La pollution de l’air à l’origine de plus de 8 millions de décès dans le monde

plus de 90 % des décès dus à la pollution de l’air, soit 7,8 millions de personnes, sont attribués aux PM2,5, ambiantes et domestiques. ©Shutterstock

Publié le 14/07/2024

7 min

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Plusieurs rapports ont été publiés au cours du mois de juin faisant état de l’impact de la pollution de l’air sur la santé humaine. Si 99 % de la population mondiale respire un air qui dépasse les normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution atmosphérique a un impact de plus en plus important sur la santé humaine, constituant le deuxième facteur de risque de décès dans le monde, d’après la 5e édition du rapport « State of Global Air » (SoGA). Un risque de  mortalité qui touche particulièrement les jeunes enfants et qui est accentué par les effets du changement climatique. 

Par Laura Icart

 

Les effets de la pollution de l’air sur la santé humaine dépasse désormais le tabac et la mauvaise alimentation en tant que facteur de risque de décès. En 2021, près de 8,1 millions de personnes seraient mortes des effets  de la pollution de l’air, un chiffre qui dépasse largement les 7 millions de décès prématurés avancés par l’OMS. Un risque sanitaire qui touche également de plus en plus les enfants. En 2021, « l’exposition à la pollution atmosphérique a été impliquée dans plus de 700 000 décès d’enfants de moins de 5 ans » indique le Health Effects Institute (HEI), un institut de recherche indépendant à but non lucratif basé aux États-Unis, auteur du rapport rédigé en partenariat avec l’Unicef. Une autre étude, réalisée par l’université technologique Nanyang (NTU) de Singapour, relève que le réchauffement climatique aggrave la pollution de l’air « qui a causé 135 millions de morts prématurées en quarante ans ».

Les PM2,5, ces tueuses invisibles

Particules fines extérieures (PM2,5),  pollution de l’air domestique (air intérieur), ozone (O₃) et le dioxyde d’azote (NO2) ont de fortes répercussions sur la santé humaine à travers le monde. Selon l’OMS, 9 personnes sur 10 dans le monde respirent chaque jour des niveaux de pollution atmosphérique nocifs, avec des répercussions considérables sur la santé, malgré des politiques publiques de plus en plus strictes en la matière. « Plus de 90 % des décès dus à la pollution de l’air, soit 7,8 millions de personnes, sont attribués à la pollution atmosphérique par les PM 2,5, y compris les PM 2,5 ambiantes et la pollution de l’air domestique » note le rapport. Des particules fines si petites mais si redoutables qui affectent chaque cellule de chaque organe de notre corps, augmentant le risque de maladies respiratoires, cardio-vasculaires et de cancers. Au-delà de ces décès, elle est également à l’origine de « maladies chroniques invalidantes pour des millions de personnes qui pèsent lourdement sur les systèmes de santé, les économies et les sociétés ».

135 millions de morts prématurées en 40 ans

En 40 ans, soit entre 1980 et 2020, près de 135 millions de décès prématurés serait liés à la pollution de l’air provenant des émissions humaines ou d’autres sources comme les feux de forêt. Et c’est principalement en Asie et plus particulièrement en Chine et en Inde que près de 98 millions de décès prématurés ont été enregistrés. Une mortalité qui s’aggrave également via les effets du changement climatique, avec les feux de forêt bien sûr mais aussi les canicules venant s’ajouter aux activités humaines : production d’énergie, transport, industries, qui contribuent à accélérer le réchauffement. Le Vietnam était le deuxième pays le plus pollué d’Asie du Sud-Est en 2023 selon rapport annuel de l’organisation suisse IQAir , après l’Indonésie, et le 22e au niveau mondial. Hanoi, la capitale, a été classée 8e ville la plus polluée au monde, talonnant de près Jakarta. « Les populations les plus vulnérables sont touchées de manière disproportionnée par les risques climatiques et l’air pollué » indique  le rapport« State of Global Air ». Si les PM 2,5 sont particulièrement dangereuses, d’autres polluants s’avèrent redoutables. C’est notamment le cas de l’ozone. L’exposition à long terme à l’ozone a provoqué en 2021 « environ 490 000 décès dans le monde, dont 14 000 par maladies pulmonaires obstructives chroniques », notamment aux États-Unis, « où la concentration y est plus élevée que dans d’autres pays à hauts revenus ». Autre polluant étudié pour la première fois cette année par le rapport SoGA : le dioxyde d’azote (NO2). Principalement issu du trafic routier, il touche les zones urbaines densément peuplées et plus particulièrement les pays à revenu élevé qui enregistrent bien souvent les niveaux les plus élevés d’exposition au NO2.

Plus de 700 000 enfants de moins de 5 ans sont morts en 2021

La pollution atmosphérique est à l’origine de plus de 1 200 décès prématurés par an chez les enfants et les adolescents en Europe et accroît « considérablement le risque de maladie au cours de la vie », indiquait dans un rapport publié l’année dernière l’Agence européenne de l’environnement (AEE). En 2021, l’exposition à la pollution atmosphérique a été impliquée dans plus de 700 000 décès d’enfants de moins de 5 ans, « ce qui en fait le deuxième facteur de risque de décès dans le monde pour cette tranche d’âge, après la malnutrition ». Et sans surprise, c’est en Afrique et en Asie que ces décès infantiles (près de 500 000) sont les plus importants, dus à la pollution de l’air domestique générée par des modes de cuisson très toxiques. Un tiers de la population mondiale recourt aujourd’hui encore à des systèmes de cuisson traditionnels, foyers ouverts ou poêles rudimentaires, délétères pour la santé et le développement comme pour le climat. En Afrique, ils concernent plus 90 % des modes de cuisson. « L’accès à une cuisson propre, c’est une question de dignité… C’est une question d’équité, de justice et d’égalité pour les femmes »  rappelait en mai dernier à Paris le président du groupe de la Banque africaine de développement, Kinwumi Adesina lors du premier sommet organisé par l’Agence internationale de l’énergie sur la cuisson propre. Le taux de mortalité lié à la pollution de l’air chez les enfants de moins de 5 ans en Afrique de l’Est, de l’Ouest, centrale et australe « est 100 fois plus élevé que celui de leurs homologues dans les pays à revenu élevés ». Quoi qu’il en soit, toutes les études s’accordent à dire que les enfants sont plus vulnérables à la pollution de l’air et « absorbent plus de polluants que les adultes, alors que leurs poumons, leur corps et leur cerveau sont encore en développement. » « Malgré les progrès réalisés en matière de santé maternelle et infantile, près de 2 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jour à cause des effets de la pollution atmosphérique sur leur santé » souligne Kitty van der Heijden, directrice générale adjointe de l’Unicef.

Et si les chiffres sont accablants, des progrès importants ont tout de même été réalisés ces dernières années. « Depuis 2000, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a chuté de 53 % » explique le rapport, notant une amélioration pour favoriser l’accès à une énergie propre pour la cuisine, l’accès aux soins ou encore le très grand nombre de politiques publiques mises en place depuis une décennie pour réduire l’exposition des populations à la pollution de l’air intérieur et extérieur.