Cogénération : le prix de l’achat de l’électricité revalorisé rétroactivement

La production d’électricité à partir de biogaz s’élève à 2,3 TWh au cours des trois premiers trimestres 2024, soit 0,7 % de la consommation électrique française. ©PHILIPPE MONTIGNY / Shutterstock.com

Publié le 06/12/2024

5 min

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Le 5 décembre, le gouvernement a publié au Journal officiel un arrêté revalorisant rétroactivement le prix de rachat de l’électricité pour les producteurs de biogaz en cogénération pour 2022 et 2023. Dans une filière très fortement impactée par la crise énergétique dont les demandes avaient été peu prises en compte ces deux dernières années, cette annonce est une bouffée d’oxygène, alors que de nombreux sites se trouvent dans une situation morose.

Par Laura Icart

 

Mobilisée depuis des mois, la filière de la cogénération a obtenu avec la publication de cet arrêté une première avancée significative. Ce texte daté du 3 septembre et publié au Journal officiel le 5 décembre introduit un mécanisme d’indexation « temporaire » sur une période allant du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2023 permettant à une majorité de producteurs biogaz en cogénération de bénéficier d’un rétroactivité de 18 mois avec un tarif réhaussé pour compenser une période de crise où certains ont vu leur facture être multipliée par cinq, voire plus, pour assurer le fonctionnement de leurs installations.

Une avancée importante

Dans un contexte inflationniste, avec un tarif qui ne reflète plus les coûts, la filière traverse une grave crise, avec des agriculteurs qui renoncent et peu de nouveaux projets à l’étude faute de rentabilité et de visibilité. En 2023, le dépôt de projets cogénération était quasi à l’arrêt. Le rythme de nouveaux raccordements a fortement décru en une dizaine d’années, passant de 35 MW raccordés au réseau en 2012 à 9 MW en 2023, et l’année 2024 ne devrait pas rester dans les annales : au cours des trois premiers trimestres 2024, « 5 MW supplémentaires ont été raccordés, mais 10 MW ont été déclassés » indique le ministère de la Transition écologique dans son dernier tableau de bord publié le 28 novembre. Entre 2021 et 2023, les coûts d’exploitation des unités de méthanisation en cogénération ont bondi de 33 %, impactant « tous les aspects des coûts opérationnels, incluant la maintenance, la consommation électrique et les intrants » indiquait dans sa délibération du 25 mars la Commission régulation de l’énergie (CRE) suite aux résultats d’une enquête menée par l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) sur une quarantaine d’exploitations, avec toutes les typologies de contrats représentées (BGM6, BG11 et BG16). Si, selon la nature du contrat, les agriculteurs cogénérateurs ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés, tous font face à des difficultés de trésorerie dans un contexte fortement inflationniste. Concrètement, cet arrêté va permettre aux méthaniseurs bénéficiant d’un contrat d’achat BG16, soit plus de 50 % des contrats aujourd’hui en France, de bénéficier d’une revalorisation sur leurs chiffres d’affaires en moyenne de 2 % pour le deuxième semestre 2022 et entre 10 et 12 % sur l’année 2023. Si la filière aurait souhaité une revalorisation du tarif, cette mesure va avoir un impact direct sur la trésorerie des agriculteurs. À titre d’exemple, « pour une cogénération à 500 kW, cette revalorisation pourrait être de l’ordre 120 000 euros » nous indique Adeline Canac, secrétaire de l’AAMF et présidente de la branche régionale de l’association en Occitanie, qui nous précise que les discussions entre les parties prenantes « vont commencer rapidement » afin que cette aide soit versée « très vite » aux méthaniseurs concernés.  » C’est une bonne nouvelle pour les agriculteurs et particulièrement les sites en difficulté de trésorerie  » assure Adeline Canac, soulignant l’écoute positive des pouvoirs publics, particulièrement dans les territoires éloignés des réseaux de gaz. « La cogénération fait sens, c’est un outil de flexibilité »  rappelle-t-elle.

D’autres mesures attendues pour pérenniser la filière

L’Association des agriculteurs méthaniseurs de France travaille actuellement sur plusieurs autres pistes pour pérenniser la cogénération en France. « C’est une mesure importante qui répond à l’urgence de la situation  » se réjouit Jean-Marc Onno, président des Agriculteurs méthaniseurs bretons qui souligne d’emblée que le travail continue autour de la modulation des certificats de production de biogaz ou le développement de contrat de gré à gré électrique ou mixte. En effet, la filière cogénération travaille actuellement sur plusieurs pistes. Elle évoque notamment la possibilité pour certains sites d’évoluer vers de l’injection de biométhane « via un contrat de transition » mais aussi celle d’intégrer cette « indexation temporaire » aujourd’hui dans le tarif actuel avec l’instauration d’un coefficient J. L’AAMF espère toujours obtenir un nouveau tarif pour la cogénération en France, le dernier datant de 2016, « un tarif remodelé qui prenne en compte l’efficacité énergétique via un taux obligatoire de chaleur à valoriser » précise Jean-Marc Onno, « des contrats résilients » ajoute-t-il. Autres pistes fondamentales pour la filière : soutenir le développement d’un écosystème pour le biométhane porté « pas encore mature aujourd’hui mais qui offre de belles perspectives » et « avancer sur un tarif pour le biométhane non injecté », un sujet qui végète depuis plusieurs années mais qui pourrait pourtant apporter des débouchés concrets sur le terrain pour les sites en cogénération et les besoins de mobilité décarbonés qui se développent partout sur le territoire.