Le 28 juillet marque le « jour du dépassement » de la Terre

Publié le 28/07/2022

6 min

Publié le 28/07/2022

Temps de lecture : 6 min 6 min

Ce 28 juillet, l’humanité a consommé l’ensemble des ressources biologiques que  la Terre régénère pendant toute l’année. Dès aujourd’hui, la Terre vit à crédit. « Actuellement, nous utilisons 74 % de plus que ce que les écosystèmes de la planète peuvent régénérer, soit l’équivalent des ressources que produirait 1,7 Terre » précisent Global Footprint Network et son partenaire WWF.

Par Laura Icart

 

Cette année, 156 jours séparent le jour du dépassement de la Terre de la fin de l’année. « Pour suivre la voie préférable du scénario 1,5 °C du Giec, nous devrions faire reculer la date de 10 jours par an » indique l’ONG américaine Global Footprint Network. Actuellement, l’empreinte carbone représente 61 % de l’empreinte écologique de l’humanité. « Cette journée nous rappelle que la persistance du dépassement, depuis maintenant plus d’un demi-siècle, a entraîné un déclin considérable de la biodiversité, un excès de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et une concurrence accrue pour les ressources alimentaires et l’énergie » alerte l’ONG dans son communiqué.

Le jour du dépassement, késako ?

Chaque année, Global Footprint Network calcule le « jour du dépassement » pour le monde en croisant l’empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritimes nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la « biocapacité » de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l’homme, notamment la séquestration du CO2). Depuis les années 1970, la date du jour du dépassement se dégrade : le 29 décembre en 1970, le 11 octobre en 1990, le 29 juillet en 2019. En 2020, en raison des confinements liés à la pandémie de Covid-19, cette date avait été repoussée de trois semaines par rapport à 2019 (soit le 19 août). L’année 2021 marque le retour au niveau pré-crise sanitaire, soit au 29 juillet. Pour tenir le rythme de notre consommation actuelle de ressources, il faudrait cette année 1,7 Terre pour subvenir de façon durable aux besoins de la population mondiale. Cet indice, qui vise à illustrer la consommation d’une population humaine en expansion sur une planète limitée, se décline également par pays. Ce sont plus de 15 000 points de mesure par pays et par an qui permettent au Global Footprint Network de calculer le jour du dépassement annuel des pays analysés. Nos voisins allemands ont par exemple atteint le jour du dépassement le 4 mai, soit un jour avant nous, loin derrière les pays du Bénélux qui ont respectivement atteint leur jour du dépassement le 26 mars pour la Belgique, soit une semaine plus tôt que l’année dernière, le 14 février pour le Luxembourg et le 12 avril pour les Pays-Bas.

1,75 Terre pour subvenir aux besoins de l’humanité

Près de 3 milliards de personnes vivent dans des pays qui produisent moins de nourriture qu’ils n’en consomment et génèrent moins de revenus que la moyenne mondiale. Ce qui induit une « capacité alimentaire insuffisante et un énorme désavantage pour accéder aux ressources alimentaires sur les marchés mondiaux » précise l’ONG. Un nombre qui augmente à près de 5,8 milliards de personnes si l’on y intègre toutes les ressources et pas seulement les ressources alimentaires. Pour le WWF et Global Footprint Network, les causes du dépassement sont principalement liées au système agricole et alimentaire. « La moitié de la biocapacité de la planète (55 %) est aujourd’hui utilisée pour nourrir l’humanité – avec des modèles très différents les uns des autres » précise le communiqué. Une situation dont l’Europe serait « particulièrement responsable » avec une système basé sur « une agriculture intensive » et une « surconsommation de viande ». Autre fait notable à retenir : 72 % de la population, soit 8 milliards de personnes, vivent dans un pays qui présente un déficit de biocapacité et génère moins de revenus que la moyenne mondiale. « La sécurité des ressources est en train de devenir un paramètre essentiel de la puissance économique » souligne Mathis Wackernagel, fondateur de Global Footprint Network.

 

« La persistance du dépassement depuis 50 ans signifie que les déficits annuels se sont cumulés en une dette écologique correspondant à 19 ans de régénération planétaire » précise Global Footprint Network.

2,9 Terres pour subvenir aux besoins des Français

Pour rappel, en France le jour du dépassement était le 5 mai, environ cinq mois plus tôt qu’en 1961. Ce qui signifie concrètement qu’en 2022, il aura fallu à notre pays seulement quatre mois pour consommer tout ce que la nature est en capacité de régénérer en une année. « Si le monde entier consommait aujourd’hui comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir aux besoins des habitants ». Malgré la taille considérable de la biocapacité de la France, il faut 1,9 France pour régénérer ce que la population française demande actuellement. Cet écart n’a cessé de se creuser depuis 60 ans. « Tous les présidents de la VRépublique ont laissé l’empreinte écologique du pays se dégrader. En moyenne, selon les données utilisées chaque année par le Global Footprint Network, entre 1981 et 2007, le jour du dépassement a avancé de 10 jours à l’issue de chaque mandat », a dénoncé WWF France dans un communiqué. Mais « bonne nouvelle : nous n’y sommes pas condamnés » , a souligné sa présidente d’honneur Isabelle Autissier en évoquant la possibilité de faire « beaucoup mieux et aller beaucoup plus vite que tout ce qui a pu être réalisé depuis 60 ans », d’autant que, « avec la transition écologique, les opportunités ne vont pas manquer ». Et si la population française aurait « besoin » d’1,9 France, les Japonais auraient besoin de presque 8 Japon, les Chinois de 4 Chine, les Italiens de 5 Italie et les Américains de plus de 2 États-Unis.