L’importation d’hydrogène, l’axe majeure de la stratégie allemande

D’ici à 2028, grâce au soutien de l’IPCEI, un réseau national d’hydrogène « d’environ 1 800 kilomètres » comprenant des canalisation gaz rétrofités et des nouvelles canalisations sera mis en place annonce le gouvernement allemand. ©penofoto / Shutterstock.com

Publié le 25/07/2024

4 min

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L’Allemagne, qui mise sur l’hydrogène pour décarboner son économie, se prépare à devoir importer de 50 à 70 % des quantités nécessaires, a indiqué le 24 juillet le gouvernement, sous la pression des acteurs de l’économie pour mettre en œuvre cet objectif ambitieux.

Par la rédaction, avec AFP

 

Dès 2020, le gouvernement allemand avait annoncé une stratégie nationale de l’hydrogène et annonçait des milliards d’investissements dans des projets hydrogène renouvelable « uniquement ». En 2023, la crise énergétique pousse la première économie européenne d’Europe au compromis puisque le gouvernement d’Olaf Scholz décline aussi l’hydrogène bleu, turquoise ou orange en conservant son opposition néanmoins à l’hydrogène rose issu du nucléaire, source d’une opposition importante entre Paris et Berlin depuis deux ans. Économiquement, l’Allemagne n’a jamais fait de la production d’hydrogène vert sur son sol une priorité. Le pays travaille plutôt à produire avec des technologies et des entreprises allemandes de l’hydrogène dans des pays où les conditions économiques et climatiques permettraient d’obtenir de l’hydrogène renouvelable à meilleur coût.

1 800 kilomètres de réseaux H₂ d’ici à 2028

« Les investissements dans l’hydrogène sont un investissement dans notre avenir : dans la protection du climat, dans des emplois qualifiés et dans la sécurité de l’approvisionnement énergétique », avait déclaré Robert Habeck, ministre allemand de l’Économie, lors de la présentation de la nouvelle stratégie en juillet 2023. Pour la première économie européenne qui a renoncé au nucléaire en 2023 et qui veut se sevrer du charbon d’ici 2030 à 2038, l’hydrogène et ses dérivés sont la clé de la décarbonation de l’industrie et de la production d’énergie. D’autant que la guerre en Ukraine a sonné le glas du gaz russe bon marché qui a fait tourner les usines allemandes durant des décennies. En juillet dernier, le gouvernement fédéral a notamment acté le doublement de son objectif domestique de production en passant en 5 gigawatts à au moins 10 gigawatts en 2030 mais aussi et (surtout) la mise en place d’une vaste infrastructure de transport d’hydrogène : plus de 1 800 kilomètres de canalisation doivent être opérationnelles d’ici à 2028.

Une stratégie qui parie sur l’importation 

Une grande partie des besoins en hydrogène « devra être couverte par des importations de l’étranger », a déclaré mercredi le ministre de l’Économie Robert Habeck (Verts) en présentant la feuille de route du gouvernement pour s’approvisionner auprès de pays tiers. Selon le ministère, l’Allemagne devra importer en 2030 de l’hydrogène et des dérivés d’hydrogène à hauteur de 45 à 90 térawattheures (TWh), soit 50 à 70 % de ses besoins annuels totaux (entre 95 et 130 TWh). D’ici 2045, les besoins du pays pourraient atteindre entre 360 et 500 TWh d’hydrogène et environ 200 TWh de dérivés d’hydrogène. Berlin dit travailler avec « un grand nombre de pays, de régions et d’acteurs partenaires » afin de « diversifier au maximum les sources d’approvisionnement« .

L’Allemagne multiplie les partenariats à l’international

L’établissement de partenariats sur l’hydrogène a été au cœur de nombreux déplacements du chancelier Olaf Scholz et du ministre de l’Économie ces deux dernières années, notamment sur le continent africain, mais aussi au Canada, au Qatar ou en Australie. L’importation depuis les pays partenaires se fera par bateau, sous forme d’ammoniac ou d’hydrogène liquide, l’Allemagne misant également sur la construction de pipelines pour l’acheminement depuis les régions les moins éloignées. L’hydrogène doit être utilisé dans les secteurs où les énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, ne peuvent pas être utilisées directement, par exemple dans les secteurs industriels à forte consommation d’énergie comme la production d’acier. Il doit aussi, à terme, remplacer le gaz dans les centrales produisant de l’électricité.

Quelques inquiétudes

Plusieurs représentants de l’économie ont critiqué mercredi cette feuille de route, estimant qu’elle n’était pas assez concrète. Il manque « de nouvelles mesures, des impulsions fraîches ou même des jalons qui pourraient stimuler le commerce mondial de l’hydrogène », a déploré Hartmut Rauen, de l’association des constructeurs de machines-outils (VDMA). Les professionnels du gaz regroupés dans l’association Zukunft Gas ont demandé « des mesures concrètes et des calendriers« , ainsi que la mise en place d’un « système de certification international uniforme pour l’hydrogène« .