Vers un modèle durable

Publié le 11/07/2018

4 min

Publié le 11/07/2018

Temps de lecture : 4 min 4 min

 

Et si c’était justement cela la plus grande valeur ajoutée de la méthanisation : le digestat ? Une valorisation de la matière qui fait d’un déchet un fertilisant. De la biomasse qui devient de la matière, qui devient de l’énergie ! Les acteurs de la méthanisation en sont de plus en plus convaincus. Et vous ?

Par Laura Icart

Bien avant le lancement du premier projet d’injection de biogaz Bioénergie dans le réseau de GRDF, en 2012, à la Brie, en Seine-et-Marne, la réflexion autour des enjeux de la méthanisation et particulièrement celle du digestat préoccupe les gaziers comme les agriculteurs. Si notre pays n’est clairement pas le plus avancé  dans le développement de la méthanisation agricole, puisque certains voisins ont commencé à méthaniser depuis presque vingt ans, comme la Suisse ou encore les Pays-Bas, il se distingue pourtant clairement par un modèle où la qualité des intrants est essentiel et où l’alimentation ne rentre pas en compétition avec la production d’énergie.  

La France n’est pas l’Allemagne !

« Le modèle français de méthanisation repose sur la co-digestion de déchets et de coproduits agricoles, et en aucun cas sur l’utilisation de cultures issues de l’agriculture intensive dédiée » souligne Sylvain Frédéric, chargé de mission biométhane chez GRDF. Un choix que la France a toujours maintenu et qui la différencie de beaucoup de ses voisins européens – de l’Allemagne en particulier dont le modèle basé sur la culture de maïs a montré depuis ses limites et ses dérives. Si la loi de transition énergétique pour la croissance verte a fixé par décret une limite maximum de 15 % du tonnage entrant pour l’utilisation d’une culture principale pour la méthanisation, sur le terrain très peu d’agriculteurs ont recours, selon les observateurs,  à cette biomasse dédiée.

Dans son étude « Un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ? » publiée en janvier dernier, l’Ademe définit le potentiel de méthanisation à 140 TWh en 2050. « Un potentiel qui n’inclut pas l’hypothèse de cultures dédiées », précise Sylvain Frédéric,  puisque les substrats de méthanisation seraient uniquement composés de déjections animales (30 TWh), de résidus de cultures (30 TWh) et de cultures intermédiaires à multi-service environnementaux (dites « Cimse ») équivalent à 50 Twh, le restant étant des couverts végétaux.

La recherche vent debout !

Dans le cadre d’un accord-cadre signé le 22 février avec GRDF, l’Institut national de recherche agronomique (Inra) travaille sur le digestat, matière issue de la méthanisation et destinée à l’épandage agricole, afin notamment de répondre à l’objectif commun fixé entre les deux acteurs à savoir « valoriser et développer la méthanisation agricole au cœur des territoires ». « Il n’y a pas d’autre possibilité que d’utiliser la biomasse agricole si on veut 100 % de gaz à horizon 2050 » précise à Gaz d’aujourd’hui Nicolas Bernet, directeur de recherche à l’Inra dont le laboratoire de biotechnologie de l’environnement (LBE) travaille depuis longtemps avec des énergéticiens (GRTgaz, Air liquide entre autres) sur les questions de méthanisation. Un partenariat développé autour de trois axes : la baisse des coûts de production du biogaz, la valorisation agronomique du digestat notamment avec l’aide des Cimse et la collecte d’un maximum de données pour créer un modèle français optimisé.

Pour une gestion raisonnée des fertilisants

Le digestat, c’est le retour au sol d’une matière organique enrichie. Pour certains sites de méthanisation, les Cimse sont des intrants disponibles et pertinents. « Si certaines personnes tendent à les considérer comme de la culture dédiée c’est qu’ils n’ont pas pris en compte leurs atouts et notamment leurs capacités à lutter contre l’appauvrissement des sols », précise Nicolas Bernet. « Ce sont de vrais puits de carbone » conclut-il.