La « French gas tech »

En 2030, le gaz vert doit représenter 10 % de la consommation de gaz, soit une production de 39 à 42 TWh de biométhane.

Publié le 03/05/2021

9 min

Publié le 03/05/2021

Temps de lecture : 9 min 9 min

Réduire notre dépendance énergétique, relocaliser l’activité et accélérer la bascule de la France vers un mode de développement bas carbone, c’est autant d’atouts portés par l’essor des filières des gaz renouvelables dans notre pays. Également sources d’innovations, d’emplois et d’attractivité, véritables vitrines technologiques et industrielles d’un savoir-faire et d’une compétence française, elles participent activement à accompagner la transition énergétique sur nos territoires.

Par Laura Icart

 

La méthanisation, la pyrogazéification et la production de gaz à partir d’électricité renouvelable et bas carbone plus communément appelée power to gas sont les technologies qui contribuent à verdir la part du gaz dans le mix énergétique français. La transition énergétique est un pilier essentiel de la transition écologique. En France, la loi énergie et climat fixe une diminution de 40 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030. À la même échéance, le pays doit également porter la part des énergies renouvelables à 33 % au moins de la consommation finale brute. Pour y parvenir il faudra notamment que le gaz vert représente 10 % de la consommation de gaz, soit une production de 39 à 42 TWh de biométhane. Et cela même si l’objectif de 7 % fixé dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui conditionne le soutien public, pourrait rendre plus difficile cet objectif.

Le défi de l’industrialisation

Les technologies liées à la production de gaz vert sont, selon le président de la commission de régulation de la CRE, Jean-François Carenco, «  un fantastique défi lancé à toute la chaîne du vivant, de la production au recyclage, du circuit court à la diversification du bouquet énergétique » pour donner au biogaz une place de choix dans le mix énergétique français, donner corps à ce potentiel innovant de notre tissu industriel en subventionnant la recherche et le développement, véritable clé de voûte du monde énergétique, mais aussi et surtout en permettant cette massification de projets qui doit amener à une baisse des coûts de production du biométhane imposée par les pouvoirs publics et nécessaire à la compétitivité de la filière sur le long terme. La filière française du biogaz se rapproche doucement de la maturité industrielle avec un parc de plus de 1 000 unités, dont 234 injectent dans les réseaux, plus de 4 TWh de capacités installées et 26 inscrites dans le registre de capacité. Ajoutons à cela un potentiel d’innovations avéré sur notre territoire, porté par des organismes de recherche de premier plan et par un écosystème de plus 500 entreprises françaises qui ont fait de cette filière un véritable laboratoire de talents, se payant au passage le luxe de quelques premières mondiales comme l’iséroise Waga Energy dont la technologie d’épuration de biogaz de décharge constitue aujourd’hui la belle vitrine d’un savoir-faire made in France. Cette filière dynamique en plein essor intéresse les fonds d’investissements comme Eiffel Gaz Vert, Swen Partners ou encore Meridiam qui, en accompagnant les porteurs de projets, participent à la massification de la production en France et en Europe. Selon une étude Xerfi (« Le marché du biogaz à l’aube de la maturité industrielle ») publiée en décembre 2019, le chiffre de la filière biogaz en 2018 s’élevait à plus de 800 millions d’euros : il a été multiplié par 7 en 10 ans et pourrait encore doubler d’ici trois ans.

La méthanisation : une vraie success story

La méthanisation, qui connaît un développement rapide, est la technologie la plus susceptible de contribuer au développement du gaz vert et représente aujourd’hui une opportunité de diversification pour le mix énergétique français. En répondant à une logique d’économie circulaire, en participant activement à la revalorisation des déchets organiques pour produire une énergie verte et en offrant une source d’engrais bas carbone à nos agriculteurs, elle propose de nombreux services aux territoires : réduction des émissions de gaz à effet de serre, relocalisation d’emplois, transition vers des pratiques agro-écologiques. Selon une étude d’Enea Consulting, pour certains agriculteurs « l’utilisation du digestat permet de diminuer les apports d’engrais minéraux de 30 %, soit une économie de 4 euros par MWh de biogaz produit ». La filière, par ailleurs source d’emplois non délocalisables, représentait en 2020 près de 7 300 emplois directs et indirects (ETP). Un vivier qui pourrait atteindre jusqu’à 50 000 ETP d’ici 2030. Pour devenir plus compétitive, elle s’appuie également fortement sur les nouvelles technologies et la digitalisation afin d’optimiser ses process et multiplier ses débouchés. 

Un vivier de talents

Cette filière d’excellence bénéficie d’un large savoir-faire technologique français qui contribue à notre souveraineté énergétique. « Plus de 60 % des unités de méthanisation sont désormais réalisées par des entreprises françaises » souligne l’Association française du gaz (AFG) qui précise qu’« une bonne exploitation des gisements français de déchets permettrait de produire 40 % des besoins de gaz naturel du pays en 2050 » et de limiter ainsi nos importations, améliorant au passage notre balance commerciale. Au côté des grands énergéticiens français et européens, PME et start-ups participent activement à l’industrialisation de la filière et à l’attractivité de nos régions avec une valeur ajoutée répartie sur l’ensemble du territoire. Un écosystème industriel français présent sur toute la chaîne de valeur, des concepteurs aux constructeurs et équipementiers, en passant par les développeurs avec une compétence reconnue en France comme à l’international. C’est le cas notamment de Prodeval, entreprise drômoise spécialisée dans le traitement et la valorisation du biogaz issu de la méthanisation de déchets qui a multiplié par 10 son chiffre d’affaires et son nombre de salariés en quatre ans. Ou comme Méthalac, constructeur d’unités de méthanisation basé en Savoie, au chiffre d’affaires de 14,3 millions en 2019, entré à la 13e place du classement des 500 PME françaises championnes de la croissance en 2020. Cryo Pur, Enosis, Proviridis, Tryon, Inex Circular, Arkolia Energies, Green Créative, Nenufar, Datafarm, Seven, Axibio, Agribiométhane, Valogreen, Naskeo pour ne citer qu’elles… Toutes ces PME contribuent à construire des modèles plus compétitifs et à la reconnaissance de cette filière sur notre territoire et au-delà.

Des perspectives toujours plus grandes

Autres filières d’excellence : la pyrogazéification et l’hydrogène. La pyrogazéification traite les déchets résiduels secs non fermentescibles souvent destinés à l’enfouissement ou l’incinération. Elle représente aussi une manne d’emplois porteuse sur nos territoires avec la création à horizon 2050 de près de 10 000 emplois, entraînant dans son sillage un réseau de jeunes entreprises innovantes et de PME qui viennent prêter main-forte aux grands acteurs du monde des déchets. Une filière à haut potentiel selon l’Ademe qui estime en 2050 la capacité de production de gaz renouvelable de la filière pyrogazéification « à hauteur de 100 à 128 TWh », soit environ un quart de la consommation nationale de gaz. À l’horizon 2050, l’hydrogène renouvelable ou bas carbone pourrait répondre à 20 % de la demande d’énergie finale et participer pour l’équivalent d’un tiers aux réductions de CO2 à réaliser pour atteindre les objectifs du plan climat. Dans l’industrie comme dans la mobilité, la filière hydrogène a un rôle considérable à jouer ces prochaines années et pourrait devenir un des fleurons du savoir-faire technologique français avec des entreprises positionnées sur toute la chaîne de valeur et des chercheurs parmi les plus reconnus au monde. La consolidation de la filière industrielle hydrogène française (fabricants ou assembleurs de véhicules, équipementiers, fabricants d’électrolyseurs et de piles à combustible, réservoirs, stations-service…) qui compte quelques pépites comme McPhy, Symbio, Faurecia est aujourd’hui en marche, très largement soutenue par une classe politique unanime sur le potentiel de ce vecteur énergétique, même si cette réussite sera avant tout conditionnée par notre capacité à produire de l’hydrogène décarboné à grande échelle.

La mobilité : le débouché incontournable du biogaz

Si la France compte 193 points d’avitaillement publics de gaz naturel véhicules (GNV) et une part de biométhane dans le GNV actuellement estimée à 20 %, elle constitue surtout un marché particulièrement dynamique et attractif. Principalement parce que la mobilité au bioGNV, en répondant à une problématique de santé publique majeure dans notre pays, à savoir la qualité de l’air que nous respirons, représente un levier de compétitivité indiscutable pour la filière gaz vert. Autre enjeu important et pas des moindres : au même titre que les filières hydrogène et électrique, le développement d’une filière industrielle française du GNV, constituée de constructeurs de véhicules industriels et d’équipementiers de stations-service représente selon l’AFGNV « une source d’emplois à ne pas négliger », avec des constructeurs qui font le choix de la France pour installer leurs usines, à l’image d’Iveco, mais aussi de nombreuses start-ups françaises qui se créent sur un marché de plus en plus attractif.

Crédit : Shutterstock.