Climat : la COP s’enlise à Bakou

Le président Ilham Aliev, qui accueille cette année la COP de l’ONU sur le climat à Bakou, estime que « toutes les ressources naturelles existent pour être exploitées » et multiplie les provocations avec en ligne de mire la France et l’Europe. ©Shutterstock

Publié le 13/11/2024

4 min

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À Bakou, la bataille climatique est aussi une bataille médiatique et politique. Et à ce petit jeu, le très autoritaire président azhéri Ilham Aliev semble vouloir profiter de cette grande messe mondiale sur le climat pour marquer une nouvelle fois son hostilité à la France. Ce matin, il a dénoncé « ses crimes » et les «récentes violations des droits humains » dans « les prétendus territoires d’outre-mer » de Paris. Une attaque frontale qui n’a pas manqué de faire réagir la diplomatie française et le gouvernement.

Par Laura Icart, avec AFP

 

Si les relations entre la France et l’Azerbaïdjan sont extrêmement tendues depuis plusieurs mois, en cause le soutien de toujours de Paris à l’Arménie, le discours du président azhéri ce matin a mis le feu aux poudres, dénonçant le maintien « sous la férule coloniale » des territoires ultramarins. Il a également visé les institutions européennes, les accusant d’être des organes « corrompus ». Les propos tenus contre la France et l’Europe « sont inacceptables » a déclaré la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher lors des questions au gouvernement au Sénat. « L’Azerbaïdjan instrumentalise la lutte contre le dérèglement climatique pour un agenda personnel indigne » a-t-elle souligné, évoquant une certaine ironique à ce qu’un « régime répressif et liberticide donne des leçons de droits de l’homme ». « Inacceptable aussi les propos tenus en faveur des énergies fossiles alors même que la diplomatie française européenne avait obtenu un accord progressif de sortie des énergies fossiles à la COP28 » a indiqué la ministre française, évoquant le fameux « cadeau de Dieu » prononcé par le président Ilham Aliev sur les hydrocarbures. « Nous continuerons à plaider pour le plus haut niveau d’ambition dans la mise en œuvre de l’accord de Paris dont nous sommes les gardiens 10 ans après son obtention » a conclu la ministre française.

Les hydrocarbures représentent 45 % du PIB du pays

L’Azerbaïdjan s’appuie massivement sur d’importantes ressources pétrolières et gazières. « En 2023, les réserves de pétrole étaient estimées à 952 millions de tonnes (Mt) et celles de gaz naturel à 1 917 milliards de mètres cubes. L’exploitation de ces réserves fossiles permet à la fois de soutenir la consommation énergétique intérieure et l’économie par un volume d’exportation important (89 % des exportations totales de biens). Le secteur des hydrocarbures représente ainsi 45 % du PIB du pays, et la quasi-totalité de la consommation d’énergie primaire (deux tiers pour le gaz, un tiers pour le pétrole) » rappelle le cabinet Enerdata dans une étude réalisée à l’occasion de cette COP. Si le pétrole est un « cadeau de Dieu« , comme l’a martelé le président azerbaïdjanais en ouverture de la COP29, les pays gâtés par la création ne doivent pas abuser de leur consommation, a répondu mercredi la ministre brésilienne de l’Environnement. Marina Silva, présente à la conférence sur le climat de l’ONU de Bakou, réagissait à la déclaration tonitruante la veille d’Ilham Aliev devant les chefs d’États réunis pour le sommet annuel censé résoudre la crise climatique, causée par la gourmandise de l’humanité pour les énergies fossiles. Toutes les ressources naturelles, dont le pétrole et le gaz, sont « un cadeau de Dieu » et « on ne doit pas reprocher aux pays d’en avoir et de les fournir aux marchés, car les marchés en ont besoin », a déclaré le  12 novembre l’autoritaire président de l’Azerbaïdjan, hôte et président de la conférence.

Un « cadeau de Dieu » à consommer avec modération dixit le Brésil

« Dieu nous donne des cadeaux, mais il nous demande toujours de faire très attention », lui a répondu mercredi la ministre brésilienne Marina Silva, en conférence de presse, exemple à l’appui : « Si nous mangeons trop de sucre, nous deviendrons certainement diabétiques. »  Le Brésil est le plus grand producteur de pétrole d’Amérique latine, avec quelque 3,5 millions de barils par jour, environ six fois plus que l’Azerbaïdjan. Et il ne renonce pas à exploiter ses ressources, même s’il considère que cela est incompatible avec ses objectifs en matière de climat. Le Brésil, hôte de la COP30 en 2025, a soumis mercredi à l’ONU sa nouvelle feuille de route climatique, document officiel que tous les pays membres de l’accord de Paris doivent remettre d’ici février. D’ici à 2035, le géant sud-américain prévoit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 59 à 67 % par rapport à 2005. « Nous contribuons à montrer l’exemple et, ce faisant, à encourager d’autres pays à se fixer des objectifs aussi ambitieux. Nous sommes un pays en développement », a défendu Marina Silva.