« La réindustrialisation de la France passe par une vision énergétique de long terme »

Publié le 15/10/2024

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Ce 15 octobre, la proposition de loi (PPL) portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur de l’énergie commence son examen en séance publique au Sénat. « La réindustrialisation de la France passe par une vision énergétique de long terme » ont souligné les sénatrices et sénateurs républicains, Dominique Estrosi Sassone, Daniel Gremillet, Alain Cadec et Patrick Chauvet lors d’une rencontre avec la presse ce matin. Un texte qui, outre le volet programmatique, porte également plusieurs dispositions de simplification et une petite partie sur la protection des consommateurs.

Par Laura Icart

 

« Ce texte n’est pas un coup politique, souligne Daniel Gremillet, sénateur et co-auteur de cette PPL, nous voulions un débat parlementaire sur la programmation énergétique de la France », rappelant que cela fait plus d’un an que la France aurait dû se doter d’une loi quinquennale sur l’énergie. Pour le groupe Les Républicains au Sénat, il faut une loi « ambitieuse, qui donne un cap et de la visibilité aux filières » souligne Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat et co-auteure. Une proposition de loi qui devait être initialement étudiée en juin et marquer une volonté politique de « pouvoir débattre des enjeux énergétiques nationaux » comme l’expliquait lors de sa présentation son auteur. Elle semble prendre aujourd’hui une toute autre dimension, dans un contexte politique remanié, où le gouvernement pourrait bien s’en saisir pour ouvrir le débat sur le volet programmatique tant réclamé par les parlementaires.

En quête d’une loi

Sujet récurrent depuis plus d’une année : l’absence d’une loi programmatique sur les objectifs énergétiques et climatiques de la France, rendue obligatoire par la loi relative à l’énergie et au climat, a été pointée du doigt par l’ensemble des groupes parlementaires. L’abandon du volet programmatique en janvier et de la loi de souveraineté énergétique dans son ensemble en avril ont conduit plusieurs groupes politiques a présenter des propositions de lois incluant ce volet programmatique. C’est le cas des Républicains au Sénat donc mais aussi des écologistes à l’Assemblée nationale par le biais de la députée de Loire-Atlantique Julie Laernoes qui a redéposé en septembre sa proposition de loi visant à instaurer de nouveaux objectifs programmatiques à la France. 

Un texte « équilibré » selon les Républicains

« Les atermoiements des dernières années ont fait du mal à nos filières énergétiques » estime Alain Cadec (Les Républicains, Côtes-d’Armor), rapporteur du projet de loi, évoquant notamment le temps perdu pour la filière nucléaire tant dans l’innovation que dans le manque de compétences. « La réussite de notre politique industrielle est corrélée à notre politique énergétique. La disponibilité de l’une englobe la compétitivité de l’autre » indique Patrick Chauvet (Union centriste, Seine-Maritime), également rapporteur. Le texte qui n’a pas pu bénéficier d’une  procédure accélérée est « équilibré » déclare Daniel Gremillet, également président du groupe énergie au Sénat, soulignant « des échanges de qualité avec le gouvernement » et la nouvelle ministre de l’Énergie Olga Givernet.

Construire une « vision énergétique de long terme »

Composée de 25 articles, dont 13 sur la programmation et 11 sur la simplification, cette loi vise selon les auteurs « à acter la relance du nucléaire pour maintenir a minima un mix nucléaire aux deux tiers en 2030 » et à donner de la visibilité au secteur des énergies renouvelables. Le texte prévoit notamment au moins 27 gigawatts (GW) de nouveau nucléaire, dont 14 EPR2 et 15 SMR, en s’appuyant sur le scénario le plus nucléarisé réalisé par Réseau de transport d’électricité (RTE). L’article 4  évoque les flexibilités, dont au moins 6,5 GW d’hydrogène, 1 GW de batteries et 4 mégatonnes de captage et de stockage du carbone d’ici 2030 qui est l’objectif minimal fixé dans la stratégie nationale CCUS de la France. L’article 5 est consacré aux énergies renouvelables et bas carbone avec une reprise du 58 % d’énergies décarbonées dans la consommation finale brute d’énergie en 2030, un chiffre désormais privilégié par la France qui ne souhaite plus  parler en pourcentage d’énergies renouvelables consommées. Si pour l’hydroélectricité (29 GW de capacités installées d’ici 2035) et les biocarburants (50 TWh de volumes consommés en 2030), les objectifs sont similaires à ceux présentés en novembre dernier lors de la stratégie française énergie et climat, ils diffèrent légèrement pour le biogaz où l’objectif de cette PPL est plus ambitieux, pour s’établir à 60 TWh de gaz injecté dans les réseaux. «  Sur le biogaz, l’ambition doit être corrélée avec le dynamisme observé sur le terrain » indique Daniel Gremillet à Gaz d’aujourd’hui. En revanche, pour le photovoltaïque et l’éolien offshore, le rythme proposé semble légèrement en deçà des ambitions affichées dans la SFEC avec un objectif pour le premier de 50 GW contre 54 à 60 GW en 2030 et un rythme de 1 GW par an de capacités installées pour le second qui semble difficilement compatible avec l’atteinte d’un objectif de 18 GW en 2035 lorsqu’on sait que la France disposait d’une capacité d’éolien offshore installé d’1,5 GW au 30 juin. Pour l’éolien terrestre, fidèle à la tradition des Républicains, le texte évoque « de privilégier, pour les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, le renouvellement des installations existantes à l’installation de nouvelles », ce qui rend impossible l’objectif de doublement de la capacité installée, de 20 GW en 2022 jusqu’à 45 GW en 2035.

Autres éléments importants de cette PPL, insistent les sénatrices et sénateurs présents ce matin, « la volonté de simplification », en premier lieu pour la filière nucléaire « dont la relance doit être accélérée », ensuite pour les énergies renouvelables avec des démarches administratives « facilitées » selon eux, enfin pour les collectivités avec notamment un article sur le partage de la valeur. « Nous espérons que le gouvernement se saisisse de ce travail » ajoute Dominique Estrosi Sassone, avec en ligne de mire l’inscription du texte à l’Assemblée nationale. Reste à en connaître les modalités. Mais les discussions qui auront lieu jusqu’à demain soir et le nombre d’amendements déposés par le gouvernement qui seront ou non adoptés par le Sénat devraient déjà donner une première indication de l’avenir de ce texte et de la suite qui sera donnée aux débats.