Automobile, marché carbone : bataille au Parlement européen sur le plan climat de l’UE

Réunis en session plénière à Strasbourg depuis ce matin, les eurodéputés vont voter sur huit textes majeurs du paquet climat "Fit for 55" qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030.

Publié le 07/06/2022

4 min

Publié le 07/06/2022

Temps de lecture : 4 min 4 min

Les eurodéputés ont bataillé mardi 7 juin en séance plénière sur plusieurs points cruciaux du plan climat de l’Union européenne – fin des voitures à moteur thermique, réforme du marché carbone -, à la veille de votes décisifs sur les propositions de Bruxelles. Parmi elles, l’une des mesures les plus clivantes du « Fit for 55″ qui vise à réduire au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 : celle d’interdire la vente de voitures thermiques neuves à horizon 2035. 

Par la rédaction, avec AFP

 

Le Parlement européen se prononcera le 8 juin sur 8 des 14 textes de la feuille de route proposée en juillet 2021 par la Commission européenne pour réduire de 55 %, d’ici 2030 et par rapport à 1990, les émissions de gaz à effet de serre de l’UE, en vue des négociations entre États membres et eurodéputés pour finaliser les réglementations. Ce matin, dans une interview donnée à France Inter, l’eurodéputé Pascal Canfin parlait « d’un vote historique », avec des textes prenants des mesures majeures dans la lutte contre le réchauffement climatique.

La Commission veut acter l’interdiction des véhicules thermiques neuves

Une pomme de discorde majeure concerne la proposition-phare de Bruxelles de réduire à zéro les émissions des automobiles neuves à partir de 2035, les véhicules électriques à batteries devenant de facto les seuls commercialisés. Farouchement contre, le PPE (droite pro-européenne et première force au Parlement) propose de viser plutôt une réduction de 90 % des émissions automobiles en 2035, quitte à poursuivre la vente de voitures hybrides et de prendre en compte le carbone émis pour la production d’une voiture. « C’est incompatible avec l’accord de Paris » et compromet l’objectif européen de neutralité carbone en 2050, tempête Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission parlementaire environnement, anticipant un vote « très serré » et dénonçant la « radicalisation anti-pacte vert » d’une droite victime du « lobbying intense » des industriels. Au sein de l’UE, les voitures particulières et les camionnettes représentent un peu moins d’un sixième des émissions totales de CO2. À noter que cette législation ne concernerait que le marché intérieur, autrement dit les constructeurs pourront continuer à vendre des voitures thermiques à l’exportation.

Une extension du marché du carbone limitée

Si la généralisation de l’efficacité énergétique et la notion de « transition juste » font consensus, l’extension du marché ETS au transport routier et au chauffage résidentiel voulue par la Commission était difficilement acceptable pour la majorité des Vingt-Sept. Les eurodéputés devraient s’accorder pour le cantonner aux professionnels (chauffeurs routiers, immeubles de bureaux) dès 2025. Les particuliers (voitures et logements) devraient a priori être exclus, au moins jusqu’en 2029, dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et alors que la précarité énergétique continue de croître en Europe.

Vers la fin des quotas gratuits ?

Si le principe de la taxe carbone aux frontières, âprement défendu par la présidence française, sera voté, faisant de l’UE « la première zone au monde à mettre en place un tel dispositif » a rappelé Pascal Canfin, de vifs différends existent sur les modalités. En premier lieu : le calendrier pour éliminer les quotas d’émissions gratuits accordés aux industriels européens, à mesure que seront taxées les importations dans l’UE de secteurs polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) sur base du prix du CO2 européen. La commission environnement avait voté pour que cette « taxe carbone aux frontières » s’applique complètement dès 2030, soit cinq ans plus tôt que ce que proposait la Commission, et que les quotas gratuits offerts aux industriels européens s’arrêtent au même moment. Mais sociaux-démocrates et Renew ont depuis proposé une date plus tardive, fin 2031, tandis que le PPE exige lui un maintien des quotas gratuits jusqu’en 2034, au nom de la compétitivité des entreprises européennes. De sources parlementaires, un compromis sur 2032 pourrait être adopté. Par ailleurs, Renew a accepté un compromis avec le PPE pour viser une réduction de 63 % d’ici à 2030, par rapport à 2005, des émissions des secteurs soumis au marché carbone dans l’UE – un net recul par rapport au vote en commission environnement (au moins – 67 %) vivement critiqué par les Verts comme par les socialistes, promettant là encore un vote agité.

Crédit : Shutterstock.