Le 1er août marque le « jour du dépassement » de la Terre

Le déclin des polinisateurs, véritables garants de l’équilibre de la biodiversité, est une source d’inquiétude pour les scientifiques du monde entier. Sans eux la plupart des écosystèmes naturels pourraient s’effondrer. ©Shutterstock

Publié le 01/08/2024

7 min

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Ce 1er août, l’humanité a consommé l’ensemble des ressources biologiques que la Terre régénère pendant toute l’année. Dès aujourd’hui, la Terre vit à crédit. « Actuellement, nous utilisons 74 % de plus que ce que les écosystèmes de la planète peuvent régénérer, soit l’équivalent des ressources que produirait 1,7 Terre » indique le Global Footprint Network et son partenaire WWF. Ce qui signifie que nous aurions aujourd’hui besoin presque trois planètes pour subvenir aux besoins de l’humanité.

Par Laura Icart

 

Cette année, 153 jours séparent le jour du dépassement de la Terre de la fin de l’année. Une quinzaine d’heures plus tôt qu’en 2023 mais trois jours plus tard qu’en 2022 (28 juillet). « Les coûts de ce dépassement écologique mondial deviennent de plus en plus évidents sous la forme de déforestation, d’érosion des sols, de perte de biodiversité et d’accumulation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère » alerte l’ONG américaine Global Footprint Network. Si cette date est restée relativement stable depuis une décennie, « la pression exercée sur la planète ne cesse d’augmenter » souligne l’organisation. « Nous sommes en train d’épuiser notre capital naturel en surexploitant les ressources » ajoute WWF.

Le « jour du dépassement », késako ?

Chaque année, le Global Footprint Network calcule le « jour du dépassement » pour le monde en croisant l’empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritimes nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la biocapacité de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l’homme, notamment la séquestration du CO2). Depuis les années 1970, la date du jour du dépassement se dégrade : le 29 décembre en 1970, le 11 octobre en 1990, le 29 juillet en 2019. En 2020, en raison des confinements liés à la pandémie de Covid 19, cette date avait été repoussée de trois semaines par rapport à 2019 (soit le 19 août). Les années 2021 et 2022 marquent le retour au niveau pré-crise sanitaire avec un capital qui s’épuise au 29 juillet et au 28 juillet. En 2023, le jour du dépassement est arrivé le 2 août. Pour tenir le rythme de notre consommation actuelle de ressources, il faudrait cette année 1,7 Terre pour subvenir de façon durable aux besoins de la population mondiale. Cet indice, qui vise à illustrer la consommation d’une population humaine en expansion sur une planète limitée, se décline également par pays. Ce sont plus de 15 000 points de mesure par pays et par an qui permettent au Global Footprint Network de calculer le jour du dépassement annuel des pays analysés.

De 1,3 Terre en 1995 à l’utilisation à 1,75 Terre aujourd’hui

Près de 3 milliards de personnes vivent dans des pays qui produisent moins de nourriture qu’ils n’en consomment et génèrent moins de revenus que la moyenne mondiale. Ce qui induit une « capacité alimentaire insuffisante et un énorme désavantage pour accéder aux ressources alimentaires sur les marchés mondiaux » précise l’ONG. Un nombre qui augmente à près de 5,8 milliards de personnes si l’on y intègre toutes les ressources et pas seulement les ressources alimentaires. Tout comme les années précédentes, le WWF et le Global Footprint Network estiment que les causes du dépassement sont principalement liées au système agricole et alimentaire. « La moitié de la biocapacité de la planète (55 %) est aujourd’hui utilisée pour nourrir l’humanité – avec des modèles très différents les uns des autres ». A l’heure actuelle, la Terre a une biocapacité totale d’un peu plus de 12 milliards d’hectares globaux. Autre fait notable à retenir : 72 % de la population, soit 8 milliards de personnes, vivent dans un pays qui présente un déficit de biocapacité et génère moins de revenus que la moyenne mondiale. « La sécurité des ressources est en train de devenir un paramètre essentiel de la puissance économique » rappelait en 2022 Mathis Wackernagel, fondateur du Global Footprint Network. L’Union européenne a elle seule utiliserait près 20 % de la biocapacité de la Terre pour environ 7 % de la population mondiale. A contrario, plus d’une cinquantaine de pays, situés principalement en Afrique et en Asie, ne génèrent aucun « déficit écologique ».

2,9 Terres pour subvenir aux besoins des Français

Cette année, en France le jour du dépassement était le 7 mai, environ cinq mois plus tôt qu’en 1961 mais deux jours plus tard qu’en 2022. Ce qui signifie concrètement qu’en 2024, il aura fallu à notre pays seulement quatre mois pour consommer tout ce que la nature est en capacité de régénérer en une année. « Si le monde entier consommait aujourd’hui comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir aux besoins des habitants. » Malgré la taille considérable de la biocapacité de la France, il fallait 1,9 France en 2022 pour régénérer ce que la population française consomme. Cet écart n’a cessé de se creuser depuis 60 ans. « Chaque année, le jour du dépassement nous rappelle notre responsabilité collective à faire évoluer nos modes de vie et de consommation vers davantage de sobriété. Privilégier les circuits courts, consommer des fruits et légumes de saison, acheter des produits reconditionnés ou d’occasion, nous avons tous les moyens d’agir » rappelle le président de l’Agence nationale de la transition écologique (Ademe), Sylvain Waserman. Et si la population française aurait théoriquement « besoin » de 1,9 France, les Japonais auraient besoin de presque 8 Japon, les Chinois de 4 Chine, les Italiens de 5 Italie et les Américains de plus de 2 États-Unis. « Près d’une planète et demie serait désormais nécessaire pour subvenir à l’ensemble des besoins de la population mondiale  » souligne le WWF

  • « Une personne sur cinq dépend des plantes sauvages, des algues et des champignons pour sa nourriture et ses revenus« , selon la FAO.

Agroécologie, sobriété, énergies renouvelables parmi les solutions

« L’agriculture intensive moderne repose largement sur l’utilisation de ressources non renouvelables, notamment les énergies fossiles » note le WWF France évoquant entre autres choses une dépendance accrue aux intrants importés, en prenant pour exemple l’azote minéral utilisé pour fertiliser les terres et fabriqué à partir d’énergies fossiles « qui est importé à plus de 80 % ». « L’utilisation massive des pesticides affectent gravement la biodiversité et les qualité des eaux en France » rappelle le WWF estimant « qu’environ 34 % de l’eau distribuée serait non conforme aux limites réglementaires de qualité » suite à des pollutions agricoles. Pour l’ONG environnementale, il faut privilégier le développement de systèmes agroécologiques « qui limitent l’utilisation d’engrais chimiques, de pesticides et le travail excessif des sols ». Pour le Global Footprint Network, plusieurs leviers sont à activer pour reculer ce jour du dépassement. « Pour suivre la voie préférable du scénario 1,5 °C du Giec, nous devrions faire reculer la date de 10 jours par an » indiquait l’association précédemment, et notamment dans le domaine énergétique. Actuellement, l’empreinte carbone représente plus de 60 % de l’empreinte écologique de l’humanité. « Réduire de 50 % les émissions de CO2 provenant de la combustion de combustibles fossiles permettrait de déplacer la date de trois mois » souligne l’ONG américaine. Autre levier : l’utilisation de sources d’électricité renouvelable ou a faible teneur en carbone permettrait, si celle-ci passait de 39 % à 75 %, de repousser la date fatidique de 26 jours.