Le secteur européen du biométhane devrait bénéficier de près 27 milliards d’euros d’investissements privés d’ici 2030, selon une analyse de l’Association européenne du biogaz (EBA) publiée le 24 juin. Des investissements « massifs » qui augmenteront de près de 6,3 milliards de mètres cubes la capacité productive en biométhane de l’Europe d’ici la fin de la décennie.

Par Laura Icart

Dans la deuxième édition de son étude « Biomethane Investments Outlook » consacrée aux investissements dans le biométhane afin de prévoir la croissance du secteur et de mieux identifier les tendances, les moteurs et les lacunes du marché, l’Association  européenne du biogaz estime que le secteur devrait bénéficier de 27 milliards d’euros d’investissement d’ici 2030, soit une augmentation de près de 9 milliards par rapport à l’année précédente, signe que le secteur s’avère particulièrement « dynamique ».

Biométhane : une production et un potentiel en hausse

En 2022, la production combinée de biogaz et de biométhane s’élevait à 223 TWh par an, soit environ 6 % de la consommation de gaz de l’Union européenne et « l’équivalent de la consommation totale de gaz naturel de la Pologne » indiquait l’EBA dans son dernier rapport publié en décembre – et environ 44 TWh pour la production seule de biométhane. Actuellement la capacité installé  permet de contribuer à éviter « près de 29 millions de tonnes d’émissions de CO₂ chaque année » et à fournir de l’énergie renouvelable à « 5 millions de ménages européens ». Une production qui permettrait également de produire « 830 000 tonnes d’engrais chaque année ». En avril, une étude de Guidehouse pour le compte de l’EBA montrait que jusqu’à 45 milliards de m³ de biométhane pourraient être produits en Europe en 2030, soit bien au-delà de l’ambition de produire 35 milliards de m³ de biométhane par an dans l’UE fixée par Bruxelles. Ces investissements devraient permettre d’augmenter la capacité totale de 6,9 milliards de m³ de biométhane par an, dont 6,3 milliards de m³ en Europe d’ici à 2030, estime l’EBA. 

Plus de 24 milliards investis d’ici 2030

Environ « 24,5 milliards seront investis en Europe d’ici à 2030, note l’EBA, dont 10,5 milliards pour la période 2024-2026 et 14,0 milliards pour la période 2027-2030 ». Le restant sera investis en dehors de l’Europe mais permettra « d’optimiser la production européenne » précise l’association. Si la France (22 milliards de m³ par an) comme l’Allemagne (22 milliards de m³ par an) et l’Espagne (20 milliards de m³ par an) figurent parmi les pays ayant le plus grand potentiel de production de biométhane en 2050, ce ne sont pas là que les volumes d’investissements seront les plus élevés d’ici la fin de la décennie. En effet, selon l’étude de l’EBA, c’est au Danemark (3,6 milliards d’euros), en Pologne (3,4 milliards d’euros), en Italie (2,4 milliards d’euros) et au Royaume-Uni (2,3 milliards d’euros) que les principaux investissements dans le secteur auront lieu. La France (1,9 milliard d’euros), l’Espagne (1,5 milliard d’euros), les Pays-Bas (1,3 milliard d’euros) et la Norvège (1,1 milliard d’euros) complètent le tableau. Au Danemark, la part du biométhane dans le réseau de gaz avoisine déjà les 40 % et le pays vise 100 % en 2030. En France, la filière estime qu’elle est en capacité d’atteindre 20 % de gaz vert dans la consommation nationale en 2030.

Un millier de nouvelles unités attendes

« Plus de 950 usines de biométhane devraient entrer en service au cours des cinq prochaines années » indiquent les 26 industriels ayant participé à l’étude. Ces nouvelles installations représenteront la majorité (78 %) du volume d’investissements prévus d’ici la fin de la décennie. « Les investissements sont essentiels pour libérer pleinement le potentiel de production de biométhane, en rationalisant le développement de nouvelles usines à travers l’Europe, la décarbonisation de l’infrastructure gazière existante et l’intégration de technologies innovantes » rappelle l’association européenne. Autre atout de la filière pas suffisamment valorisé selon elle : les nombreux avantages environnementaux, économiques et sociaux du biogaz et du biométhane. La valeur économique supplémentaire du biogaz produit par méthanisation serait de 175 euros le MWh selon l’EBA, quand la valeur économique supplémentaire du biogaz produit par gazéification serait de 162 euros le MWh si toutes les externalités positives avaient une valeur monétaire.

Le biométhane peut répondre aux deux tiers de la demande en gaz de l’Europe prévue pour 2050. La croissance de la production durable de biométhane en Europe au cours des prochaines décennies peut réduire considérablement la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz naturel. Selon la Commission européenne, les dépenses estimées de l’UE pour les importations de gaz en 2022 s’élevaient à 316 milliards d’euros. Cela représente une augmentation de près de 150 % par rapport à 2021. Investir dans ce secteur est un gage « de souveraineté énergétique et économique » rappelle la filière européenne du biométhane.