La réindustrialisation de la France en marche ?

La dynamique de réindustrialisation de la France est toujours positive en 2023 avec 57 nouvelles usines ouvertes en France, contre 49 en 2022.

Publié le 28/03/2024

6 min

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Le 27 mars, dans le cadre de la 6e édition du salon Global Industrie à Villepinte (Seine-Saint-Denis), le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie  Roland Lescure a dévoilé les résultats du baromètre industriel de l’État illustrant « la dynamique croissante » de réindustrialisation dans notre pays. En 2023, la France a ouvert plus de 200 sites industriels contre 176 en 2022. L’agroalimentaire et l’industrie verte sont les principaux piliers de cette croissance.

Par Laura Icart

 

Ce nouveau baromètre « inédit » selon Bercy doit permettre « de mesurer l’évolution industrielle du pays ». Réalisée par la direction générale des entreprises (DGE) à Bercy avec l’appui des services de l’État en région, les résultats obtenus montrent que la dynamique industrielle est bonne dans notre pays avec un rythme d’ouverture ou d’extension de sites industriels en croissance de 14 % par rapport à l’année 2022, avec une dynamique plus marquée lors du premier semestre.

La réindustrialisation, la mère des batailles

Refaire de la France une grande nation industrielle à l’heure de l’urgence climatique – en 1973 l’industrie représentait 22 % de la richesse nationale contre à peine 11 % aujourd’hui – constitue un véritable défi autant qu’une nécessité. L’année dernière, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire estimait qu’il s’agissait également d’une ambition politique pour inverser « un demi-siècle de désindustrialisation » où « nous avons divisé par deux la production industrielle en France, où nous avons détruit 2,5 millions d’emplois industriels (…), fermé des milliers d’usines. Nous avons divorcé avec la France des trains, des forges, des fusées, de l’automobile, de l’électroménager, du textile, de l’innovation, de la production et de la science ». Dans une note publiée en mars 2023, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) indique qu’entre 1970 et 2021, la part en France du secteur manufacturier dans le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 23 à 10 % et celle dans l’emploi de 29 à 11 %. « On a eu, pendant les 40 dernières années, près de 50 000 emplois industriels en moins chaque année. Ces emplois sont évidemment dans nos territoires, ce sont des emplois dans l’industrie qui sont normalement bien payés et du coup, ce sont évidemment plusieurs années de déclin extrêmement importants » soulignait l’Élysée en mai dernier.

Un solde positif

La France enregistre donc selon Bercy un solde positif en 2023. L’année dernière, l’Hexagone a enregistré 354 ouvertures et extensions significatives, comprenez une hausse d’au moins 40 % de la valeur ajoutée, des effectifs ou de la production, contre 153 fermetures ou réductions de sites. Si l’on s’en tient aux ouvertures nettes stricto sensu, elles sont au nombre de 49 contre 57 l’année précédente, soit une hausse de 16 %. « Nous ne parlons que des  ouvertures (et extensions)  effectives, les annonces ne sont pas comptabilisées » précise Bercy. D’un point de vue sectoriel, l’agroalimentaire reste en tête du classement en termes d’ouverture de sites (+ 47), en légère baisse par rapport à 2022 (- 57). En deuxième position, les industries vertes et l’économie circulaire qui comprennent l’ensemble des industries du recyclage, des batteries, de l’hydrogène, des renouvelables (éolien, biogaz, solaire…) avec 29 sites ouverts ou en extension. « C’est le deuxième secteur en expansion dans le pays, cela montre qu’il se passe quelque chose dans la transformation de notre appareil productif » souligne le cabinet de Roland Lescure lors d’un échange avec la presse. « Un baromètre dédié à l’industrie verte devrait d’ailleurs être publié dans les prochains jours » précise Bercy à Gaz d’aujourd’hui. Autre bonne nouvelle pour l’entourage du ministre, les ouvertures dans le secteur de la santé avec 20 usines. « Une dynamique de relocalisation sur un secteur particulièrement stratégique est en voie de développement » indique le cabinet du ministre. La perte criante de souveraineté dans le secteur de la santé avait été particulièrement visible pendant le crise pandémique du Covid-19. Les transports (+ 22) et le textile complètent le top 5, tandis que sont le papier carton (- 1), la plasturgie (0) et les industries extractives (0) ferment la marche. À noter tout de même le retour d’un solde positif pour la métallurgie avec 10 sites, après une année 2022 clôturée avec un solde négatif (- 4).

L’Auvergne-Rhône-Alpes en pôle position

La répartition des nouveaux sites industriels est très homogène sur le territoire et ce ne sont pas forcément les régions les plus « industrielles » qui arrivent en tête du classement. À l’exception notable de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui concentre près de 30 % de la totalité des ouvertures en 2023 avec 73 sites. « Une région à la tradition industrielle forte » précise le cabinet du ministre qui investit également dans l’industrie verte. Le territoire rhodanien par exemple possède l’intégralité de la chaîne de valeur de production des gaz renouvelables sur son sol, soit près de 200 entreprises. La Nouvelle-Aquitaine arrive en deuxième position avec 30 sites ouverts l’année dernière. À elles seules ces deux régions comptabilisent 50 % des ouvertures françaises. Suivent ensuite la Normandie (+ 24), l’Occitanie (+ 16), la Bretagne (+ 15) et la région Sud (+ 15). Les Hauts-de-France (- 9) pour la deuxième consécutive, la Corse (- 1) et le Centre-Val-de-Loire (0) sont au contraire les régions les moins attractives en 2023. Dans les Hauts-de France, la situation est tout de même à relativiser estime l’entourage du ministre. En effet, c’est une région manufacturière « où l’appareil productif est en train radicalement de se transformer », une transformation « qui prend du temps » avec une région qui comptera  notamment sur des sites industriels de premier plan, comme les gigafactories de batteries et le pôle de Renault à Douai. « Des annonces importantes sont attendues » indique Bercy.

La dynamique de la réindustrialisation semble bel et bien en marche, « même si celle-ci va prendre des années » estimait lundi en ouverture du salon Global Industrie le directeur général de Bpifrance Nicolas Dufourcq qui affiche tout de même un certain optimisme avec des avancées notamment en termes de création d’emplois. Entre 2017 et 2022, près de 100 000 emplois ont été créés dans l’industrie alors qu’a contrario entre 2000 et 2020, près de 1 million d’emplois ont été détruits dans le secteur industriel. « L’industrie redevient à la mode en France parce qu’elle est l’une des solutions de notre décarbonation » déclarait Roland Lescure au Sénat en juin lors de l’examen du projet de loi industrie verte. Et il est vrai que de nombreux secteurs, du nucléaire aux énergies renouvelables, annoncent des dynamiques d’emplois très importantes. Reste à trouver les candidats.