Le Nouveau Front populaire esquisse son programme énergétique

Les responsables de la gauche ont dévoilé le 14 juin les premières mesures de leur programme commun via le "Nouveau Front populaire" . ©Antonin Albert / Shutterstock.com

Publié le 17/06/2024

8 min

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Le 14 juin, le Nouveau Front populaire a présenté les grandes lignes de son programme. Vote d’une loi énergie-climat « dès cet été », prix planchers, renforcement des aides à la rénovation, baisse des factures, accélération des renouvelables font partie des mesures proposées pour les « 100 jours ». Un programme qui ne fait aucune mention du nucléaire, un sujet qui est loin de faire consensus.

Par Laura Icart, avec AFP

 

Le Nouveau Front populaire s’est engagé à « relever le défi climatique » en faisant notamment voter dès cet été une loi énergie-climat dans son programme commun pour les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Après quatre jours de tractations, l’alliance de gauche a présenté son « programme de rupture » qui comporte de nombreuses mesures relatives à l’environnement, parmi lesquelles cette loi qui « permettra de fixer notamment les objectifs par énergie, pour sécuriser l’approvisionnement et lutter contre le réchauffement climatique ». Une loi réclamée par l’ensemble des groupes parlementaires comme par les acteurs du monde énergétique que le gouvernement avait choisi de retirer « faute de consensus » indiquait à Gaz d’aujourd’hui le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure, préférant lancer une nouvelle phase de concertation. Le Nouveau Front populaire s’est donc engagé à reprendre les travaux parlementaires sur une loi énergie-climat « dès cet été ».

« Entamer la planification écologique »

Outre une loi de programmation énergétique, le Nouveau Front populaire évoque plusieurs mesures urgentes pour « l’été des bifurcations », dont le « principe de règle verte » – défendu par LFI depuis plusieurs années et qui prévoit « de ne pas prendre à la nature plus que ce qu’elle ne peut reconstituer » – mais aussi la mise en place d’un plan climat visant la neutralité carbone en 2050, ce que promet déjà le gouvernement actuel. Dans son projet, le Nouveau Front populaire compte en revanche « faire de la France le leader européen des énergies marines avec l’éolien en mer et le développement des énergies hydroliennes » mais également renforcer la structuration des filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables. Des filières qui d’ailleurs s’inquiètent du grand flou lié à cette dissolution alors que de nombreuses décisions (décret, appel d’offres, stratégie…) étaient attendues ou espérées ce mois-ci. Il s’engage aussi à revenir sur la fusion contestée entre l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), initiée par Emmanuel Macron. Il promet aussi de « refuser la privatisation des barrages hydroélectriques ». Pour conserver la biodiversité, les partis de gauche promettent notamment de doubler et améliorer la protection des aires maritimes protégées et de rétablir les postes supprimés à l’Office national des forêts (ONF), à l’Office français de la biodiversité (OFB) et à Météo France. Ils s’engagent également à atteindre d’ici à 2027 « le très bon état écologique et chimique de tous les cours d’eau » et à mettre en place « des règles précises de partage de l’eau sur l’ensemble des activités ». Côté agriculture, le Nouveau Front populaire souhaite adopter un moratoire sur les méga-bassines dans les 15 premiers jours, alors que la loi d’orientation agricole, dont l’examen est actuellement suspendu au Parlement, prévoit au contraire d’accélérer la création de ces retenues d’eau à vocation agricole. Dès les premières semaines également, le mouvement veut engager des négociations visant à garantir « un prix plancher et rémunérateur aux agriculteurs » et « en taxant les superprofits des agro-industriels et de la grande distribution« . Le mouvement promet de « rétablir le plan Ecophyto » – la gauche considérant que dans son nouveau plan sur les produits phytosanitaires, le gouvernement a reculé sur la question des pesticides. Il veut notamment « interdire le glyphosate« , un herbicide très utilisé et décrié par les défenseurs de l’environnement, tout en accompagnant financièrement les agriculteurs.

Faire baisser la facture énergétique

Jamais la question de la facture énergétique n’a été aussi présente dans une campagne politique nationale. L’énergie, devenue à la lueur des crises le deuxième poste de dépenses des Français, préoccupe grandement. Depuis 2019, les prix de l’électricité ont bondi de plus de 50 % et ceux du gaz vont encore augmenter de 12 % en juillet, même si les causes sont davantage structurelles. En 2023, le cap du million d’interventions pour impayés a été franchi pour la première fois rappelait récemment le médiateur national de l’énergie, illustrant la difficulté à faire face. Dans son « contrat de législature« , le Nouveau Front populaire promet, dans une « grande loi pour le pouvoir d’achat, d’abolir la taxe Macron de 10 % sur les factures d’énergie, d’annuler la hausse programmée du prix du gaz au 1er juillet, de faire la gratuité des premiers kWh et d’abolir les coupures d’électricité, de chaleur et de gaz (hors trêve hivernale) ». Selon la coalition présidentielle Ensemble pour la République, le coût cumulé de la suppression de la taxe de 10 % sur les factures d’énergie et de l’annulation de la hausse de 12 % des prix du gaz au 1er juillet se chiffrerait à 13 milliards d’euros. De son côté, le Rassemblement national propose une baisse de la TVA de 20 % à 5,5 %. Une mesure qui serait également très impactante pour les finances publiques. Du côté d’Ensemble pour la République, le Premier ministre Gabriel Attal  a annoncé une baisse de 15 % sur le factures d’électricité au 1er juillet 2025, « entre 10 et 15 % » selon le ministre de l’économie Bruno Le Maire. Une baisse possible selon les experts du secteur car effectivement le prix du MWh sur les marchés à court terme se négocie déjà à la baisse par rapport aux années précédentes, même si plusieurs facteurs « volatils » demeurent : le niveau de prix à la sortie du système de l’Arenh  (31 décembre 2025), le niveau du Turpe actuellement en négociation et de fait l’évolution des prix sur le marché de gros. À noter que via son plan climat, le Nouveau Front populaire promet également d' »assurer l’isolation complète des logements, en renforçant les aides pour tous les ménages et garantissant leur prise en charge complète pour les ménages modestes« .

Le nucléaire, un sujet hautement clivant

À l’heure de l’unité, exit les sujets clivants comme le nucléaire dont il n’y aucune mention dans le programme ? Les composantes de cette union sont en désaccord (PS et PCF étant pro-nucléaires, Verts et LFI anti). « Nous ne sommes pas d’accord [sur ce sujet, NDLR], on ne va pas faire comme si on l’était« , a expliqué vendredi à la presse Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, après présentation du programme, expliquant qu’il y aurait « un débat à l’Assemblée nationale, et chacun défendra ses positions ».  « Sur le nucléaire, les écologistes vont rester écologistes, les communistes vont rester communistes et les socialistes vont rester socialistes« , a souligné sur BFMTV Marine Tondelier, cheffe de file d’EELV. Une évidence alors que le décalage durant les élections européennes sur le sujet du nucléaire était plus que visible entre un Léon Deffontaines, tête de liste PCF, qui n’avait eu de cesse de répéter que pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone fixé à 2050 par la Commission européenne le nucléaire était indispensable et qui souhaitait même aligner la fiscalité concernant le nucléaire sur celle des énergies renouvelables et une Marie Toussaint, tête de liste les écologistes, qui affirmait « ne pas vouloir fermer toutes les centrales nucléaires aujourd’hui« . « On s’est mis d’accord sur un programme de gouvernement pour 100 jours, on n’ouvre et on ne ferme pas de centrale nucléaire ni en 100 jours ni en deux ans », a-t-elle dit. « Parce que l’argent qu’on ne va pas mettre dans ces EPR, qui sont une faillite financière, peut être mis ailleurs, parce que quand on construit des éoliennes c’est moins cher et plus rapide et donc meilleur pour les finances publiques et pour résoudre plus vite la crise énergétique et climatique« . Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, interrogé sur l’absence du sujet des centrales nucléaires dans le programme, souligne de son côté que « ça veut dire que ça ne bouge pas. Elles vont continuer à tourner ».