L’Europe a « des solutions pour devenir indépendante du gaz russe », affirme Bruno Le Maire

Publié le 08/03/2022

5 min

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L’Europe a « des solutions pour devenir indépendante du gaz russe », a affirmé mardi 8 mars le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, ajoutant souhaiter les « accélérer » pour être en mesure de « relever le défi de l’hiver 2022-2023« . Il a également confirmé la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année 2022 et évoqué plusieurs solutions européennes à l’étude avec des décisions importantes qui devraient être annoncées à l’issue du sommet européen informel de jeudi et vendredi à Versailles.

Par la rédaction, avec AFP

 

En déplacement à Port-Jérôme en Seine-Maritime pour annoncer un soutien de l’État à hauteur de 200 millions d’euros à Air liquide pour financer son projet d’électrolyseur en Normandie, premier jalon d’une filière hydrogène destinée à alimenter le bassin industriel autour du Havre, le ministre de l’Économie est revenu sur les mesures qui pourraient êtres mises en place par la France et l’Europe pour faire face au « choc gazier » lié au conflit russo-ukrainien et ses conséquences sur l’économie du continent.

40 % de gaz en provenance de Russie

Selon Eurostat, l’UE a importé plus de 60 % de ses besoins énergétiques en 2019 (57 % en 2020). En 2019, 27 % de ses importations de pétrole et 41% de ses importations de gaz naturel provenaient de Russie. Si la France n’importe « que » 17 % de son gaz de Russie, l’Allemagne est dépendante à plus de 66 %, quand l’Italie importe 45 % de son gaz. Et si la situation varie fortement d’un État à l’autre, le ministre a souligné le besoin « de solutions collectives européennes » sur ce sujet.

Cinq pistes pour faire face au « choc gazier »

« Le choc gazier que nous subissons est comparable au choc pétrolier de 1973, par la hausse brutale des prix du gaz et les conséquences qu’elle engendre », avait déclaré Bruno Le Maire fin janvier lors d’un échange avec la presse. Depuis, le contexte géopolitique et la guerre en Ukraine fait craindre à l’Europe une volatilité des prix inédite alors que le prix du gaz (le TTF néerlandais) a atteint un nouveau record le 7 mars, à 345 euros le mégawattheure. Parmi les solutions évoquées, M. Le Maire a estimé qu’il fallait « accélérer le stockage de gaz dès cet été, à 90 % de remplissage et de stockage pour faire face à l’hiver 2022″. « Ce n’est pas maintenant, le défi. Le défi est celui de l’hiver 2022-23 » a-t-il affirmé. « Deuxième possibilité : des achats groupés, en commun, pour faire bloc et obtenir des tarifs moins élevés. Troisième chose : essayer de diversifier les approvisionnements » auprès d’autres producteurs. Quatrième piste évoquée : l’amélioration du fonctionnement des terminaux de GNL, dont sept sont présents en Espagne, quatre en France et « malheureusement » aucun en Allemagne. « On peut améliorer le fonctionnement des terminaux pour qu’ils aient un meilleur rendement« , a estimé M. Le Maire, indiquant avoir « regardé » cela avec les dirigeants du groupe Engie. À noter que l’Allemagne, qui cherche à diversifier ses approvisionnements, vient de relancer le projet de construire deux terminaux de regazéification. Il s’agit de « faire évoluer les méthodes d’exploitation de ces terminaux gaziers pour augmenter leur productivité« , afin d’arriver à gagner « 5, 10, 15 % d’efficacité opérationnelle et de capacité d’import sur ces terminaux« , a détaillé une source gouvernementale. Et cela « le plus tôt possible : c’est une question de semaines vraisemblablement« , a-t-on précisé dans l’entourage de M. Le Maire et de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

Le biogaz pourrait représenter 20 % de la consommation européenne en 2030

Face au choc gazier, le ministre de l’Économie a évoqué une dernière piste : celle de la biomasse et du biogaz. « Des solutions alternatives produites en France, qui permettront de devenir indépendants du gaz russe. » En France, la filière des gaz renouvelables affiche de fortes ambitions puisqu’elle estime que la maturité des technologies (méthanisation, pyrogazéification, méthanation, gazéification hydrothermale) serait en mesure de produire entre 10 et 20 % de notre consommation actuelle de gaz. Selon le PDG de l’Association européenne du biogaz (l’EBA), le « secteur est prêt à fournir 35 milliards de mètres cube d’ici 2030 », ce qui représenterait « plus de 20 % des importations européennes actuelles de gaz provenant de Russie« . En 2020, 18 milliards de mètres cubes d’énergie ont été produits via la production combinée de biogaz et de biométhane. « D’ici 2050, ce potentiel peut tripler, dépassant largement les 100 milliards de mètres cubes et couvrant 30 à 50 % de la future demande en gaz de l’UE », a-t-il ajouté. Pour y parvenir, l’EBA demande l’inclusion de cet objectif dans la refonte de la directive sur les énergies renouvelables (REDIII), 

Bruno Le Maire a par ailleurs confirmé que son ministère était en train de faire une revue des consommateurs de gaz, industriels ou non. « Je proposerai un certain nombre de mesures de soutien » pour les gros consommateurs a-t-il dit en évoquant notamment le cas des producteurs de sucre qui utilisent le gaz.

Crédit : Shutterstock.