« Gaz renouvelables : nous avons le potentiel, l’objectif reste de lever les freins ! »

Publié le 19/11/2024

5 min

Publié le 19/11/2024

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Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), stratégie nationale bas carbone (SNBC), projet de loi de finances 2025, fiscalité du gaz, développement des gaz renouvelables en France… À l’occasion du Salon des maires et des collectivités locales, nous avons demandé à Frédéric Martin, président de France gaz depuis le 1er juillet 2024, de revenir sur l’actualité et la place des gaz renouvelables dans la transition énergétique des territoires. 

Propos recueillis par Laura Icart

 

Vous réclamiez davantage de visibilité avec la sortie des textes programmatiques, PPE et SNBC. Estimez-vous avoir été entendu avec la mise en consultation des textes ?

La filière était en attente d’une trajectoire cohérente et en adéquation avec son potentiel. Nous avons une cible ambitieuse pour le gaz renouvelable : atteindre 15 % minimum de notre consommation nationale de gaz en 2030 [soit environ 50 TWh de gaz dont 44 injectés dans les réseaux gaziers, NDLR]. Les projets de programmation pluriannuelle de l’énergie et de stratégie nationale bas carbone permettent de rendre les objectifs publics et de donner un cap. Nous avons toujours besoin d’une impulsion politique pour porter des solution efficientes qui fonctionnent sur les territoires et qui ne demandent pas d’investissements massifs dans les prochaines années. Je pense notamment aux filières pyrogazéification et gazéification hydrothermale qui nous permettront de produire des volumes importants de gaz verts. C’est une question de cohérence et de pragmatisme. Le gaz renouvelable n’est pas une énergie de transition, c’est une brique à part entière d’un futur système énergétique décarboné et soutenable pour les Français. Encore faut-il actionner tous les leviers pour réussir !

« Le gaz renouvelable n’est pas une énergie de transition, c’est une brique à part entière d’un futur  système énergétique décarboné et soutenable pour les Français. »

Quels sont les leviers aujourd’hui pour accélérer le développement des gaz renouvelables ?

Nous avons le potentiel de développer massivement les gaz renouvelables en France en nous appuyant sur un écosystème innovant et local, reste à lever un certain nombre de freins. Je pense en premier lieu au «  zéro artificialisation net (ZAN) » qui en l’état pourrait contraindre les maires de France à devoir arbitrer entre un projet de logement et un projet d’unité de méthanisation pour valoriser les boues d’épuration d’une station d’épuration ou ses biodéchets en biométhane injecté. Nous demandons de concert avec les filières éoliennes et solaires à ce que les projets d’énergies renouvelables qu’ils soient exemptés du ZAN [actuellement, seuls les projets d’énergies renouvelables à dominante agricole (au moins 50 % de l’actionnariat) sont exemptés jusqu’en 2031, NDLR]. Il faut davantage de souplesse dans les procédures. Tous les agriculteurs n’ont pas vocation à posséder un méthaniseur mais tous doivent pouvoir trouver une voie locale pour valoriser leurs effluents et leurs déchets agricoles. Autre frein à lever : celui du surcoût généré par les recours juridiques lors du développement des projets de méthanisation. Nous proposons la mise en place d’un fonds de garantie qui permettrait de sécuriser la viabilité financière des projets vis-à-vis des banques. Notre filière a déposé un amendement dans le projet de loi simplification [qui sera étudié en décembre à l’Assemblée nationale, NDLR]. Autre levier important : la mise en place effective des certificats de production de biogaz (CPB). Concrètement, nous voulons des trajectoires post-2028 ainsi qu’une vision sur le montant des futurs tarifs d’achat sur la période 2028-2035. Les choix d’aujourd’hui sont déterminants pour tenir nos objectif 2030. Enfin, il faut donner une valeur sociétale au gaz vert pour stimuler la demande auprès des Français. Je pense également à une fiscalité différenciante pour les clients qui choisissent une offre gaz renouvelable et aussi à une transposition rapide de l’IRIIC [la nouvelle Tiruert qui intègre le bioGNV, NDLR] dans notre législation qui sera un levier important pour massifier l’usage du bioGNV dans la mobilité lourde. À l’heure actuelle, le projet de loi DDADUE n’en fait toujours pas mention, ce que nous regrettons.

« Il faut donner une valeur sociétale au gaz vert en stimulant la demande auprès des Français. »

Le Salon des maires et des collectivités locales ouvre aujourd’hui. Comment la filière gaz accompagne concrètement les territoires pour décarboner leur mix local ou verdir leurs usages gaz  ?

Depuis plus d’une décennie, la filière accompagne et soutient le verdissement des usages du gaz en développant massivement la production de biométhane sur les territoires. Le droit à l’injection, dispositif issu de la loi Egalim, est une vraie réussite. Nous avons également beaucoup travaillé sur l’acceptabilité des projets et leur appropriation sur les territoires en mettant à la disposition des porteurs de projets des outils pédagogiques et un cadre de dialogue avec les élus locaux. Si des problèmes peuvent toujours exister, de nombreuses craintes ont été levées. La filière a également noué de multiples partenariats tant dans la recherche fondamentale que dans la formation continue pour créer des écosystèmes gaz vert sur les territoires et accompagner la montée en compétences des jeunes notamment. Les solutions gaz apportent des réponses concrètes aux collectivités en leur permettant par exemple de valoriser leurs biodéchets ou leurs boues d’épuration tout en verdissant leurs usages gaz. Demain, la pyrogazéficiation sera également une technologie intéressante pour valoriser des catégories d’intrants qui ne trouvent pas de débouchés aujourd’hui. En somme, notre filière est à la croisée de multiples mondes – l’agriculture, les déchets, l’énergie – et en mesure de créer de l’attractivité au niveau local tout en permettant aux collectivités d’atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de notre pays.