« Le gouvernement se trompe de combat en ciblant la chaudière »

Publié le 10/01/2025

7 min

Publié le 10/01/2025

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Le 24 décembre, un arrêté modifiant le taux de TVA en vigueur des chaudières à gaz très haute performance énergétique (THPE) de 5,5 à 10 % a été publié au Journal officiel pour une entrée en vigueur au 1er janvier. « Une mauvaise surprise sur le fond comme sur la forme » pour le Syndicat nationale des entreprises de maintenance en génie climatique(Synasav) qui regrette que le dialogue engagé depuis plusieurs mois avec les pouvoirs publics et le gouvernement ait abouti à un texte publié quelques jours avant la fin de l’année « n’ayant pas permis aux professionnels d’anticiper ». Pour Cyril Radici, directeur général du Synasav, interrogé par Gaz d’aujourd’hui, « ce manque d’élégance » à la veille des fêtes « est très regrettable ».

Propos recueillis par Laura Icart

 

L’arrêté exclut les chaudières à très haute performance énergétique (THPE) du bénéfice du taux réduit de 5,5 % au 1er janvier : une décision surprise ?

Oui. Une décision qui n’avait fait l’objet d’aucune annonce préalable aux professionnels du secteur concernés alors même que nous travaillons depuis plusieurs mois avec le gouvernement et les pouvoir publics. Cette décision de rehaussement de la TVA sur les chaudières THPE à 10 % annoncé un 24 décembre, laissant aux professionnels moins d’une semaine pour finaliser les devis, est peu respectueuse des professionnels et des consommateurs puisque, in fine, ce sont bien les consommateurs et leur pouvoir d’achat qui seront pénalisés. Le surcoût pour le consommateur est d’environ 200 euros. C’est une hausse importante dans un contexte économique où de plus en plus de Français rencontrent des difficultés à boucler leurs fins de mois.

La décarbonation n’est pas une option mais un impératif de société. Nous n’avons pas le droit d’abandonner des solutions qui y contribuent plus ou moins fortement.

Le gouvernement indique que cette décision est en accord avec ses engagements européens de faire cesser les incitations financières à l’installation de chaudières à combustibles fossiles à la date du 1er janvier 2025…

Comme je le disais précédemment, la temporalité est importante, tout comme la méthode. Nous savions, pour avoir eu de longues discussions avec les parties prenantes mais également dans le cadre du projet de loi de finances 2025, que le rehaussement de la TVA sur les chaudières THPE allait avoir lieu [le PLF 2025 prévoyait initialement une hausse de la TVA de 20 %, NDLR]. Les professionnels ont été mis devant le fait accompli avec moins de sept jours pour être opérationnels, avec notamment la nécessité d’adapter leurs outils informatiques. Il est regrettable que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure de l’intérêt de la chaudière THPE en remplacement de chaudière basse température comme une solution vertueuse de transition énergétique, qui le sera d’autant plus avec le verdissement du gaz. On ne peut pas ignorer les gains de performance, qui peuvent atteindre jusqu’à 30%, lorsque l’on remplace ces équipements. Nous comprenons l’ambition de décarboner, qui est un enjeu de société, mais nous devons l’accompagner notamment lorsque l’occupant est contraint techniquement.

« Le combat n’est pas non plus celui de la chaudière THPE contre la pompe à chaleur car les deux répondent à un besoin et sont des solutions performantes énergétiquement.« 

Vous dites que le combat à mener n’est pas celui contre la chaudière ?

La décarbonation n’est pas une option mais un impératif de société. Nous n’avons pas le droit d’abandonner des solutions qui y contribuent plus ou moins fortement. On monte bien un escalier marche par marche et pas étage par étage ! Alors le combat est de rendre accessible financièrement toutes les solutions de chauffage qui permettront progressivement d’atteindre nos objectifs de décarbonation 2050. On ne peut pas et l’on ne pourra imposer des pompes à chaleur partout, c’est une merveilleuse technologie, mais qui techniquement ou règlementairement n’est pas envisageable dans tous les types de logements.Comment fait-on demain pour accélérer les gaz verts ? comment fait-on pour accélérer l’hybridation des systèmes ? Le combat n’est pas non plus celui de la chaudière THPE contre la Pompe à chaleur car les deux répondent à un besoin et sont des solutions performantes énergétiquement. Simplement il y a des réalités concrètes qu’il faut rappeler. Il y a des typologies d’habitats qui ne pourront pas bénéficier de solutions électriques vertueuses telle que la PAC, je pense notamment aux 3,4 millions de personnes vivant dans des logements collectifs chauffés au gaz.  Il y a y a une forme d’injustice fiscale pour une partie la population modeste mais pas seulement, la plupart des propriétaires d’appartement notamment à Paris sont concernés par l’absence de solution de substitution. En réalité cette hausse de la fiscalité revient à sanctionner financièrement des gens qui n’ont pas le choix.  La maintenance, dont nous avons obtenu qu’elle puisse continuer à avoir un taux réduit, permet outre l’aspect sécuritaire de l’équipement, d’assurer un haut niveau de performance tout en améliorant la longévité de l’appareil. Une chaudière entretenue chaque année par un professionnel consomme de 8 à 12 % de moins d’énergie qu’une non entretenue, et l’on peut regretter qu’aujourd’hui près de 25% des Français ne disposent pas de contrat d’entretien.

 

« Une fiscalité incitative ou du moins différenciée entre du biométhane et du gaz fossile pourrait être un levier pour booster la demande.« 

Êtes-vous surpris qu’il n’y ait aujourd’hui aucune fiscalité incitative pour les équipements utilisant du biométhane ?

Sur le terrain, nous sentons un vrai engagement des professionnels à promouvoir une démarche autour des gaz verts. La dynamique enclenchée ces dernières années est très intéressante, les offres se développent, même s’il faut encore massifier les volumes. Il nous paraît évident qu’une fiscalité incitative ou du moins différenciée entre du biométhane et du gaz fossile pourrait être un levier pour booster la demande. Mais aujourd’hui il faut reconnaître que cela ne semble pas être dans les projets du gouvernement et c’est dommage car c’est un levier de décarbonation concret, sans oublier que le fait de produire du biogaz à partir de déchets est un acte vertueux en soi. Ma conviction c’est que les Français n’ont pas de dogme sur l’énergie, ils répondent davantage à une réalité économique et une chaudière THPE apporte le confort et la performance à des coûts acceptables et c’est avant tout cette réalité qui illustre la hausse de la vente de chaudière cette année [+ 12 % de chaudières posées en 2024, NDLR], principalement pour remplacer une chaudière déjà existante. Il est donc important d’utiliser l’ensemble des dispositifs disponibles pour inciter vers davantage de biométhane.