Accélérer la réindustrialisation de la France

Pour la 4è année consécutive, la France est la 1ère destination en matière d’investissements étrangers en Europe. Elle est également le pays le plus attractif pour les fondateurs de startups a souligné Emmanuel Macron, le 11 mai. @LI

Publié le 13/05/2023

7 min

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Le 11 mai, la président de la République a réuni des élus et les représentants de l’industrie française avec un objectif : accélérer la réindustrialisation de la France. Un défi important pour le gouvernement d’Emmanuel Macron à l’heure de la décarbonation, et une réelle opportunité pour la France de reconstruire une souveraineté stratégique sur plusieurs secteurs essentiels, dont celui de la production énergétique. Le président de la République a fait plusieurs annonces sur les nouveaux dispositifs, à la fois financiers, législatifs ou réglementaires, qui seront mis en place, comme le bonus écologique automobile qui sera désormais corrélé à l’empreinte carbone du véhicule ou le crédit d’impôt industrie verte.

Par Laura Icart, avec AFP

 

« 𝐿𝑎 𝑟𝑒́𝑖𝑛𝑑𝑢𝑠𝑡𝑟𝑖𝑎𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐹𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒, 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑙𝑒́ 𝑒𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑎𝑠𝑠𝑢𝑟𝑒𝑟 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑠𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟𝑎𝑖𝑛𝑒𝑡𝑒́, 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑡𝑒𝑛𝑖𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑜𝑏𝑗𝑒𝑐𝑡𝑖𝑓𝑠 𝑐𝑙𝑖𝑚𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑎𝑚𝑒𝑛𝑒𝑟 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑑’𝑎𝑡𝑡𝑟𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑖𝑡𝑒́ 𝑠𝑢𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑖𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒𝑠 » a déclaré le chef de l’État jeudi devant un parterre de chefs d’entreprises, de représentants de l’industrie, d’élus, de collectivités mais aussi de jeunes salariés. Réindustrialiser la France tout en transformant l’industrie pour la rendre plus « décarbonée, plus respectueuse de la biodiversité et plus numérisée », c’est l’ambition portée par le projet de loi industrie verte qui sera présenté mardi au conseil des ministres. Un projet qui, après celui du Zero Industry Act européen se veut une réponse  au très « « American first » IRA. « Nous n’avons pas vocation à devenir des consommateurs de l’industrie américaine » a souligné le président de la République. « Cela ne veut pas dire qu’on fait du protectionnisme mais on ne veut pas utiliser l’argent du contribuable français pour accélérer l’industrialisation non européenne », a-t-il ajouté, appelant à ne « pas répéter les erreurs du passé » commises avec l’industrie photovoltaïque, dominée par les Chinois.

Plusieurs décennies de déclin industriel

Début avril, le ministre de l’Économie et de la souveraineté industrielle Bruno Le Maire estimait que la France avait « abandonné » son industrie. Il est vrai que les chiffres sont sans appel : en 1973, l’industrie représentait 22 % de la richesse nationale, contre à peine 11 % aujourd’hui. Dans une note publiée en mars, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) indique qu’entre 1970 et 2021, la part en France du secteur manufacturier dans le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 23 % à 10 % et celle dans l’emploi de 29 % à 11 %. « On a eu, pendant les 40 dernières années, près de 50 000 emplois industriels en moins chaque année. Ces emplois sont évidemment dans nos territoires, ce sont des emplois dans l’industrie qui sont normalement bien payés et du coup, ce sont évidemment plusieurs années de déclins extrêmement importants » indique le cabinet du président de la République. De 2008 à 2017, plus de 600 usines ont fermé leurs portes en France. Lors de son discours, Emmanuel Macron a fait le bilan de la politique qui a été menée depuis six ans sur le chemin de la réindustrialisation en évoquant 200 créations d’usines entre 2021 et 2022, 76 start-ups et PME créées l’année dernière et près de 90 000 emplois industriels créés depuis 2017. Des résultats « positifs » qui doivent être « pérennisés » estime le chef de l’État, évoquant sa politique d’investissement qui « s’est démultipliée », notamment dans le cadre de France relance qui consacre près 35 milliards dédiés à l’industrie avec plus de 800 projets de relocalisation et de localisation de production sur le sol européen, également dans le cadre de France 2030 qui a déjà investi 13 milliards d’euros dans des secteurs d’avenir. « La reconquête industrielle est un impératif économique et climatique » a déclaré de son côté la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Une nécessité de décarboner massivement

L’industrie représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays et si ce secteur baisse depuis de nombreuses années ces émissions, l’enjeu, à l’horizon de 10 ans, est de les diminuer par deux. « C’est un effort majeur » rappelle l’Élysée. Mais le changement climatique est également une opportunité dans toutes les industries décarbonées, notamment en termes d’innovation. « Transformer notre tissu industriel et productif pour réduire notre impact sur le climat » implique d’avoir cette « même cohérence sur notre stratégie d’importation » souligne Emmanuel Macron. Il a d’ailleurs annoncé que les commandes publiques allaient prendre en compte les critères environnementaux « pour les produits clés de la décarbonation« , comme les éoliennes et les pompes à chaleur, dès juillet 2024 au lieu de 2026.

Macron plaide pour une stabilité réglementaire en UE

Emmanuel Macron a appelé jeudi à « une pause réglementaire européenne » en matière de contraintes environnementales, estimant que l’Union européenne avait fait « plus que tous les voisins » et qu’elle avait désormais « besoin de stabilité« . « On est devant, en termes réglementaires, les Américains, les Chinois ou toute autre puissance au monde. »  « Il ne faut pas qu’on fasse de nouveaux changements de règles, parce qu’on va perdre tous les acteurs« , a encore plaidé le chef de l’État, soulignant que cela faisait peser des « risques » sur les « financements » de projets, lors d’un discours sur la réindustrialisation de la France.

Un crédit d’impôt industrie verte

Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé la création d’un « crédit d’impôt industrie verte » pour soutenir la production de batteries, pompes à chaleur, éoliennes ou panneaux solaires. Il fera partie du projet de loi industrie verte qui permettra selon lui « de déclencher 20 milliards d’investissements sur le territoire national d’ici 2030″.

Prendre en compte l’empreinte carbone des véhicules

Le bonus écologique à l’achat d’une voiture électrique sera réformé pour « prendre en compte l’empreinte carbone » de leur production et ainsi favoriser les véhicules fabriqués en Europe, a annoncé Emmanuel Macron. Dans l’automobile, secteur où la Chine est de loin le premier pays producteur au monde de véhicules électriques mais s’appuie pour cela sur une production d’énergie reposant encore en grande partie sur le charbon, il s’agit de soutenir « les batteries et les véhicules qui sont produits en Europe parce que leur empreinte carbone est bonne », a-t-il expliqué, en présentant à l’Élysée sa stratégie pour « accélérer » la « réindustrialisation » du pays. Les critères d’attribution de ce bonus écologique réformé seront définis d’« ici la fin de l’année », selon le chef de l’État. Il s’agira également de prendre en compte l’intégration de matériaux recyclés ou biosourcés dans la production des véhicules, selon le ministère de l’Économie. « Les constructeurs devront donc justifier qu’ils respectent ces critères écologiques requis pour pouvoir bénéficier du bonus écologique », explique-t-il. Bercy dit avoir élaboré un modèle permettant d’évaluer l’empreinte carbone de la construction d’un véhicule, « de la batterie à la construction du moteur ». Le  bonus écologique constitue une aide financière attribuée à tout acquéreur ou locataire (titulaire d’un contrat de location d’une durée supérieure ou égale à deux ans) d’un véhicule électrique, à hydrogène ou combinant les deux. Le coût d’achat doit être inférieur à 47 000 euros. L’État y consacre un milliard d’euros.

« 60 000 emplois ne sont pas pourvus aujourd’hui dans le secteur industriel » a également rappelé Emmanuel Macron, estimant qu’il faut ramener les Français vers l’emploi et l’industrie « là où il y a et où il y aura du travail dans les années à venir ». Rien que dans le secteur nucléaire, près de 100 000 emplois seront à pourvoir sur la prochaine décennie.