Terres rares : face au monopole chinois, la France et le Japon lancent une usine de recyclage à Lacq

Publié le 18/03/2025
5 min
Pour échapper au monopole chinois sur les métaux stratégiques, la start-up lyonnaise Carester a posé le 17 mars la première pierre d’une usine de recyclage de terres rares à Lacq (Pyrénées-Atlantiques), pour alimenter les filières de l’automobile ou des éoliennes, avec des financements japonais et français. Objectif affiché : la souveraineté. L’usine Caremag permettra « de se doter d’une technologie sur laquelle la Chine est en position monopolistique puisqu’elle fournit 98 % du marché européen« , a indiqué la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher qui a soutenu le projet dès sa conception lorsqu’elle était ministre de l’Industrie.
Par la rédaction, avec AFP
« Aucun déchet contenant des métaux critiques en France ou en Europe ne doit quitter la France ou l’Europe. Un principe simple, bon pour la planète, bon pour l’emploi et bon pour notre souveraineté » a souligné sur le réseau social X la ministre de la Transition écologique Agnes Pannier-Runacher qui a posé le 17 mars la première pierre du projet d’usine porté par l’entreprise française Caremag SAS, filiale de Carester. « Il faut développer, partout où c’est possible, des filières stratégiques qui allient écologie et industrie, et qui nous rendent plus forts, plus indépendants » a ajouté la ministre.
La Chine domine près de 70 % du marché mondial
Les terres rares et les aimants permanents, qui résistent à la démagnétisation, jouent un rôle-clé dans la transition énergétique, mais aussi dans l’industrie électronique, pour les moteurs de véhicules électriques, les générateurs d’éoliennes, la robotique ou les pompes. Actuellement, la Chine domine le marché mondial et exerce une situation de monopole lui permettant d’augmenter artificiellement la volatilité des prix. La Chine représente en effet 69 % de la production mondiale de minerais de terres en 2023, loin devant les États-Unis (12 %), la Birmanie (11 %) et l’Australie (5 %) selon l’Agence internationale de l’énergie.
2 000 tonnes d’aimants permanents recyclées par an, 5 000 tonnes de terres rares traitées
L’usine commencera de produire fin 2026, début 2027. À terme, elle devrait employer 92 personnes pour recycler 2 000 tonnes par an d’aimants permanents afin de produire quelque 800 tonnes de terres rares légères (néodyme et praséodyme). Elle devrait aussi raffiner 5 000 tonnes de concentrés miniers pour produire 600 tonnes de terres rares lourdes séparées (oxydes de dysprosium et terbium), soit environ 15 % de la production mondiale actuelle. Au total, le projet a reçu 216 millions d’euros de financements japonais et français. Quelque 110 millions sont apportés par les sociétés japonaises partenaires Jogmec (organisation publique pour la sécurité des métaux et de l’énergie) et le trader en métaux Iwatani. Et 106 millions d’euros viennent de l’État français sous forme de subventions et avances remboursables dans le cadre des appels à projets France relance et France 2030, ainsi qu’un crédit d’impôt industrie verte. Selon l’entreprise, ce sera le premier recycleur européen de terres rares et le plus gros producteur occidental de terres rares lourdes séparées. La construction, autorisée depuis 2023, « représente une avancée majeure vers l’indépendance de l’Europe en terres rares pour les aimants permanents« , a déclaré le président de Carester Frédéric Carencotte au cours d’un bref entretien téléphonique avec l’AFP.
Nouer des partenariats de long terme
« Pour contrecarrer le risque de dumping » sur les prix, venant notamment d’industriels chinois désireux de maintenir leur monopole mondial, l’entreprise a « trouvé des partenaires long terme« , avec une « vision commune« , associant notamment l’État japonais et l’État français, a ajouté M. Carencotte. Côté européen, le groupe automobile Stellantis a ainsi signé un contrat s’engageant à acheter une partie de la production, a indiqué M. Carencotte. Côté japonais, « 50 % de la production » sera vendu à la société de trading japonaise partenaire, charge à elle de vendre les oxydes de terres rares lourdes produits par Caremag à « un ou des partenaires industriels japonais« , a-t-il ajouté, sans donner de nom. De son côté, Mme Pannier-Runacher a fait référence à « un partenariat stratégique de long terme comme on a su en construire avec Toyota à Valenciennes« . Sur le plan environnemental, la future usine promet des standards élevés : « Mon usine ne rejettera pas d’effluents liquides », a assuré M. Carencotte à l’AFP. Ainsi du nitrate d’ammonium, coproduit des opérations, sera reconcentré et vendu comme fertilisant, et 80 % des rejets directs de CO₂ seront recyclés, a-t-il indiqué. « L’objectif n’est pas que d’extraire des métaux rares, mais également de les transformer et de les recycler« , avait indiqué dimanche le ministre de l’Industrie Marc Ferracci dans un entretien à la Tribune consacré au développement de l’exploitation du sous-sol minier français.
Ainsi, en France, trois autres projets industriels visent le recyclage d’aimants permanents. La start-up Magreesource a inauguré en juin, en Isère, la première usine-test d’Europe produisant des aimants permanents à partir d’aimants recyclés, à hauteur de 50 tonnes par an. Le groupe belge Solvay exploite par ailleurs, à La Rochelle, une usine de fabrication de produits de performance à base de terres rares. Il doit prochainement lancer la production des premières tonnes d’oxydes de terres rares pour des aimants permanents. Le groupe minier Orano a aussi lancé en 2022 le projet Magnolia, ayant pour ambition de structurer un outil industriel de fabrication d’aimants permanente haute-performance.