Chèque énergie : les associations rappellent au gouvernement la nécessité de protéger les plus démunis

Les chèques énergie sont attribués aux personnes ayant un Revenu fiscal de référence par Unité de consommation (UC) inférieur à 11 000 euros. En France 5,6 millions de ménages en moyenne étaient concernés en 2024. ©Pixavril-Shutterstock

Publié le 16/10/2024

6 min

Publié le 16/10/2024

Temps de lecture : 6 min 6 min

La Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, la Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR) et une quinzaine d’associations familiales et de consommateurs appellent les parlementaires à revaloriser le montant du chèque énergie dans le cadre du projet de loi de finances 2025 et alertent le gouvernement sur les modalités de versement du chèque qui risquent de laisser des centaines de milliers de bénéficiaires sur le carreau.

Par Laura Icart

 

L’Adeic, l’Afoc, l’Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs, le CNL, le CSF, le CGL, la CLCV, le Cnafal, la CNAFC, la CSF, Familles rurales, Familles de France et l’Unaf mais aussi la FNCCR, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique et l’UFC Que choisir réclament le rétablissement de l’envoi automatique du chèque énergie, au risque de faire exploser le taux de non recours pour les nouveaux bénéficiaires.

5,6 millions de ménages éligibles au chèque énergie

Le chèque énergie « est sanctuarisé en 2025, avec une enveloppe équivalente à 2024, 900 millions d’euros » annonçait le 11 octobre la ministre de la Transition écologique et de l’énergie Agnès Pannier-Runacher, évoquant une « priorité de l’État » et demandant même une « mobilisation générale » y compris « des journalistes pour inciter les bénéficiaires à se faire connaître ». En effet, depuis la fin de la taxe d’habitation, l’administration ne dispose plus d’un fichier permettant d’identifier les bénéficiaires établi grâce au croisement du revenu fiscal de référence (RFR) et de la taxe d’habitation. Une situation d’autant plus complexe que la direction générale de l’énergie et du climat estime que, chaque année, « que 1 million de ménages accèdent pour la première fois au bénéfice du chèque énergie et que 1 million de ménages en sortent ». En France, environ 5,6 millions de ménages sont éligibles à ce dispositif.

Un taux de non recours de 97 % pour les nouveaux bénéficiaires 2024

En avril dernier, suite à la mobilisation des associations de lutte contre la précarité énergétique et de consommateurs, le gouvernement reconnaissait à demi-mot qu’il y avait bien un trou dans la raquette dans le versement du chèque énergie pour les nouveaux bénéficiaires, tout ajoutant « qu’il n’y aurait aucun perdant » dixit le ministre de l’Économie de l’époque, Bruno Le Maire. Il avait annoncé la mise en place d’un guichet de réclamation « afin que toute personne qui aurait dû être éligible mais qui n’a pas reçu son chèque énergie à l’issue de la campagne d’envoi (vers mi-mai) puisse faire la demande de chèque énergie ». Quelques mois plus tard, la crainte des associations s’est vue confirmée puisque le taux de non recours pour les nouveaux bénéficiaires 2024 est à la mi-septembre de 97 %. Autrement dit, seulement 3 % des nouveaux ménages éligibles ont obtenu leur chèque énergie. Environ 110 000 demandes pour un peu plus de 30 000  chèques envoyés. En cause pour les associations : « un manque de communication » et « de la difficulté pour les ménages concernés à s’inscrire sur la plateforme numérique mise en place ». Si l’on exclut les nouveaux bénéficiaires 2024 qui n’ont pas bénéficié de l’automaticité, « le taux de non recours pour les autres est d’environ 25 % » nous indique Françoise Thiébault, coordinatrice énergie du Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal) qui demande comme les autres association le prolongement de la durée de vie de la plateforme numérique visant à identifier les nouveaux bénéficiaires de la campagne 2024 au-delà du 31 décembre. « Nous sommes en train de parler de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, ce n’est pas acceptable qu’ils ne puissent pas avoir accès à une aide à laquelle ils ont droit » s’insurge-t-elle.

La fin de l’automaticité ?

« Le gouvernement complexifie l’accès au chèque énergie pour réaliser des économies budgétaires » alertent les associations. La campagne « chèque énergie » 2025 s’annoncerait-elle encore plus difficile l’année prochaine ? Oui, à en croire les associations qui redoutent « la fin de l’automatisation » de l’envoi du chèque énergie. Cette mesure technique inscrite à l’article 60 du projet loi de finances actuellement débattu en commission des finances contraindrait donc tous les nouveaux bénéficiaires à faire une demande sur une plateforme, ce qui « aura pour effet d’exclure, pour non recours, un grand nombre d’entre eux du dispositif » notent les signataires. Pour y prétendre, les bénéficiaires devraient en faire la demande via un guichet en ligne dédié et inscrire leur numéro fiscal ainsi que leur numéro de point de livraison électrique affilié à leur logement. L’administration serait ensuite chargée de croiser les données. « Le projet de loi de finances donne pourtant le pouvoir à l’administration d’établir une liste des bénéficiaires du chèque énergie en croisant le revenu fiscal de référence avec le nombre de parts fiscales », une mesure déjà réclamée en avril mais qui avait reçu une fin de non-recevoir des services de l’État estimant au passage que ce calcul « pourrait faire doubler » le nombre de bénéficiaires du chèque énergie. Le 11 octobre, Agnès Pannier-Runacher a souligné que son ministère était « en train de reconstruire un autre mécanisme pour avoir cette automaticité ». « Nous savons déjà que tout autre mode de versement que l’automatisation ne pourra pas être efficace » affirme Françoise Thiébault, rappelant que « 36 % des Français ont du mal à faire leur démarche en ligne ». « Ce n’est pas la faute des plus précaires si aucun dispositif viable n’a été mis en place pour remédier aux problèmes d’attribution du chèque énergie à la suite de la disparition de la taxe d’habitation. »

L’autre combat, porté par les associations de consommateurs mais plus généralement par les acteurs du monde énergétique et de lutte contre la précarité – un fil rouge depuis de nombreuses années -, c’est la revalorisation du chèque énergie. « Son montant n’a pas été revu depuis 2018 » souligne Françoise Thiébault. Entre-temps, « il y a eu l’augmentation de la fiscalité, la crise des prix de l’énergie, l’inflation ». Le triplement du chèque énergie, soit un montant moyen de 450 euros pour aider les plus modestes, est réclamé depuis longtemps. Dans un contexte économique difficile où l’énergie est désormais l’un des postes de dépenses les plus importants dans le budget des ménages.