % des niveaux de 1750, avant que les activités humaines ne commencent à perturber l’équilibre naturel de ces gaz dans l’atmosphère. « Nous sommes confrontés à un cercle vicieux potentiel. La variabilité naturelle du climat joue un rôle important dans le cycle du carbone. Mais dans un avenir proche, le changement climatique lui-même pourrait amener les écosystèmes à devenir de plus grandes sources de gaz à effet de serre » indique de son côté Ko Barrett, vice-secrétaire général de l’OMM.

Concentration atmosphérique des GES, késako ?

L’OMM mesure les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre, c’est-à-dire ce qui reste dans l’atmosphère après que les gaz ont été absorbés par des puits comme l’océan et la biosphère – à ne pas confondre donc avec les émissions.

Un « nouveau sommet » pour le CO2 

Responsable des deux tiers environ de l’effet de réchauffement climatique, les concentrations mondiales de CO2 ont encore augmenté en 2023 pour s’établir à 420, contre 417,8 PPM en 2022, soit + 151 % du niveau préindustriel, principalement en raison des émissions liées à la combustion de combustibles fossiles et à la production de ciment. À noter tout de même que cette augmentation est inférieure à celle des trois années précédentes. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles devraient s’élever à 37,4 milliards de tonnes de CO2 en 2023, soit une augmentation de 1,1 % par rapport aux 37 Gt de CO2 en 2022. La chaleur extrême est un facteur de stress pour de nombreux systèmes terrestres et peut réduire l’absorption de carbone par les plantes. « Des recherches sont toujours en cours pour mieux estimer les attributions exactes des sources et des puits à la forte augmentation du CO2 en 2023 » note le rapport. « L’augmentation annuelle de 2,3 PPM marque la douzième année consécutive d’augmentation supérieure à 2 PPM » relève l’OMM. Si l’augmentation du CO2 à long terme est due à la combustion de combustibles fossiles, une autre source inquiète les scientifiques : les variations annuelles dues à l’oscillation australe El Niño, qui « influe sur l’absorption du CO2 par la photosynthèse, sur le rejet par la respiration et sur les incendies ». Principal effet en 2023 : les émissions mondiales de carbone dues aux incendies ont été supérieures de 16 % à la moyenne. La dernière fois que la Terre a connu une concentration comparable de CO2, « c’était il y a 3 à 5 millions d’années, lorsque la température était plus élevée de 2 à 3 °C et le niveau de la mer de 10 à 20 mètres plus haut qu’aujourd’hui » précise le Bulletin.

Le CH4 en hausse constante 

Selon le Bulletin annuel sur les GES , le méthane (CH4) est le deuxième contributeur au forçage radiatif total des GES, à hauteur de 16 %. Bien qu’elles restent moins d’une décennie dans notre atmosphère, les concentrations moyennes mondiales de CH4 ont atteint l’année dernière 1 934 PPM contre 1 923 PPM en 2022. De 2020 à 2022, le méthane atmosphérique a connu sa plus forte augmentation sur trois ans, soit 15,4 PPB par an, depuis le début des mesures systématiques du CH4 à l’échelle mondiale dans les années 1980. « L’augmentation des émissions de combustibles fossiles depuis 2007 a contribué à une petite fraction, environ 15 %, de l’augmentation mondiale des émissions de CH4 » indique l’OMM, même si sa réduction reste décisive car comme l’évoquait l’Agence internationale de l’énergie, le sujet des fuites de méthane peut être réglé par les États et les entreprises « à coût acceptable ». L’augmentation du méthane constatée depuis 2007 pourrait provenir « en grande partie de sources biogènes, telles que les zones humides ou les rizières ». Cette augmentation pourrait également « être due à la variabilité interannuelle naturelle » note l’OMM. Si les zones humides sont en effet une source majeure de méthane et contribuent entre 30 et 40 % à ses émissions totales, l’augmentation des concentrations de méthane en provenance des zones humides est une conséquence directe du réchauffement climatique puisque trois moteurs qui constituent la méthanogénèse s’en trouvent affectés : la température, la profondeur de la nappe phréatique, ainsi que la quantité et la qualité de la matière organique. En 2020, dans une étude parue dans la revue Science Advance, des scientifiques estimaient que les émissions de CH₄ dans les zones humides « pourraient augmenter de 50 à 80 % d’ici la fin du siècle ». C’est justement ces rétroactions entre la production naturelle de méthane et le changement climatique que mettent en évidence les auteurs de l’étude parue dans Nature pour expliquer cette hausse des concentrations de CH₄ depuis cinq ans.

Le N2O contribue à hauteur de 6% au forçage radiatif

En 2023, la concentration de protoxyde d’azote (N2O) s’établissait à 336,9 PPM à l’échelle du globe, en hausse de 1,1 PPM par rapport à 2022, mais inférieure à celle observée entre 2021 et 2022 et légèrement supérieure au taux de croissance moyen des 10 dernières années (1,07 PPB). Comme les autres GES, sa moyenne annuelle est également en hausse sur la dernière décennie. Les émissions mondiales de N2O d’origine humaine, soit environ 43 % des émissions totales, sont principalement imputables « à l’apport d’azote aux terres cultivées, qui a augmenté de 30 % ces quatre dernières décennies » relèvent l’OMM, pour atteindre 7,3 téragrammes d’azote par an. « L’agriculture, par l’emploi d’engrais azotés et de fumier, est responsable de 70 % de toutes les émissions anthropiques de N2O. La hausse de la teneur de l’atmosphère en N2O est principalement due à cette augmentation » précise l’institution.