L’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas vont avoir recours au charbon

Publié le 20/06/2022

6 min

Publié le 20/06/2022

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La semaine dernière, Moscou a annoncé la diminution des livraisons de gaz par gazoduc en Europe. Particulièrement touchée et dépendante du gaz russe, l’Allemagne n’a pas tardé à réagir en annonçant qu’elle allait avoir recours au charbon « en cas d’urgence », suivie quelques heures plus tard par l’Autriche et les Pays-Bas, matérialisant la crainte de voir celui-ci se réinstaller sur l’échiquier énergétique européen.

Par la rédaction, avec AFP

 

L’Allemagne a annoncé dimanche qu’elle allait prendre des mesures d’urgence pour sécuriser son approvisionnement face aux baisses récentes de livraison de gaz russe, impliquant notamment un recours accru au charbon. Le gouvernement allemand s’est cependant voulu rassurant ce lundi en précisant que son objectif d’abandonner le charbon en 2030 était bien « maintenu ». Même son de cloche en Autriche où le gouvernement a également annoncé qu’il allait redémarrer une centrale à charbon désaffectée afin de pouvoir pallier une éventuelle pénurie. Les Pays-Bas quant à eux ont annoncé lundi la levée des restrictions de production électrique au charbon afin de compenser une baisse des approvisionnements en gaz en provenance de Russie.

Allemagne : composer avec le charbon pour pallier l’urgence

« Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l’électricité. À la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées », a déclaré le ministère de l’Économie dans un communiqué. Pour rappel, malgré le conflit, l’Allemagne continue d’importer près de 35 % de son gaz depuis la Russie. Cette proportion était de 55 % avant février. Le gouvernement estime que ces mesures d’urgence sont indispensables pour sécuriser l’approvisionnement du pays. « C’est amer, mais c’est indispensable pour réduire la consommation de gaz », a réagi le ministre écologiste de l’Économie Robert Habeck dans un communiqué. Le paquet de mesures annoncé dimanche prévoit également un système « d’enchères » pour la vente de gaz aux industriels, permettant selon Berlin de faire baisser la consommation du puissant secteur manufacturier allemand. De nouveaux crédits de la banque publique KfW devraient par ailleurs être réservés afin d’assurer le remplissage des réservoirs de gaz du pays, actuellement à 56 %. « La sécurité de l’approvisionnement est garantie », mais « la situation est sérieuse« , a résumé M. Habeck. Cependant, l’Allemagne sortira bien du charbon en 2030, conformément à ses objectifs a tenu à rappeler ce matin le porte-parole du ministère de l’Économie et du climat, Stephan Gabriel Haufe lors d’une conférence de presse à Berlin. « La sortie du charbon en 2030 n’est pas du tout vacillante (…). Nous devrons peut-être redémarrer des centrales à charbon (…), ce qui entraînera naturellement une augmentation des émissions de CO2, il est donc d’autant plus important que nous nous en tenions fondamentalement à notre calendrier. » L’objectif d’abandonner le charbon en 2030 est un point central du contrat de coalition du chancelier social-démocrate Olaf Scholz avec ses partenaires écologistes et libéraux. La relance des centrales à charbon sera « une mesure à court terme« , sur une période « limitée« , jusqu’en 2024, a insisté Stephan Gabriel Haufe. 

L’Autriche va réactiver une centrale à charbon

Si le gouvernement autrichien avait déjà présenté un plan d’urgence en mai, il a décidé d’aller encore plus loin, confronté à la diminution des livraisons de gaz russe et a annoncé dimanche soir le prochain redémarrage d’une centrale à charbon. Avec le groupe Verbund, principal fournisseur d’électricité du pays, « il a été convenu de réactiver la centrale thermique » située à Mellach (sud), actuellement à l’arrêt, a annoncé la chancellerie dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion de crise. L’objectif est « qu’elle puisse à nouveau produire de l’électricité, à partir du charbon, en cas d’urgence« . Le processus devrait prendre plusieurs mois, a précisé le ministère de l’Environnement interrogé par l’agence de presse APA. Le site de Mellach, dernière centrale au charbon d’Autriche, avait été fermé au printemps 2020, dans le cadre de la volonté du gouvernement d’éliminer cette source d’énergie polluante et de produire 100 % d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030. « Notre but premier est de sécuriser l’approvisionnement du pays« , dont le gaz provient à 80 % de Russie, a justifié le chancelier conservateur Karl Nehammer, qui gouverne avec les Verts. « Il s’agit de remplacer le gaz russe manquant par d’autres sources ou fournisseurs afin de pouvoir continuer à constituer des réserves. » L’Autriche affichait à la mi-juin un taux de stockage de 39 %, pour une capacité totale de 95 térawattheures correspondant aux besoins annuels, soit un pourcentage supérieur à la moyenne de l’Union européenne, selon le communiqué.

Les Pays-Bas lèvent leurs restrictions de production électrique au charbon

« Le cabinet a décidé de lever immédiatement les restrictions de production pour les centrales électriques au charbon de 2022 à 2024« , a annoncé le ministre Rob Jetten lors d’une conférence de presse. « Cela signifie que les centrales électriques au charbon peuvent à nouveau fonctionner à pleine capacité au lieu du maximum de 35 %« , a-t-il ajouté.  La décision néerlandaise survient au lendemain de celle de l’Allemagne de recourir davantage au charbon pour compenser les baisses de livraisons de gaz russe. Le gazier russe Gazprom a annoncé en mai la suspension des livraisons au fournisseur néerlandais GasTerra, appartenant en partie à l’État néerlandais, après que la firme a refusé de payer en roubles. « Je tiens à souligner qu’il n’y a pas de pénurie aiguë de gaz pour le moment » aux Pays-Bas, a insisté M. Jetten. « Cependant, davantage de pays sont maintenant sous pression (de la Russie)« , a-t-il expliqué. « Cela nous inquiète. En raison de ces préoccupations, j’annonce aujourd’hui une crise du gaz de niveau un : l’alerte précoce« , a-t-il ajouté. Même si le niveau le plus élevé est le niveau 3, « pour le moment le risque de ne rien faire est trop grand« . Le ministre néerlandais a déclaré que son pays avait « préparé cette décision avec (ses) collègues européens ces derniers jours« . Les centrales au charbon néerlandaises ne pouvaient depuis janvier fonctionner à plus de 35 % de leur capacité maximale afin de réduire leurs émissions de CO2.

Crédit : Shutterstock.