E-fuels : 26 projets de production de carburants de synthèse recensés en France

Les carburants d'aviation durables (CAD), sous forme de kérosène de synthèse sont majoritaire tant en nombre de projets qu’en capacités de production avec 13 projets représentant quasi 67% de la production de carburant de synthèse en France. ©Shutterstock

Publié le 30/09/2024

6 min

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« Les 18 mois à venir seront déterminants pour permettre à la filière domestique française de e-fuels de répondre aux objectifs fixés par la réglementation européenne à horizon 2030 et aux engagements volontaires des transporteurs » souligne le Bureau français de e-fuels dans une nouvelle étude publiée le 30  septembre. L’organisme identifie 26 projets de production de carburant de synthèse en France métropolitaine, majoritairement destinés à ce stade pour le secteur de l’aviation.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Les carburants de synthèse sont fabriqués en combinant de l’hydrogène, produit à partir de sources décarbonées, comme les énergies renouvelables ou le nucléaire, et du CO2 capté dans l’air ou dans les fumées industrielles. Selon la seconde édition de « L’observatoire français des e-fuels », la France compte pour l’heure 26 projets de production de carburants de synthèse dont la réalisation « permettrait d’éviter l’émission de 2,4 à 3,4 millions de tonnes de CO₂ par an en fonction du mix énergétique utilisé pour alimenter les différentes étapes de la chaîne de valeur des e-fuels » précise l’étude, soit les émissions annuelles de 565 000 à 735 000 véhicules individuels.

26 projets en cours de développement

Depuis sa création en juillet 2023, les initiatives « se sont accélérées » note le Bureau français de e-fuels, mettant en avant un portefeuille de 26 projets « publiquement annoncés » en France, dont 16 projets de taille industrielle ayant annoncé au total l’équivalent de 1 028 kTEP de capacités de production projetées, soit l’équivalent de 11,4 TWh d’e-fuels. « À périmètre comparable, le volume des capacités des projets annoncés a progressé de 38 % depuis la première édition » indique l’étude, même si à date aucune décision finale d’investissement n’a été prise. « Un soutien public reste nécessaire pour sécuriser les premiers investissements. » Des projets e-méthane, e-méthanol et e-kérosène sont en cours de développement ou de déploiement dans 17 départements répartis dans 8 des 13 régions de France métropolitaine qui accueillent au moins 1 projet. « Plus d’un quart des projets sont localisés au sein de l’axe Seine (3) ou à proximité de Fos-sur-Mer (4) ».  Les carburants d’aviation durables (CAD), sous forme de kérosène de synthèse, sont majoritaires tant en nombre de projets qu’en capacités de production avec 13 projets pour 66,7 %. L’e-méthanol, utilisé principalement pour le transport maritime, représente quant à lui 33,1 % du total, répartis sur 4 projets. La place du e-méthane reste marginale avec 0,2 % de la capacité de production répartis sur 9 projets. Ces 26 projets représentent une capacité de production équivalente à 906 000 tonnes de pétrole (TEP), principalement pour du kérosène et du méthanol de synthèse, selon cette étude réalisée par le cabinet Sia Partners. Des projets qui sont quasi-intégralement tournés vers la décarbonation de l’aviation (projets e-kérosène représentant 426 kTEP, hors co-produits) et du maritime (300 kTEP de projets d’e-méthanol), positionnant cette filière sur des secteurs qui sont plus difficilement électrifiables.

Un besoin évalué à 2,6 millions de tonnes de CO2 

Leur production nécessitera le captage de 2,6 millions de tonnes de CO2 par an, soit 2,2 % du volume actuel produit par des sites de taille supérieure à 30 ktCO₂ par an et 10 % de leur volume de CO₂ biogénique. « La capacité à mobiliser ces sources se pose, compte tenu de la non éligibilité après 2040 du CO₂ fossile pour la production d’e-fuels bas carbone » précise l’étude. Leur production nécessitera aussi 24 TWh d’électricité, soit 3,4 % des capacités de production d’électricité bas carbone prévues par la stratégie française énergie climat, soit un écart important à franchir en matière de déploiement des renouvelables. « Les briques technologiques sont individuellement matures, mais leur combinaison au sein d’une chaîne de valeur intégrée pose des défis » estime Sia Partners dans son observatoire. « Le rendement énergétique des chaînes de valeur des e-fuels pourraient atteindre 45 % en 2035 » indique l’étude qui estime qu’au-delà, « l’intégration de nouvelles technologies performantes pourrait aboutir à des rendements énergétiques proches de 55 %, tout en réduisant certaines contraintes d’approvisionnement en intrants », insistant sur l’importance d’anticiper dès maintenant les évolutions technologiques.

Des enjeux de souveraineté

La  production d’e-fuels « renforcera l’indépendance énergétique de la France et sa souveraineté industrielle » estime le Bureau français puisque les projets répertoriés permettraient « d’éviter chaque année la production et l’importation de 941 milliers de TEP de pétrole, soit 6,4 millions de barils équivalents pétrole ». Mais elle constitue aussi une « opportunité à saisir » car la France est tenue par l’Europe de respecter les mandats d’incorporation européens. Pour rappel, les institutions européennes ont fixé des cibles d’incorporation d’hydrogène renouvelable et bas carbone et de ses dérivés dans l’industrie et les transports. Si elle ne développe pas sa propre filière de production d’e-fuels, elle « devra recourir massivement à l’import de e-molécules » . Le secteur aérien est particulièrement concerné avec une cible de 1,2 % d’e-fuels renouvelable et bas carbone en 2030 et de 5 % en 2035. « Ce sont des projets positionnant aussi la France à l’export à court terme » rappelle le Bureau des e-fuels. « Dans le seul secteur de l’aviation, la facture pourrait s’élever à 2,6 milliards d’euros en 2035 si aucune production domestique ne se développe et aggraver encore le déficit commercial » indique l’observatoire.

Ces nouvelles chaînes de valeur « porteront de nombreux bénéfices pour les territoires et accéléreront la transition énergétique en France » souligne le cabinet d’expertise, évoquant la capacité des e-fuels à compenser le CO2 émis à leur combustion par le CO2 capturé pour leur synthèse, mais également celle de remplacer progressivement les molécules fossiles avec des effets sur la souveraineté et la balance commerciale et enfin la création d’emplois dans les territoires : environ 3 700 directs et indirects selon les données fournies par l’observatoire se basant sur les besoin des porteurs de 10 projets, représentant 396 milliers de tonnes équivalent pétrole, soit 54 % des capacités totales de production.  

 

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