Énergie, métaux : l’Europe s’est montrée « cupide » et non « naïve » face à la Russie, selon Margrethe Vestager

Crédit : European Union 2019

Publié le 25/05/2022

5 min

Publié le 25/05/2022

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La vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée d’une Europe adaptée à l’ère du numérique et commissaire à la concurrence Margrethe Vestager a estimé mardi 24 mai dans un entretien à plusieurs journaux que les Européens, en confiant en grande partie leur approvisionnement énergétique à la Russie, se sont montrés « cupides » et non « naïfs », alors que Moscou a déjà annoncé que la guerre en Ukraine serait « longue » faisant peser sur l’Union européenne tout le poids de sa dépendance énergétique et alimentaire.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Nous n’avons pas été naïfs, nous avons été cupides. Notre industrie s’est beaucoup construite autour de l’énergie russe avant tout car elle n’était pas chère », affirme Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne, dans une interview publiée en France par Les Échos. Elle ajoute que l’attitude des Européens est la même « avec la Chine pour de nombreux produits ou avec Taïwan pour les puces, où nous sommes avant tout allés chercher des coûts de production plus bas ».

Sécuriser les approvisionnements

Mais « il y avait une grosse prime de risque – la dépendance – que nous payons aujourd’hui » avec les conséquences de la guerre en Ukraine, explique la commissaire qui juge qu’il « faudra désormais plutôt payer une prime à la sécurité », notamment en misant sur le gaz naturel liquéfié (GNL), plus cher mais qui pourra apporter « la stabilité et la prédictibilité, qui amèneront des investissements ». Dans son plan REPowerUE présenté la semaine dernière à Bruxelles, la Commission prévoit d’ailleurs un investissement de 10 milliards d’euros et devrait financer dans le cadre de projets d’intérêt communautaire plusieurs terminaux de liquéfaction ou de regazéification comme en Grèce, à Malte ou en Pologne.  Depuis plusieurs mois, l’UE cherche les voies de sa diversification et multiplie les initiatives pour trouver de nouveaux fournisseurs et de nouveaux volumes de gaz (12 bcm de GNL supplémentaires au premier trimestre 2022) pour assurer sa sécurité énergétique à court terme, comme l’illustre cet accord signé en mars avec les États-Unis ou la mise en service de l’interconnexion entre la Pologne et la Lituanie – un projet antérieur à la guerre en Ukraine et soutenu par le mécanisme de la Commission européenne pour l’interconnexion en Europe. 

L’embargo sur le pétrole russe, un sacerdoce

Concernant l’imposition d’un embargo européen sur le pétrole russe, actuellement bloqué par la Hongrie, Mme Vestager se dit « persuadée qu’un accord sera trouvé ». Mais elle ajoute que « nous ne pouvons pas laisser les États les plus dépendants du pétrole russe sur le bord du chemin » et qu’il faut « sécuriser leur approvisionnement« . Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a cependant estimé mardi « très improbable » un accord dans les prochains jours, dans une lettre au président du Conseil européen Charles Michel consultée mardi par l’AFP. La présidence française a pour sa part indiqué dans la foulée qu’un accord était encore possible « dans les jours qui viennent ». « Je suis réaliste, je sais qu’il y a des difficultés« , a affirmé Charles Michel aujourd’hui dans le cadre d’un déplacement en Suède, tout en disant « faire de [son] mieux » pour pouvoir « proposer de possibles solutions » en vue de la réunion extraordinaire des 27 à Bruxelles. Le ministre allemand de l’Économie et du climat Robert Habeck a récemment accusé Moscou d’utiliser l’énergie « comme une arme », alors que la première économie européenne est très dépendante du gaz russe.

Métaux : multiplier les partenariats internationaux

Sur le sujet des métaux et terres rares dont l’Europe a besoin, notamment pour les batteries automobiles et les panneaux solaires, la commissaire Vestager plaide pour « de nouveaux partenariats internationaux », plutôt que le développement d’extraction minière sur le sol européen, « car cela prendrait au moins 10 ans« . « Pour les panneaux solaires et les semi-conducteurs, beaucoup de matériaux proviennent aujourd’hui de Chine, de Russie ou d’Ukraine. Il faut là aussi diversifier notre approvisionnement. Nous ne pouvons pas miser uniquement sur l’idée de développer des mines et des raffineries sur notre sol« , dit-elle. La vice-présidente exécutive de la Commission cite notamment le Canada, la Norvège et l’Australie comme pays disposant d’« énormément de matériaux ».

Pas de « renationalisation sur le marché européen de l’électricité »

Alors que de nombreuses voix industrielles et même politiques se sont élevées en France pour demander une réforme du marché européen de l’électricité, elle se déclare opposée à une généralisation des mesures de plafonnement du prix de l’électricité obtenues par le Portugal et l’Espagne. « C’est une question qui doit s’étudier au cas par cas« , dit-elle. « Nous ne devons surtout pas renationaliser le marché européen de l’électricité, cela mènerait tout droit à des blackouts ».