François Bayrou, nommé Premier ministre

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Publié le 13/12/2024

5 min

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Éternel prétendant à Matignon depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, François Bayrou accède à 73 ans au poste de Premier ministre dans un contexte politique inédit et avec la lourde responsabilité de faire avancer la France. « Ma ligne de conduite sera de ne rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté » a déclaré le nouveau Premier ministre qui s’attend à un « Himalaya de difficultés » dans une France confrontée à un déficit public record où les dossiers brûlants, outre celui du budget, vont se succéder dans les prochains mois.

Par Laura Icart

 

« Il y a un chemin à trouver qui réunit les gens au lieu de les diviser. » Ce sont les premiers mots du nouveau Premier ministre, quelques minutes après sa nomination, en faisant référence à Henry IV, roi protestant de Navarre devenu roi catholique dans un royaume  de France déchiré par les guerres de religions. « La réconciliation est nécessaire » a-t-il ajouté. François Bayrou veut-il être l’artisan d’un « édit de Pau », après l’illustre édit de Nantes (1598) qui avait réconcilié catholiques et protestants après plus de trois décennies de conflits religieux ?  Ce mot « réconciliation », il a été cité de nombreuses fois depuis l’annonce de sa nomination hier. 

Un homme rompu aux mandats locaux, nationaux et européens

François Bayrou, professeur agrégé de lettres classiques, a exercé au cours de sa vie politique presque tous les mandats locaux, nationaux et européens. Il commence sa carrière politique en 1979, devient en 1982 conseiller général des Pyrénées-Atlantiques avant de devenir député entre 1986 et 2012, mais également député européen entre 1999 et 2022. En 1993, il devient ministre de l’Éducation nationale pendant cinq ans, jusqu’à la dissolution de 1997. François Bayrou, un animal politique, rodé au « combat présidentiel » puisque le Béarnais s’est présenté trois fois aux élections présidentielles (2002, 2007 et 2012). En 2007, sa campagne centrée sur la lutte contre la dette lui a permis de réunir 19 % des suffrages. « Je crois que cette question du déficit et de la dette, ce n’est pas seulement une question financière, c’est une question morale » a déclaré le nouveau Premier ministre dans son discours de passation. Maire de Pau depuis 2014, il a toujours été dans le premier cercle d’Emmanuel Macron qu’il a accompagné lors de sa victoire en 2017 avant de devenir son éphémère ministre de la Justice, non sans avoir lancé la loi de moralisation de la vie publique. Si celui qui s’est toujours déclaré favorable à la proportionnelle pour les élections législatives ne l’a pas évoqué lors de son discours, parlant plutôt de la nécessité de briser « le mur de verre entre les citoyens et le pouvoir » et de l’égalité des chances quel que soit son lieu de vie, propose depuis plusieurs années de changer la loi électorale, notamment par le biais d’un referendum.

Quelle vision énergétique ?

Quel cap énergétique souhaitera donner François Bayrou à la France ? Le nouveau Premier ministre ne l’a pas évoqué dans son discours de passation, il le fera peut-être dans son discours de politique générale alors que de nombreux dossiers particulièrement stratégiques sont d’ores et déjà sur son bureau : les consultations pour la PPE, la SFEC, le PNACC qui se terminent la semaine prochaine, la publication des décrets qui doit arriver au premier semestre 2025 et que toutes les filières énergétiques attendent mais aussi la relance (et le financement) du nucléaire, la réforme du post-Arenh qui coince toujours, la stratégie révisée sur l’hydrogène et les grands dossiers européens, alors que la France pourrait voir son énergie nucléaire « déclassée ». Bref, des décisions seront à prendre rapidement. En mars 2021, dans une note stratégique intitulée “Électricité : le devoir de lucidité”, François Bayrou a donné quelques pistes : la sobriété en premier lieu. « S’il faut changer nos habitudes, le bon sens voudrait que la première résolution soit de dépenser moins d’énergie. Le premier wattheure polluant est le wattheure non utilisé. Il est donc impératif de changer les habitudes, d’isoler les logements, de limiter le coût carbone des échanges et des déplacements » soulignait-il. Si le nouveau locataire de Matignon estime que « l’électricité est un secteur clé pour la compétitivité et la souveraineté de la France », il s’est exprimé plusieurs fois sur l’impact environnemental de certaines filières d’énergies renouvelables, comme le photovoltaïque, en raison de l’artificialisation des sols et des procédés de fabrication des panneaux solaire souvent alimentés par de l’énergie fossile et venant de Chine pour la plupart. Cette même logique l’a conduit également à demander de la réciprocité dans les normes environnementales et sociales pour les produits importés afin d’éviter cette concurrence déloyale qui fait si mal aujourd’hui aux filières agricoles et industrielles notamment.

« Rares sont les secteurs industriels dans lequel nous pouvons nous targuer d’avoir une avance scientifique et technologique sur nos voisins, concurrents, partenaires et rivaux. C’est le cas du nucléaire » disait, en mai 2021, François Bayrou, Haut-commissaire au plan lors d’une audition organisée par l’association Nation citoyenne en vue des élections présidentielles, il évoquait « un secteur d’excellence dont nous avons quelque peu accepté l’évanescence parce que nous avons perdu des compétences mais nous avons encore le socle qui peut nous permettre de reconstruire de nous réapproprier ce secteur de pointe ». La sobriété, l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et la relance du nucléaire : le nouveau Premier ministre semble s’inscrire dans le discours de Belfort. Reste à savoir quelles seront ses priorités.