Le projet de loi sur l’industrie verte débattu à l’Assemblée

Publié le 16/07/2023

6 min

Publié le 16/07/2023

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Ouvertures d’usines accélérées, réhabilitation des friches, création d’un plan d’épargne avenir climat pour les jeunes, commande publique fléchée vers les entreprises vertueuses sont parmi les principales mesures qui figurent dans le projet de loi sur l’industrie verte, qui vise à accélérer une réindustrialisation décarbonée du pays, et doit être examiné à partir du 17 juillet en première lecture par l’Assemblée nationale, après sa large adoption au Sénat.

Par la rédaction avec, AFP

 

Ce texte « constitue un véritable tournant pour notre économie », a plaidé le ministre de l’Industrie Roland Lescure devant la commission spéciale qui l’a examiné à l’Assemblée, avant son arrivée dans l’hémicycle. Le gouvernement, qui a fait de la reconquête industrielle une bataille prioritaire après la crise des retraites, met notamment sur la table un raccourcissement des délais d’autorisation d’implantation et de nouveaux outils pour attirer l’épargne privée. L’objectif affiché par le gouvernement est clair : recréer un tissu industriel sinistré dans notre pays, notamment en favorisant l’emploi et tout en orientant le secteur vers une production décarbonée et durable.

Réindustrialiser 

Refaire de la France une grande nation industrielle à l’heure de l’urgence climatique – en 1973 l’industrie représentait 22 % de la richesse nationale contre à peine 11 % aujourd’hui – constitue un véritable « défi en forme de nécessité » estimait le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en avril lors de la présentation du projet de loi. C’est aussi une ambition politique pour inverser « un demi-siècle de désindustrialisation » où « nous avons divisé par deux la production industrielle en France. Nous avons détruit 2,5 millions d’emplois industriels (…), fermé des milliers d’usines. Nous avons divorcé avec la France des trains, des forges, des fusées, de l’automobile, de l’électroménager, du textile, de l’innovation, de la production et de la science » rappelle-t-il, lui qui n’hésite pas à parler de « plus grand scandale économique depuis 50 ans ». Si le secteur de l’industrie affiche des émissions en baisse depuis près d’une décennie, il représente toujours aujourd’hui 18 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre nationales. Dans les cibles sectorielles de décarbonation présentées en mai, l’industrie doit réduire ses émissions de 72 MtCO2 d’émissions en 2022 à 45 MtCO2 en 2030.

Accélérer, financer, décarboner 

Le projet de loi fixe l’objectif de diviser par deux le délai moyen pour obtenir une autorisation d’ouverture d’usine, aujourd’hui estimé à 17 mois. L’objectif est d’encourager des projets comme ceux du « big five » – éolien, photovoltaïque, pompes à chaleur, batteries, hydrogène décarboné. Pour quelques projets « d’intérêt national majeur« , désignés par décret, une procédure d’exception est prévue, donnant la main à l’État. Faciliter l’implantation de sites industriels, c’est l’un des axes forts de ce projet de loi qui prévoit plusieurs dispositions visant à améliorer et accélérer les procédures et les dépollutions, comme par exemple une planification du foncier industriel instaurée à l’échelle régionale sous la forme d’un objectif en matière de développement des activités industrielles, qui sera intégrée dans les régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ou une procédure visant à réhabiliter plus rapidement des friches industrielles. Outre ce projet de loi, la Banque des territoires avait annoncé qu’elle allait investir un milliard d’euros entre 2023 et 2027 pour créer 50 sites clés en main pré-aménagés, en dépolluant des friches industrielles. Pour accélérer l’implantation d’usines et atteindre l’objectif de diviser par deux les délais de délivrance des autorisations, de 17 mois aujourd’hui à 9 mois demain, la procédure d’autorisation environnementale est simplifiée. Une procédure exceptionnelle est créée pour les projets industriels d’intérêt national majeur et le recyclage des déchets industriels, comme la réutilisation des résidus de production est « simplifiée ». Pour financer les projets industriels « plus verts », le gouvernement n’a eu de cesse de le répéter : il faut mobiliser l’épargne privée plutôt que sur l’argent public. Avec entre autres un nouveau produit pour les moins de 18 ans, le plan épargne avenir climat, dont l’exécutif attend un milliard d’euros de collecte pour l’industrie verte. Son plafond sera aligné sur celui du livret A, autour de 23 000 euros. Un label serait par ailleurs créé pour donner à des entreprises vertueuses un accès privilégié à la commande publique. Un dispositif financier incitatif qui sera complété dans le projet de loi de finances 2024 par un crédit d’impôt « investissement industries vertes » pour attirer les investissements vers l’éolien, le photovoltaïque, les batteries et les pompes à chaleur.

Que s’est-il passé au Sénat ?

Au Sénat, à majorité de droite, le texte avait été remanié en première lecture pour associer davantage les collectivités à toutes les étapes de la procédure d’installation des projets industriels d’intérêt national majeur, comme les gigafactories. Elles auront notamment la main pour établir un « avis conforme » pour les documents d’urbanisme. À noter que les sénateurs ont également souhaité que ces projets d’intérêt majeur puissent être décrétés par les régions et pas seulement le gouvernement. Mais, inquiets de voir les procédures ralenties, le gouvernement et les députés du camp présidentiel ont rectifié le tir par des amendements en commission. Malgré l’opposition du camp présidentiel, une autre disposition introduite au Sénat a en revanche été maintenue : elle impose à l’État d’élaborer une « stratégie nationale » pour l’industrie verte jusqu’à 2030, qui devra déterminer « les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national« . À noter que les sénateurs ont, par ailleurs, exclu du décompte du zéro artificialisation nette (ZAN) des collectivités locales d’implantation, y compris les régions, les nouvelles installations industrielles, qui concourent « à la transition écologique ou à la souveraine nationale ».

Près de 1 600 amendements ont été déposés pour l’examen dans l’hémicycle, qui pourra se prolonger jusqu’au 23 juillet, avant la pause estivale des députés. « Il y a des mesures qui vont plutôt dans le bon sens« , estime la députée LR Virginie Duby-Muller. Mais son groupe reproche notamment au projet de loi de se focaliser sur le « big five » en négligeant d’autres pans de l’industrie et de ne « pas aborder la question des importations« . Le Rassemblement national raille de son côté un « saupoudrage de mesurettes »  et la gauche, un manque d’ambition. L’objectif est d' »attirer les investissements étrangers en échange de cadeaux fiscaux, voire de réduction de la vigilance environnementale« , tacle le socialiste Gérard Leseul.