« Il faut redonner du sens au reste alimentaire »

Publié le 20/07/2021

5 min

Publié le 20/07/2021

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3 questions à…

Stephan Martinez, fondateur de Moulinot

Depuis 2012, la réglementation impose aux détenteurs de 10 tonnes de biodéchets d’en assurer le tri et la collecte en vue de leur valorisation. La restauration a donc joué un rôle précurseur et ce n’est sans doute pas un hasard si le fondateur de l’une des entreprises françaises de référence dans la valorisation des biodéchets professionnels, notamment pour le secteur de la restauration, est lui-même issu d’une famille de restaurateurs. Gaz d’aujourd’hui a demandé à Stephan Martinez, premier restaurateur de France à avoir valorisé les déchets organiques avec des vers de terre (lombricompostage) en 2007 et fondateur de Moulinot de nous expliquer les actions de son entreprise qui a récolté depuis sa création près de 50 000 tonnes de biodéchets. Il nous parle des perspectives à venir, alors que la collecte et le tri des biodéchets sont appelés à se massifier dans notre pays, et pourquoi il est si important de « redonner du sens au reste alimentaire ».

Propos recueillis par Laura Icart

 

Qu’est-ce qui vous a conduit à fonder Moulinot en 2013 ?

Le bon sens ! Au début des années 2000, quand j’ai réalisé que nos restes alimentaires ne faisaient l’objet d’aucune valorisation et partaient directement à l’incinérateur ou à l’enfouissement, je me suis demandé ce que je pouvais faire pour éviter ce gâchis et aider cette profession à devenir un véritable acteur de l’économie circulaire en transformant à grande échelle nos biodéchets en ressources utiles. Et je voulais également apporter une solution à l’appauvrissement de nos sols. J’ai fondé en 2013 l’entreprise Moulinot pour accompagner les restaurateurs et la restauration collective dans la valorisation de leurs biodéchets en proposant une solution adaptée à leurs besoins et à leurs contraintes. Aujourd’hui, Moulinot prend en charge les restes de la restauration collective [restaurants, cantines scolaires, hôpitaux, Ehpad, etc., NDLR] de 1 500 clients en région francilienne, soit une collecte d’environ 1 200 tonnes de restes alimentaires par mois, réalisée dans plus 1 800 points de collecte. Notre entreprise compte aujourd’hui 85 salariés et en 2019 nous avons créé une plateforme à Stains (Seine-Saint-Denis) permettant la réception des déchets alimentaires collectés par nos soins mais aussi par d’autres acteurs du territoire et le pré-traitement des collectes. Une fois les biodéchets « prêts », ils sont compostés in situ ou transformés en « soupe » pour être distribués à des sites de méthanisation agricole. Nous sommes le seul site français à remplir les fonctions de massification, de déconditionnement et d’hygiénisation dans un même lieu. Nous prévoyons d’ailleurs d’ouvrir un deuxième site en Île-de-France prochainement. Autre particularité, pour faciliter l’insertion professionnelle et pour répondre à nos propres besoins de recrutement, nous avons créé deux formations en interne : éco-animateur-ambassadeur du tri et conducteur-collecteur de biodéchets. Cette dernière, pour laquelle Moulinot est certificateur, est reconnue par l’État comme l’équivalent d’un CAP. Depuis sa création, 30 demandeurs d’emplois ont été certifiés. Enfin, nos activités de collectes sont réalisées entièrement avec des camions [une trentaine, NDLR] roulant au biogaz.

Après le lombricompostage, vous transformez également depuis 2019 les biodéchets en « soupe alimentaire » pour alimenter les méthaniseurs ?

La valorisation des biodéchets via la méthanisation comme pour le compostage d’ailleurs permet d’enrichir efficacement les terres agricoles et les jardins. À ce titre, elle répond à une véritable démarche d’économie circulaire où le déchet devient une ressource permettant au passage de rendre plusieurs services systémiques aux territoires. Allier la gestion de déchets avec la production d’une énergie verte produite localement tombe sous le sens ! Aujourd’hui, les tonnes de déchets destinés à la méthanisation sur le site de Stains permettent de produire 30 GWh par an de gaz renouvelable [soit l’alimentation en gaz de 5 000 logements, NDLR] et de produire 36 000 tonnes de digestat permettant de fertiliser 1 200 hectares de terres agricoles. Si actuellement nous ne travaillons qu’avec des agriculteurs méthaniseurs franciliens [5 partenariats, NDLR], nous souhaitons proposer notre solution d’accompagnement, de collecte et de valorisation dans d’autres territoires dans lesquels nous avons évalué un besoin et un potentiel. C’est notamment le cas en Nouvelle-Aquitaine, dans les Pays de la Loire ou en région Sud où nous devrions nous implanter dans les prochaines années.

Comment inciter davantage les restaurateurs et les particuliers dans la valorisation des biodéchets ?

Il faut en premier lieu faire plus de pédagogie et mener une communication ambitieuse qui permet de donner du sens au reste alimentaire. Assurer un vrai travail de transmission dans les cuisines, avec les jeunes, avec les clients et les amener par des solutions concrètes et pratiques à diminuer l’impact de notre alimentation sur l’environnement. Les restaurateurs sont des acteurs majeurs de cette filière, ils en sont d’ailleurs les pionniers et ils doivent être davantage accompagnés par l’État et les collectivités territoriales dans cette démarche, peut-être au moyen d’une redevance ? Pour le particulier, nous partons certes de beaucoup plus loin mais l’expérience que nous avons mené à Romainville et à Viroflay nous montre que bien équipés et avec des consignes précises sur les collectes, cela fonctionne et les citoyens jouent le jeu et s’investissent.

Crédit : Moulinot.