L’Amorce réclame des mesures « plus structurantes » pour l’énergie

Le congrès annuel d'AMORCE " un mandat pour accélérer la transition écologique" réunira demain près de 1400 personnes et sera clôturé par Barbara Pompili, Ministre de la Transition écologique.

Publié le 02/02/2021

7 min

Publié le 02/02/2021

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Le 34e congrès d’Amorce, association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des réseaux de chaleur, de l’énergie et des déchets, débute demain matin. Au programme : les premiers effets du plan de relance, l’impact de la pandémie de Covid-19, la hausse de la fiscalité locale, la convention citoyenne pour le climat (CCC), l’économie circulaire et, pour le secteur énergétique plus spécifiquement, l’incontournable réglementation environnementale (RE2020) qui décidément n’en finit plus de faire débat.

Par Laura Icart

 

Pour accélérer la transition énergétique, les territoires sont des acteurs majeurs. S’ils sont la clé pour en favoriser la réussite,« il faut aussi leur en donner les moyens » souligne ce matin en conférence de presse Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, association qui accompagne les collectivités et acteurs locaux en matière de transition énergétique, de gestion territoriale des déchets et de gestion durable de l’eau. Un réseau qui compte aujourd’hui 970 adhérents dont deux tiers des collectivités françaises. Si l’année 2020 a été particulièrement marquée par les effets de la pandémie de Covid 19, le délégué général souligne « la formidable capacité d’adaptabilité des collectivités locales » qui « ont fait le job » même s’il s’inquiète déjà « des conséquences économiques de cette pandémie, notamment sur la fiscalité locale » alors qu’il espérait « une meilleure écoute et un dialogue plus équilibré » de l’État sur cette question. Aujourd’hui, 68 % des collectivités adhérentes d’Amorce annoncent des hausses de la fiscalité locale et 75 % d’entre elles estiment cette hausse comprise entre 5 et 10 %.

Passoires thermiques, projet de loi climat et résilience, CRTE…

La question du réchauffement climatique et la nécessité d’en atténuer l’impact semble aujourd’hui bien ancrées dans l’esprit des Français. D’ailleurs, dans une enquête publiée le 27 janvier intitulée « People’s Climate Vote » réalisée par le programme des Nations unies pour le développement et l’université d’Oxford, sur 1,2 million de citoyens interrogés dans 50 pays du monde, les Français sondés font partie des Européens qui considèrent la cause climatique comme la plus urgente (77 %). Depuis quelques mois, la place qu’a pris la convention citoyenne pour le climat dans le débat public illustre également cette volonté des citoyens d’être des acteurs et non plus des spectateurs de la transition écologique. Alors que le projet de loi « Climat et résilience » issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat devrait être examiné d’ici quelques semaines au Parlement et présenté au conseil des ministres le 10 février, Nicolas Garnier parle de « loi décevante » avec « peu de mesures structurantes », notamment pour l’énergie et pointe « l’absence d’une fiscalité carbone » ou encore du « tabou » autour de l’interdiction de louer des passoires thermiques. Il est vrai que le seuil maximal de consommation d’énergie finale fixé le 13 janvier à 450 kWh/m2 par an applicable aux nouveaux contrats de location conclus à partir du 1er janvier 2023 ne devrait in fine concerner, selon le ministère du Logement, que 90 000 logements, dont 70 000 dans le parc privé. Pour rappel, la France compte 4,8 millions de passoires thermiques, principalement dans le parc locatif privé. La question des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sera également au cœur des débats prévus demain, notamment autour des (nouveaux) moyens financiers qui seront alloués aux collectivités. Si leur généralisation à l’ensemble du territoire (d’ici juin 2021) est « une bonne chose » pour Nicolas Garnier, « il faut simplifier au maximum l’accessibilité des aides pour les élus » indique-t-il, proposant d’utiliser l’Amorce comme « opérateur ».

Vers un développement territorialisé des EnR

Si elles sont évoquées au travers des communautés énergétiques dans le projet de loi de la CCC, le développement local de la production d’énergies renouvelables est un sujet majeur pour les collectivités locales. L’idée d’une territorialisation de la production se fait de plus en plus présente alors que la part des énergies renouvelables en 2030 devra ainsi représenter au moins 38 % de la consommation finale de chaleur et au moins 15 % de la consommation finale de carburant. L’essentiel étant pour l’Amorce comme pour beaucoup d’associations travaillant en lien avec le développement des EnR, telles que le Réseau pour la transition énergétique (Cler) ou Énergies partagées, de s’appuyer sur le potentiel de ressources énergétiques locales pour une meilleure appropriation des projets. Une appropriation favorisée également par de plus en plus de financements participatifs.

RE 2020 : le point de discorde

Sur la RE2020, Nicolas Garnier parle de « vrai malaise ». Pour rappel, cette nouvelle règlementation qui ne concerne que la construction neuve doit entrer en application en juillet. Le « malaise » pour l’Amorce, comme pour l’ensemble des filières de l’énergie, du bâtiment et des consommateurs, se situe sur le contenu carbone du chauffage électrique dans la RE2020, qui passerait d’une valeur actuellement de 210 grammes CO2/kWh à 79 grammes CO2/kWh. Une baisse complètement « artificielle », qui ferait du radiateur électrique le système de chauffage le moins émissif devant par exemple un réseau de chaleur au bois ou un réseau de chaleur géothermique. Ce changement des règles du jeu interpelle et pose la question de l’efficacité énergétique à l’heure où des équipements du type pompe à chaleur air-air pourraient se multiplier alors qu’ils sont pourtant peu efficaces, au détriment de solutions de chauffage issues des EnR (solaire, éolien, biogaz…). Le choix du gouvernement de favoriser le chauffage électrique inquiète. « La transition énergétique n’est pas une transition électrique » assène le délégué général de l’Amorce. Une inquiétude renforcée par la mise en application du décret tertiaire qui impose de réduire la consommation finale des bâtiments tertiaires existants a minima de 40 % en 2030, de 50 % en 2040, de 60 % en 2050 (par rapport à une consommation de référence prise sur une année supérieure ou égale à 2010), avec une méthode de calcul prévue en énergie finale et non en énergie primaire. Plus concrètement, en l’état, souligne Nicolas Garnier, « un promoteur aura plus d’intérêt à mettre une pompe à chaleur air-air qu’une solution de chauffage par des énergies renouvelables », ce qui est complétement « aberrant » selon lui. Alors que l’État semble faire le choix de favoriser les consommations électriques même les moins efficaces au détriment de la réduction réelle de la consommation, Amorce demande à ce que le contenu CO2 d’un certain nombre de modes de consommation d’énergie soit l’objet d’un avis du Haut Conseil pour le climat afin « d’éviter de faire dire n’importe quoi aux chiffres » et que la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France ne soit en réalité corrélée qu’à l’évolution de méthodes de calcul.