Créer un « cluster territorial du biogaz » dans le Beaujolais

Le site Bio Énergies Beaujolaises traitera chaque année plus de 31 000 tonnes de déchets organiques pour une injection maximale de 350 Nm³/h de biométhane dans le réseau GRDF. ©Amandine Chêne

Publié le 11/04/2025

6 min

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À Charentay, dans le Rhône, l’unité de méthanisation territoriale Bio Énergies Beaujolaises a été inaugurée ce 10 avril. Un projet pionnier en France, le premier à combiner gouvernance publique et production locale de biométhane, qui permettra de valoriser plus de 30 000 tonnes de déchets organiques issus du territoire et de répondre à la consommation énergétique de près de 4 000 foyers.

Par Laura Icart

 

Depuis quelques jours, le site de méthanisation Bio Énergies Beaujolaises injecte ses premières molécules de biométhane dans le réseau de distribution de gaz de GRDF. Ce projet de méthanisation territoriale de grande capacité, jusqu’à 350 Nm³ par heure de biométhane injecté, se distingue par sa gouvernance atypique, publique et privée, via une société d’économie mixte à opération unique (Semop), détenue par le centre intercommunal de traitement de l’eau dit « Citeau »de Belleville-en-Beaujolais et d’Agriopale Services, une entreprise familiale spécialisée dans le recyclage et la valorisation de la biomasse qui exploite déjà huit unités de méthanisation en France. Bio Énergies Beaujolaises est sa neuvième unité, la première en région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est la première Semop en France pour la production de biométhane. « Le choix de la cohérence et de l’efficacité opérationnelle » indique à Gaz d’aujourd’hui Frédéric Pronchéry, président de la Semop Bio Énergies Beaujolaises et maire de Belleville-en-Beaujolais.

Piloter les projets 

Pourquoi ce choix d’une Semop est-il important ? « Nous sommes pilotes, maîtres de nos décisions, nous ne disons pas « nous allons faire », nous le faisons » indique Frédéric Pronchéry, qui insiste également sur l’importance « de créer des synergies public-privé avec des partenaires dont c’est le métier et qui ont l’expertise ». « J’essaie de porter une vision environnementale pragmatique et de la concrétiser sur le terrain » souligne Frédéric Pronchéry, également vice-président du département du Rhône délégué à l’environnement, aux nouvelles mobilités et au transport, évoquant plusieurs initiatives réalisées sur son territoire, le premier réseau de chaleur français alimenté par une station d’épuration en 2015 ou plus récemment le marathon de la biodiversité où ont été créés 42 kilomètres de haies. « Je veux développer des projets d’énergies renouvelables en montrant qu’une rentabilité économique est possible et qui puisse être dupliqué » nous confie l’élu aux manettes de sa commune depuis 2020. Au sein du département, une société par actions simplifiée appelée Rhône Mégawatts détenue à 40 % par la collectivité et 20 % par chacun des trois autres opérateurs locaux du secteur, Terre et Lac, Serfim ENR et Solarhona. Une démarche « partenariale » qui regroupe l’ensemble des collectivités du Rhône, des organismes de placement collectif immobilier, deux chambres de commerce et d’industrie, de la métropole de Saint-Étienne et du Beaujolais, et la chambre d’agriculture. « Notre objectif est de développer une stratégie de massification du photovoltaïque à travers un partenariat public-privé. » Pour Frédéric Pronchéry, ce modèle de développement partenarial est « la clé pour trouver des modèles économiques viables tout en gardant le sens du service public ».

Vers une plateforme multiservices 

« Dès le début de projet initié en 2015, je voulais installer une unité de méthanisation » nous confie Frédéric Pronchéry, ajoutant qu’il a fallu « 10 ans d’opiniâtreté au gré des évolutions politiques et réglementaires qui ont maintes fois changé pour y parvenir ». Le site de méthanisation territoriale Bio Énergies Beaujolaises traitera chaque année plus de 35 000 tonnes de déchets organiques pour une injection maximale de 350 Nm³ par heure de biométhane dans le réseau GRDF et produira près de 28 000 m³ par an de digestat. Elle valorisera les boues d’épuration du territoire dans un rayon de 30 kilomètres autour de la station mais aussi des déchets agroalimentaires du territoire parmi lesquels les résidus de distillerie du beaujolais, environ 15 000 tonnes annuelles, soit autant que les boues d’épuration. L’unité de méthanisation repose sur deux lignes de traitement distincte : les boues d’épuration et les autres résidus, la réglementation interdisant  le mélange des boues avec d’autres déchets dans un méthaniseur. « À terme, nous pourrons alimenter en énergie jusqu’à 8000 foyers » assurent le maire de Belleville-en-Beaujolais. La méthanisation est un modèle « vertueux » qui apporte beaucoup « d’externalités » : « Sur ce projet, nous voulons créer à terme une plateforme de valorisation énergétique et organique avec du déconditionnement, de l’hygiénisation, du compostage mais aussi de la valorisation de CO₂ biogénique. »

« Un manque de constance et de vision »

« Il y a un manque de constance dans nos politiques publiques, on développe des projets et les règles changent en cours de route, c’est valable pour la méthanisation mais aussi pour le photovoltaïque » déplore l’élu, évoquant également un « manque de vision stratégique globale sur l’énergie ». « Il y a un manque de cohérence et constance entre les desiderata de l’État, à savoir massifier les renouvelables sur les territoires et les moyens pour y parvenir, nous le voyons avec les zones d’accélération qui n’accélèrent rien ! » ajoute-t-il. « Sur un territoire, développer des EnR peut parfois ressembler à un parcours du combattant où il faut être pugnace pour voguer entre les rouage administratifs et réglementaires, sans parler des recours. » Mais sur ce projet « point de recours ». « Nous avons fait beaucoup de pédagogie » assure le maire. L’élu souhaite également dupliquer sur le biogaz la démarche initiée sur le photovoltaïque.  Une  étude a été lancée par le département, en partenariat avec l’Ademe, pour identifier le potentiel de développement des unités de méthanisation, notamment territoriale, et davantage accompagner les porteurs de projets privés, voire investir avec eux « pour montrer qu’une  massification de la production de biométhane est possible ». Objectif :  permettre au  département du Rhône de consommer en 2050 un gaz 100 % local et renouvelable.