Le gouvernement suisse ouvert à un retour du nucléaire

Publié le 31/08/2024

6 min

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Le 28 août, le gouvernement suisse s’est dit favorable à un éventuel retour du nucléaire à long terme, face aux évolutions du marché de l’électricité et aux incertitudes géopolitiques. Un sujet complexe et clivant dans un pays qui avait voté par referendum pour la sortie progressive du nucléaire en 2017.

Par la rédaction, avec AFP

 

Les Suisses ont approuvé par référendum en 2017 la sortie progressive du nucléaire en votant une loi interdisant la construction de nouvelles centrales. Cette loi était alors le résultat d’un long processus engagé après l’accident nucléaire de Fukushima, provoqué par un gigantesque tsunami en mars 2011, au Japon. « Depuis 2017, la situation sur le marché de l’électricité a radicalement changé« , a déclaré le ministre de l’Environnement, des transports et de l’énergie, Albert Rösti, en conférence de presse à Berne, après une réunion du Conseil fédéral. « C’est absolument clair qu’à court terme, même à moyen terme, il ne faut pas discuter de l’énergie nucléaire, ce n’est pas une option. Mais pour être prêt, si c’est nécessaire à long terme, dans les prochains 15 ans je dirais, il faut commencer maintenant« , a-t-il souligné.

Rouvrir le débat sur l’énergie nucléaire

Son ministère soumettra au gouvernement une modification de la loi sur l’énergie nucléaire d’ici fin 2024. Le Parlement devra ensuite en débattre et la population devra se prononcer par référendum. « On ne dit pas qu’il y aura dans 10 ans une nouvelle centrale (…), mais nous sommes responsables de laisser la porte ouverte à toutes les technologies possibles« , a insisté M. Rösti, soulignant que si ce processus n’est pas lancé aujourd’hui, il sera « peut-être trop tard dans 20 ans« . Alors que le pays espère atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le gouvernement « entend favoriser l’ouverture aux différentes technologies pour planifier de manière responsable la sécurité de l’approvisionnement en électricité« , a-t-il indiqué dans un communiqué. Or « l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires n’est pas compatible avec l’objectif de l’ouverture aux différentes technologies et présente même des risques pour le démantèlement des installations existantes« , selon le gouvernement.

La stratégie suisse

La Suisse s’est engagée à atteindre un niveau d’émissions nettes nulles d’ici 2050 et à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 50 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Elle a notablement découplé la croissance économique de la consommation d’énergie, malgré une forte croissance démographique. Cette tendance devrait se poursuivre et le principe de l’efficacité énergétique devrait être reflété dans toutes les législations relatives au climat et à l’énergie. Pour atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050 et combler l’écart croissant entre la demande et la production d’électricité en hiver, il faut un volume sans précédent de capacités de production renouvelables supplémentaires, en particulier éoliennes et hydroélectriques. Pour réduire ses émissions de GES, le pays helvète s’appuie sur plusieurs textes législatifs. La loi fédérale à long terme sur les objectifs de protection du climat, l’innovation et le renforcement de la sécurité énergétique prévoit des subventions substantielles pour le remplacement des chauffages et des procédés fossiles, une révision de la loi sur le CO2 et une révision de loi sur l’énergie de 2018 visant à remplacer les objectifs indicatifs pour l’expansion des énergies renouvelables et la consommation d’énergie et d’électricité par habitant par des objectifs contraignants complétés par des mesures concrètes pour accélérer le déploiement. L’efficacité énergétique est un « pilier essentiel » de la stratégie de la Suisse pour atteindre ses objectifs en matière d’énergie et de climat pour 2030 et l’objectif « zéro émission » pour 2050 rappelle l’AIE, le pays présentant un découplage notable entre la consommation d’énergie et la croissance économique. Sa consommation finale totale par habitant est nettement inférieure à la moyenne de l’AIE et a diminué de 13 % entre 2011 et 2021. La Suisse reconnaît que, d’ici 2050, elle émettra encore environ un quart de ses émissions de GES actuelles dans des secteurs difficiles à supprimer, dont environ 60 % seraient compensés par des technologies d’émissions nettes (NET) en Suisse et à l’étranger. Le pays prévoit également de développer des technologies et des infrastructures de captage et de stockage du carbone (CSC) pour éviter les quelque 7 millions de tonnes (Mt) de dioxyde de carbone restantes provenant de l’incinération des déchets et de la production de béton.

Un tiers de la production électrique assurée par le nucléaire

Les quatre centrales nucléaires en service fournissent environ un tiers de la production d’électricité totale en Suisse. Elles disposent d’une autorisation d’une durée illimitée, tant qu’elles sont sûres. Selon la loi actuelle, si elles doivent un jour être mises à l’arrêt, l’électricité manquante devra être compensée par d’autres installations de production. Mais le gouvernement craint que le développement des énergies renouvelables ne soit pas assez rapide pour couvrir à temps les capacités manquantes et le besoin croissant en électricité. « On avait imaginé à l’époque de produire l’électricité manquante grâce à des centrales à gaz » mais « cette option est devenue quasi impensable » pour atteindre la neutralité carbone, selon M. Rösti. Le ministre a également évoqué la détérioration de la situation géopolitique, en particulier en Europe depuis deux ans, et la croissance rapide de la population suisse et des besoins en électricité.

Un décision critiquée

La décision du gouvernement « ne remet nullement en cause le développement des énergies renouvelables », a-t-il assuré. « La levée de l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires n’est qu’une option de repli, au cas où, et une option à long terme. Car il s’agit d’anticiper la croissance de la demande en électricité », a-t-il dit. L’annonce du gouvernement a été immédiatement critiquée par Greenpeace Suisse et les partis du centre, socialiste et écologistes. Construire de nouvelles centrales nucléaires est « un non-sens économique. Personne n’en veut, pas même les fournisseurs suisses d’électricité« , ont souligné les VERT-E-S. Le Parti socialiste suisse s’oppose aussi « fermement à ce retour en arrière irresponsable qui bloque le développement des énergies renouvelables ».