Les Vingt-Sept se sont engagés à réduire la demande de gaz de 15 %

"Nous ne voulons pas que l'Europe soit pris en charge par la Russie qui utiliser le gaz comme une arme de guerre" a déclaré Jozef Síkela, ministre Tchèque de l'industrie et du commerce.

Publié le 26/07/2022

7 min

Publié le 26/07/2022

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Les États membres ont conclu le 26 juillet lors du conseil extraordinaire sur l’énergie un accord politique sur une réduction volontaire de la demande de gaz naturel de 15 % cet hiver. Le règlement du conseil prévoit également la possibilité de déclencher une « alerte de l’Union » sur la sécurité de l’approvisionnement, auquel cas la réduction de la demande de gaz deviendrait obligatoire pour les Vingt-Sept. Cependant plusieurs dérogations et cas particuliers ont été intégrés pour tenir compte des spécificités nationales, rendant cet accord « plus pragmatique » et plus « réaliste » pour l’ensemble des États, à l’exception de la Hongrie qui a déjà exprimé son insatisfaction en parlant d’une mesure « inapplicable ».

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Aujourd’hui, « l’UE a pris une mesure décisive pour faire face à la menace d’une interruption totale des livraisons de gaz par Poutine » s’est félicitée la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, soulignant un engagement « collectif très important » pour sécuriser l’approvisionnement européen l’hiver prochain. « L’UE est unie et solidaire. La décision d’aujourd’hui a clairement montré que les États membres s’opposeront à toute tentative de la Russie de diviser l’UE en utilisant l’approvisionnement énergétique comme une arme » a ajouté Jozef Síkela, ministre tchèque de l’Industrie et du commerce dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne. « Les négociations ont été difficiles mais nous envoyons un signal fort à la Russie » a ajouté le ministre tchèque lors d’une conférence de presse. Une réunion qui a eu lieu alors que Moscou vient d’annoncer qu’elle ne livrera plus que 20 % des capacités quotidiennes du gazoduc Nord Stream, soit environ 33 millions de mètres cubes. Gazprom livrait jusque-là l’équivalent de 40 % des capacités quotidiennes du gazoduc. Hier, après l’annonce du Kremlin, le prix du  mégawattheure de gaz est passé à 190 euros, contre 152 quelques heures avant. Il pourrait encore grimper demain.

Un accord de solidarité et d’unité

« L’UE a jeté les bases solides d’une solidarité indispensable entre les États membres face au chantage énergétique de Poutine » a déclaré Ursula von der Leyen. C’est un plan « pragmatique qui s’adapte à la réalité de chaque État membre et qui illustre l’unité et la solidarité européenne face à la menace russe » a souligné de son côté sur Twitter la ministre de la Transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher.

Les États membres ont accepté de « faire tout leur possible » pour réduire leur demande de gaz de 15 % par rapport à leur consommation moyenne des cinq dernières années sur la même période, entre le 1er août 2022 et le 31 mars 2023, avec des mesures de leur choix. Cette mesure n’est pas obligatoire mais elle pourra le devenir en cas de « risque de grave pénurie », pour les Vingt-Sept. Ce dispositif vise avant tout à mutualiser l’effort en cas d’urgence pour aider notamment l’Allemagne, particulièrement dépendante du gaz russe. Un choc majeur sur la première économie européenne et notamment sur son secteur industriel se répercuterait immanquablement sur l’ensemble des Vingt-Sept.

Plus de marge de manœuvre pour tenir compte des contextes nationaux

La proposition initiale de la Commission ne tenait pas compte des spécificités régionales des États membres et de leur mix énergétique. L’accord trouvé aujourd’hui précise les exceptions et les possibilités de dérogations qu’ils pourront obtenir vis-à-vis de l’objectif de réduction obligatoire. Il fallait trouver un « juste » équilibre et un compromis « ambitieux », des dérogations « limitées et ciblées » ont été intégrées au texte, a précisé la commissaire européenne à l’énergie Kadri Simson. Le Conseil a convenu que les États membres qui ne sont pas interconnectés aux réseaux de gaz d’autres États membres sont exemptés des réductions obligatoires de gaz, car ils ne seraient pas en mesure de libérer des volumes importants de gaz par gazoduc au profit d’autres États membres. Les États membres dont les réseaux électriques ne sont pas synchronisés avec le système électrique européen et qui sont fortement dépendants du gaz pour la production d’électricité sont également exemptés, afin d’éviter le risque d’une crise d’approvisionnement en électricité. Les États membres peuvent demander une dérogation pour adapter leurs obligations en matière de réduction de la demande s’ils disposent d’interconnexions limitées avec d’autres États membres et s’ils peuvent démontrer que leurs capacités d’exportation par interconnexion ou leurs infrastructures nationales de GNL sont utilisées au maximum pour rediriger le gaz vers d’autres États membres. Les États membres peuvent également demander une dérogation s’ils ont dépassé leurs objectifs de remplissage des réservoirs de gaz, à savoir 80 % pour cette année, s’ils sont fortement dépendants du gaz comme matière première pour les industries critiques ou si leur consommation de gaz a augmenté d’au moins 8 % au cours de l’année écoulée par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Plusieurs groupes de pays se dessinent déjà selon la CE : les pays baltes, les pays insulaires ou les pays qui ont déjà atteint des niveaux de remplissage dépassant les 80 %, c’est le cas notamment de la Pologne.

Quelles mesures en cas d’une « alerte de l’Union » ?

Les États membres ont accepté de renforcer le rôle du conseil dans le déclenchement d’une « alerte de l’Union ». L’alerte serait activée par une décision d’exécution du conseil, sur proposition de la Commission. La Commission présentera une proposition visant à la déclencher en cas de risque important de pénurie grave de gaz ou de demande de gaz exceptionnellement élevée, ou si cinq États membres ou plus ayant déclaré une alerte au niveau national demandent à la Commission de le faire. Cette mesure deviendra contraignante si elle est adoptée à la majorité qualifiée, précise Jozef Síkela. Les États membres ont convenu qu’ils devaient donner la priorité aux mesures qui n’affectent pas les clients les plus fragiles ou essentiels tels que les ménages et les services essentiels au fonctionnement de la société comme les entités critiques, les soins de santé et la défense. Les mesures possibles comprennent la réduction du gaz consommé dans le secteur de l’électricité, des mesures visant à encourager le changement de combustible dans l’industrie, des campagnes nationales de sensibilisation, des obligations ciblées pour réduire le chauffage et la climatisation et des mesures basées sur le marché telles que la mise aux enchères entre les entreprises.

Aller vers une sobriété choisie

« La réduction de la demande nous permettra de passer l’hiver en tout sécurité malgré les dérogations » a déclaré Kadri Simson qui a souligné l’objectif « réaliste » des 15 %, « compte tenu de nos consommations depuis le mois de mars », précisant au passage que la Commission prévoit en cas de perturbation importante des approvisionnements « un écart de 30 BCM à combler, voire de 35 BCM si l’hiver est rude ». La Commission insiste sur le fait que cette mesure, l’amélioration des plans d’urgence nationaux, le plan REPowerUE et l’efficacité énergétique seront des piliers pour réduire la dépendance européenne au gaz russe et parvenir à faire sans.

Le règlement est « une mesure exceptionnelle et extraordinaire », prévue pour une durée limitée. Il s’appliquera donc pendant un an et la Commission procédera à un réexamen pour envisager sa prolongation à la lumière de la situation générale de l’approvisionnement en gaz de l’UE, d’ici mai 2023.

Crédit : Shutterstock.