Emmanuel Macron veut donner un coup de boost à l’avion « zéro émission »

L'Etat va "tripler son effort sur la période 2024-2030", soit "300 millions d'euros par an", pour soutenir le développement d'un nouveau moteur plus économe encore en carburant ainsi que la conception d'avions plus légers, a indiqué Emmanuel Macron. ©Shutterstock

Publié le 16/06/2023

5 min

Publié le 16/06/2023

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Le président Emmanuel Macron a annoncé vendredi 16 juin un plan de soutien massif au développement de l’avion « zéro émission », constitué de plusieurs centaines de millions d’aides et d’investissements. La société Elyse Energy a annoncé l’implantation de l’usine BioTJet de production de carburant durable sur le bassin de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) avec un démarrage des activités prévu en 2028. Dans le même temps, Air liquide et le groupe ADP ont annoncé la création de “Hydrogen Airport”, première coentreprise pour accompagner le développement des infrastructures hydrogène dans les aéroports. À quelques jours de l’ouverture du salon du Bourget, les annonces devraient se multiplier.

Par la rédaction, avec AFP

 

Décarboner le secteur aérien tout en soutenant la souveraineté énergétique du pays, c’est l’ambition affichée du président de la République, en déplacement à l’usine de moteurs d’avion Safran à Villaroche (Seine-et-Marne). « Nous, Français, on doit être les champions de l’avion ultrasobre (…). Et on a les moyens de l’être », a lancé le chef de l’État. Un avion commercial sur deux vendu dans le monde est conçu par Airbus, notamment en France, et la concurrence s’annonce féroce entre Européens, Américains et Chinois pour arriver les premiers sur le marché de la décarbonation.

3 à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre

Les enjeux de la décarbonation sont énormes dans le secteur aérien, de nouveau en plein boom après un effondrement de son activité durant la pandémie de covid-19 et qui représente 3 à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). L’aviation est actuellement l’un des seuls secteurs au monde qui ne fait pas l’objet d’une réglementation pour les émissions de GES. Sa décarbonation représente pourtant un véritable défi technologique. Le transport aérien devrait retrouver cette année son niveau d’activité d’avant la crise du covid – avec 4,5 milliards de passagers transportés en 2019 – et pourrait le doubler à l’horizon 2050. Selon Airbus, la flotte mondiale d’avions devrait doubler dans les prochaines années, pour atteindre 46 000 appareils en 2042.

Un avion « ultra sobre » d’ici la fin du quinquennat

Pour y répondre, l’État va « tripler son effort sur la période 2024-2030 », soit « 300 millions d’euros par an« , pour soutenir le développement d’un nouveau moteur plus économe encore en carburant ainsi que la conception d’avions plus légers, a indiqué Emmanuel Macron, à trois jours de l’ouverture du salon du Bourget, grand rendez-vous mondial du secteur. Très concrètement, au-delà de l’augmentation du financement public à la R&D jusqu’à 300 millions d’euros par an dès 2024, l’État  va également investir 50 millions d’euros de financements publics et 200 millions d’euros d’investissements privés pour neuf projets de nouveaux avions hybrides, électriques ou hydrogène. En 2020,  Airbus avait annoncé trois concepts, tous baptisés « ZEROe », pour le premier avion commercial « zéro émission » au monde qui pourrait entrer en service d’ici 2035. Parallèlement, une enveloppe 200 millions d’euros afin de massifier la production de carburants aériens durables, avec un objectif de parvenir à une production de 500 000 tonnes par an à l’horizon 2030, est également annoncée.

Une usine de production de biokérosène sur le bassin de Lacq

Une usine de carburants durables, BioTJet, portée par la jeune start-up Elyse Energy qui se positionne comme un producteur de e-carburants à travers le développement et l’opération d’usines d’hydrogène vert et de e-fuels (e-méthanol et SAF) et plusieurs  partenaires tels Avril, Axens, Bionext et IFP Investissements, devrait donc être mise en service en 2028 à Pardies (Pyrénées-Atlantiques). Représentant un investissement de près de 1 milliard d’euros, il s’agit « du plus gros investissement sur le territoire du bassin du Lacq depuis la découverte d’un gisement de gaz à Lacq en 1951 » précise le communiqué de l’entreprise. Le projet BioTJet représente près de 800 emplois directs et indirects sur un territoire déjà classé territoire d’industrie qui est aujourd’hui un véritable pôle d’excellence sur la décarbonation et la transition énergétique. Produits à partir d’huiles usagées, résidus de bois ou algues, les carburants durables (SAF) sont utilisables en complément du kérosène dans les avions actuels mais leur production reste balbutiante. Le site aura une capacité totale de 110 000 tonnes par an de produits, dont 75 000 tonnes de biokérosène. Cette usine fait partie d’un projet plus global porté par Elyse Energy qui prévoit de mettre en service à Lacq un site de production de 200 kt d’e-Méthanol destiné à l’industrie et au transport maritime et la construction à Mourens d’un site de production d’hydrogène et d’oxygène bas carbone, alimentant les usines de Lacq et Pardies. Soutenu à la fois par l’État et par l’Ademe, le BioTJet « répondra à 20 % des objectifs nationaux d’ici 2030 en termes d’utilisation de e-biokérosène dans le secteur de l’aviation » précise Elyse Energy.

Booster le développement des infrastructures hydrogène

La création d’“Hydrogen Airport”, coentreprise réunissant Air liquide et le groupe ADP, a pour objectif d’accompagner les aéroports à intégrer l’hydrogène dans leurs infrastructures. Elle représente un besoin concret d’accompagnement des aéroports identifiés par les deux entreprises, alors que ces dernières travaillent conjointement depuis 2021 sur des études faisabilité pour accompagner l’arrivée des avions à hydrogène dans une trentaine d’aéroports à travers le monde. L’offre de service « peut répondre à l’ensemble des enjeux d’intégration de l’hydrogène » affirment-ils, de l’estimation évolutive des volumes, en passant par l’optimisation de la chaîne logistique aux études de coûts et des investissements à prévoir. Dans un premier temps, la co-entreprise ciblera ses efforts sur 200 aéroports internationaux et régionaux ayant atteint « une certaine taille critique », situés principalement en Europe, en Amérique du Nord et en Asie-Pacifique.