Le volume des poubelles françaises baisse « trop lentement »

Publié le 29/09/2022

5 min

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Le volume d’ordures ménagères baisse trop lentement pour atteindre les objectifs environnementaux, a averti le 27 septembre la Cour des comptes, critiquant un recyclage du plastique « à la traîne » comparé aux voisins européens, un pilotage public « insuffisant » et des données « défaillantes« .

Par la rédaction, avec AFP

 

De 582 kg par habitant en 2019 et quasi stable au-dessus de la moyenne européenne sur la dernière décennie, la France vise à réduire la production d’ordures à 501 kg d’ici 2030 – une baisse de 15 % en 20 ans qui ne sera atteinte « qu’au prix d’une accélération forte de la tendance actuelle« , avertit la Cour. Pour rappel, les déchets ménagers et assimilés (DMA) sont produits à hauteur de 80 % par les ménages et de 20 % par les petites entreprises et les commerces, puis collectés en porte à porte ou en point d’apport volontaire (PAV) et en déchèteries.

Des progrès « à tous les échelons »

Du progrès reste à faire « tant sur la prévention, sur le tri sélectif que sur le traitement« , alors que 80 % des 249 kg par habitant d’ordures ménagères résiduelles (OMR) pourraient faire l’objet d’une valorisation adaptée à leur nature si elles étaient triées par les usagers et orientées vers leurs filières de traitement spécifiques, en particulier les déchets organiques et ceux relevant d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP). La généralisation de la « poubelle jaune » (déchets plastiques), prévue pour fin 2022, n’atteignait que 62 % sur le territoire fin 2021. Prévu à partir de 2024 et actuellement « expérimenté avec succès dans plusieurs territoires« , le tri des biodéchets – un tiers des ordures non recyclées – est « un enjeu majeur« . Le taux de recyclage des déchets municipaux a atteint 44 % en 2018, légèrement sous la moyenne européenne (47 %), alors que l’objectif de 55 % était fixé pour 2020, et loin des 67 % en Allemagne. Selon Eurostat, chaque Européen a produit en moyenne 502 kg de déchets municipaux en 2019, soit 1,2 kg par jour. Si le recyclage et la valorisation énergétique ont progressé, plus de 50 % de nos ordures sont mises en décharge ou incinérées sans valorisation, avec de grandes disparités entre les États européens. 

Le tri et la valorisation des biodéchets : un enjeu majeur

D’ici le 1er janvier 2024, les collectivités devront être en mesure de proposer une solution de tri à la source de leurs biodéchets afin qu’ils soient valorisés soit par compostage, soit par méthanisation. Selon l’Agence de la transition écologique, les biodéchets représentent encore un tiers de nos poubelles grises. Avec cette généralisation, de nombreux défis nous attendent : réduire l’impact environnemental des biodéchets et leurs coûts de gestion, favoriser leur valorisation et un retour au sol de qualité et accompagner les Français dans l’évolution de leurs comportements. Pour la Cour des comptes, c’est un enjeu majeur pour limiter leurs coûts de traitement et utiliser leur capacité de valorisation. Pour les territoires fortement urbanisés avec une prédominance d’habitat collectif, la collecte séparée, malgré ses difficultés de mise en place et son coût, et le compostage partagé sont généralement considérés à ce stade comme des solutions pertinentes.  Objectif : réduire la fréquence des collectes d’OMR.

Élargir la tarification incitative

Parmi les différents leviers recommandés, l’élargissement de la tarification incitative, qui prévoit que les ménages payent les frais du ramassage non plus en fonction de la valeur de leur logement mais du volume d’ordures produites. Cette fiscalité « a montré son efficacité dans la réduction des tonnages collectées et des coûts de gestion, en France comme à l’étranger » mais n’a été mise en place que pour seulement 6 millions de personnes aujourd’hui, n’atteignant pas l’objectif de 15 millions en 2020. L’État devrait financer 80 % du coût de sa mise en place par les collectivités locales, préconise la Cour. Et là où le tourisme génère un surplus de déchets, une « surtaxe à la taxe de séjour » pourrait financer la prévention et la gestion des ordures, selon le principe du « pollueur payeur ».

12 % des déchets produits, 61 % des dépenses

Au total, les déchets ménagers représentent 12 % des déchets produits en France, mais mobilisent 61,5 % des dépenses, soit près de 16 milliards d’euros en raison des vastes besoins de collecte et de traitement. De plus, ces dépenses augmentent de manière continue , en hausse de 4,3 % par an au cours des 20 dernières années indiquent les Sages dans leur rapport. Elles sont financées par la fiscalité ou la tarification locale (81,5 %), par les filières à responsabilité élargie des producteurs (10 %) et, plus marginalement, par la vente des produits du traitement et par des subventions de l’État (Ademe). Trop peu d’argent est toutefois alloué à la prévention, regrette la Cour.

« Un dispositif de suivi défaillant« 

La haute juridiction relève également « un dispositif de suivi défaillant » avec des indicateurs « à la fois trop nombreux et publiés trop tardivement » à partir de « données locales incomplètes« . Elle recommande la mise en place d’un « tableau de bord » avec six chiffres clés publiés chaque année.

Crédit : Hadrian / Shutterstock.com.