Le paquet gazier et le règlement méthane officiellement publiés

Publié le 16/07/2024

7 min

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Le « paquet » gazier et le règlement sur les fuites de méthane ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le lundi 15 juillet. Ces textes particulièrement structurants pour la politique énergétique européenne dessinent le cadre réglementaire des prochaines années pour les marchés du gaz renouvelables et de l’hydrogène ainsi qu’une première législation européenne pour encadrer les fuites de méthane. 

Par Laura Icart 

 

Trois ans après le début des discussions où il y a eu beaucoup de désaccords notamment sur la question transverse du nucléaire, l’Union européenne dispose d’un nouveau cadre législatif (une directive et un règlement) pour adapter son marché du gaz aux objectifs et aux enjeux du « Fit for 55 ». Car en deux décennies et même si le cadre réglementaire avait été réactualisé en 2010, le marché du gaz s’est complètement transformé pour des raisons géopolitiques mais aussi et surtout pour des questions climatiques, avec de nouveaux enjeux : réduction de la consommation de gaz fossile, développement d’une production souveraine de gaz renouvelables et création d’un écosystème de production et de transport d’hydrogène renouvelable et bas carbone.

Adapter le marché gazier à la transition 

Après un accord au Parlement en mars 2023, le Conseil de l’UE a adopté le paquet gazier en décembre : des textes qui doivent favoriser la pénétration des gaz renouvelables et bas carbone dans le système énergétique, en particulier l’hydrogène et le biométhane. Le règlement mis à jour poussera l’infrastructure gazière naturelle existante à intégrer une part plus importante d’hydrogène et de gaz renouvelables grâce à des réductions tarifaires élevées. Il comprend des dispositions pour faciliter le mélange d’hydrogène avec du gaz naturel et des gaz renouvelables et une plus grande coopération de l’UE sur la qualité et le stockage du gaz. Les deux institutions ont convenu de pérenniser et d’étendre le mécanisme d’agrégation de la demande et d’achat groupé pour le gaz adopté pendant la crise énergétique, bien que la participation des entreprises gazières « est entièrement volontaire ». Les entreprises gazières établies dans les pays de la Communauté de l’énergie peuvent participer au mécanisme en tant qu’acheteurs. Le règlement comportera également des dispositions permettant aux États membres d’adopter des restrictions à la fourniture de gaz naturel, y compris de gaz naturel liquéfié (GNL), en provenance de Russie ou de la Biélorussie. Le mécanisme de solidarité qui a parfaitement fonctionné lors de l’hiver 2022-2023 sera établi par défaut « en cas de crise et en l’absence d’accords bilatéraux ». L’accord prévoit également « la mise en place d’un mécanisme de conciliation transfrontalier pour une révision a posteriori des compensations, la réduction volontaire de la consommation non essentielle par les clients protégés et des garanties pour les flux transfrontaliers ».

Un potentiel XXL pour le biométhane

Si Bruxelles fixe l’ambition de produire 35 milliards de m3 de biométhane par an dans l’UE d’ici à 2030, la filière estime qu’elle a le potentiel d’aller au-delà pour atteindre 44 milliards de m3 d’ici la fin de la décennie. En 2022, la production combinée de biogaz et de biométhane s’élevait à 223 TWh par an, soit environ 6 % de la consommation de gaz de l’Union européenne et « l’équivalent de la consommation totale de gaz naturel de la Pologne » indiquait l’EBA dans son dernier rapport publié en décembre. Cette nouvelle étude, qui fait suite à une première réalisée en juillet 2022 par le consortium Gas for Climate, qui évaluait jusqu’à 41 milliards de m3 de biométhane en 2030 et 151 milliards de m3 en 2050 disponibles dans l’UE, en Norvège, en Suisse et au Royaume-Uni, revoit donc ses ambitions et ses potentiels à la hausse, en ligne également avec l’annonce de la Commission européenne qui a indiqué en février vouloir baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 90 % d’ici à 2040.

Créer un écosystème hydrogène attractif

Le Conseil et le Parlement ont acté la création d’un mécanisme volontaire pour soutenir le développement du marché de l’hydrogène en tant que projet pilote pendant cinq ans dans le cadre de la Banque européenne de l’hydrogène. De manière plus générale, les députés ont notamment plaidé pour un renforcement des mesures financières pour investir dans les infrastructures d’hydrogène et de gaz renouvelables et réclamer la création d’incitations pour les producteurs et les consommateurs à passer au biométhane et à l’hydrogène vert et à faible teneur en carbone. Le Conseil et le Parlement se sont également mis d’accord sur les tarifs de réseau : les deux institutions ont convenu que, pour le marché de l’hydrogène, chaque autorité de régulation nationale doit consulter les autorités de régulation nationales voisines sur le projet de méthodologie tarifaire et le soumettre à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer). Chaque autorité de régulation nationale conservera le droit de fixer son propre tarif. En outre, à la demande d’une autorité de régulation nationale, l’Acer peut proposer des solutions au moyen d’un avis factuel non contraignant.

Une législation sur le méthane inédite

Après un accord trouvé en novembre, l’Union européenne devient le premier continent à encadrer plus strictement les règles visant à réduire les émissions de méthane du secteur de l’énergie sur son sol mais aussi sur ses importations, contribuant ainsi à l’objectif de diminuer ses émissions de méthane de 30 % d’ici 2030 et à la lutte globale contre le réchauffement climatique. L’Union européenne a élaboré un dispositif plus strict de surveillance et d’obligation de contrôles avec des temporalités plus courtes. Ce règlement va par exemple imposer aux exploitants de faire « régulièrement » rapport aux autorités compétentes sur la quantification et la mesure des émissions de méthane au niveau de la source, y compris pour les actifs non exploités. Il va également obliger les compagnies pétrolières et gazières à effectuer des contrôles réguliers sur leurs équipements afin de détecter et de réparer les fuites de méthane sur le territoire de l’Union. Les campagnes de détection et de réparation des fuites devront être réalisées « très régulièrement », tous les deux à quatre mois pour les composants aériens et tous les cinq mois pour les composants souterrains. Les procédés de mise à l’évent et de torchage sont considérablement « restreints » : la mise à l’évent n’étant autorisée qu’en cas d’impossibilité d’opérer un brûlage et le brûlage n’étant autorisé que s’il est impossible de réinjecter le gaz dans le réseau. Une veille des émissions élargie au monde entier. « L’Europe importe plus de 80 % des combustibles fossiles qu’elle brûle, il est essentiel d’étendre le champ d’application aux importations énergétiques » estimait le Parlement l’année dernière. Plusieurs outils de surveillance à l’échelle mondiale seront mis à disposition des États pour renforcer la transparence des émissions de méthane importées. L’UE mettra également en place à partir du 1er janvier 2027 un outil mondial de surveillance des émetteurs de méthane (via notamment des satellites privés et un partenariat avec le programme Copernicus) et un mécanisme d’alerte rapide pour les événements super émetteurs.