Familles rurales appelle à « un plan d’urgence » pour faire face aux dépenses énergétiques

En 2020, 10,5 % des Français ont dépensé plus de 8% des Français déclarent avoir souffert du froid de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement, et font partie des plus modestes selon l'ONPE.

Publié le 11/06/2022

6 min

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L’association de défense des consommateurs Familles rurales a publié le 10 juin une étude « Réussir la transition énergétique : une urgence climatique, économique et sociale ». Inquiète pour l’hiver à venir, elle appelle le gouvernement à proposer « un plan d’urgence » pour aider les foyers face aux « nouvelles dépenses » programmées ces prochains mois en matière énergétique, avec l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions réglementaires particulièrement impactantes pour le pouvoir d’achat des Français.

Par Laura Icart, avec AFP

 

« 1 Français sur 5  a déclaré avoir souffert du froid au cours de l’hiver 2020-2021 pendant au moins 24 heures » souligne l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) dans son dernier tableau de bord. Une hausse de 6 % par rapport à l’hiver 2020. Si plusieurs facteurs conjoncturels tels que les conséquences de la crise pandémique et la hausse des prix de l’énergie peuvent l’expliquer, cette situation inquiète, alors que la facture énergétique représente déjà un lourd budget pour les ménages les plus modestes.

Deux tiers des ménages français « potentiellement impactés »

Dans une  lettre ouverte publiée le 7 juin et adressée à la Première ministre Élisabeth Borne, Guylaine Brohan, la présidente de Familles rurales, plaide pour ouvrir des « assises de l’énergie » en impliquant la société civile afin de définir en concertation les conditions d’une transition énergétique « soutenable » pour les familles. Outre un contexte particulièrement morose – guerre en Ukraine, inflation record, prix de l’énergie sous tension -, la principale source d’inquiétude pour l’association concerne les nouvelles dispositions réglementaires dans le secteur résidentiel qui vont entrer en application entre 2022 et 2023 et qui pourraient affecter « deux tiers des ménages français, qui n’auront pas les moyens d’assumer les dépenses induites »  par les nouvelles exigences réglementaires. Sont citées plusieurs réglementations issues des lois énergie et climat et climat et résilience relatives aux énergies de chauffage et à l’isolation thermique des logements, comme la fin des nouvelles chaudières au fioul au 1er juillet, puis des mesures sur le chauffage au bois, ainsi que l’interdiction de la mise en location des passoires thermiques qui entreront en vigueur au 1er janvier 2023.

Le milieu rural particulièrement exposé  

« Le milieu rural, du fait d’un parc de logements plus anciens, moins bien isolés et utilisant des énergies de chauffage plus polluantes et vouées à disparaître est particulièrement touché et concerné par la transition énergétique engagée », note l’association familiale. Chiffres à la clé, elle note qu’un logement sur cinq y a été construit avant 1919 contre un sur dix en ville et que 8 logements sur 10 y comptent 4 pièces ou plus contre seulement la moitié en zone urbaine. En résumé, une performance énergétique moindre combinée à de plus grands espaces à chauffer précarisent davantage les habitants des zones rurales. À titre d’exemple, Familles rurales estime dans son étude qu’à surface et composition familiale égales, « il coûte jusqu’à deux fois plus cher de chauffer une maison mal isolée et au système de chauffe vétuste, classée F ou G : + 124 % pour le gaz, + 102 % pour l’électricité, + 96 % pour le bois et + 94 % pour le fioul, qu’une autre classée B ou C ». Si l’association de protection des consommateurs estime que la rénovation énergétique et le remplacement de chauffage énergivore permettant de réduire les émissions de CO2 est « indispensable », elle s’inquiète du coût parfois « insurmontable pour les consommateurs » – jusqu’à 25 000 euros pour changer de système de chauffage et jusqu’à 60 000 euros pour rénover son logement.  Elle soulève également la pertinence de changer de mode de chauffage sans avoir au préalable rénové « convenablement » son logement. La fin des chaudières au fioul prévue dans moins d’un mois impactera davantage le milieu rural « dans la mesure où 20 % des logements en sont équipés contre 6 % en urbain ». Sans remettre en cause la nécessité de la mesure, l’association s’interroge sur sa temporalité alors que les consommateurs de fioul n’ont bénéficié d’aucune mesure de bouclier tarifaire et que son prix explose sur le marché. À titre d’exemple, 1 000 litres de fioul valait environ 950 euros à la fin de l’année 2021 quand il caracolait à plus de 1 800 euros début avril.  

Se priver des chaudières gaz ? Une décision « contestable »

Dans son courrier, la présidente de l’association évoque aussi la place des gaz renouvelables dans les territoires et estime « contestable », au vu du potentiel de développement croissant de ceux-ci, l’interdiction « des chaudières à gaz sans distinction dans les logements neufs et de supprimer les aides aux chaudières performantes ». Des chaudières qui auraient pu selon elle « exploiter cette énergie verte pour couvrir partiellement nos besoins ». 

Plusieurs mesures pour accompagner les familles

Il existe pourtant des aides mais elles sont jugées peu lisibles et incomplètes, laissant un reste à charge « souvent dissuasif » note Familles rurales. L’association formule ainsi une série de mesures pour mieux accompagner les familles, comme celle d’imposer aux professionnels de la rénovation une obligation de résultat. « Tant pour l’environnement que pour le budget des ménages, il n’est pas concevable que les travaux entrepris n’apportent pas la garantie d’une meilleure performance énergétique » indique l’étude. Et les chiffres sont révélateurs : selon l’ONRE dans son étude sur le bilan des travaux de rénovation énergétique parue en mars 2022 « 25 % des travaux engagés ne permettent aucune amélioration de la performance énergétique du logement ». Elle appelle également à réduire la TVA à 5,5 % pour l’ensemble des énergies de chauffage « s’agissant d’un bien de première nécessité ». Elle défend la rénovation zéro reste à charge pour les propriétaires de résidences principales disposant de ressources modestes et une contribution incitative pour les autres.