« L’heure n’est pas au doute » pour le déploiement de l’hydrogène

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Publié le 31/07/2024

6 min

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Dans une tribune publiée le 24 juillet, la filière hydrogène appelle l’État à poursuivre les efforts engagés pour construire une filière française « forte ». Face au « scepticisme ambiant » et à un climat d’austérité budgétaire, les acteurs de la filière alertent sur l’importance de maintenir une ambition haute pour l’hydrogène, « à ne pas renoncer » alors que la France a été l’un des premiers pays au monde à se doter d’une stratégie de déploiement de l’hydrogène.

Par Laura Icart

 

« Le temps de la transition énergétique et celui de l’industrie sont des temps longs » rappellent les 140 signataires de cette tribune composés d’industriels, d’équipementiers, de fédérations professionnelles et de collectivités. « L’hydrogène est la seule alternative pour décarboner des secteurs pour lesquels l’électrification directe n’est pas envisageable » ajoutent-ils. Dans un climat politique compliqué, avec une Assemblée nationale plus divisée que jamais et un gouvernement démissionnaire, les acteurs de l’hydrogène ont besoin de davantage de visibilité et que l’État tienne ses engagements pour permettre à la filière française de prendre son envol dans un contexte européen et international hautement compétitif. « L’heure n’est pas au doute » souligne à Gaz d’aujourd’hui Philippe Boucly, président de France Hydrogène qui s’inquiète d’un certain nombre de signaux négatifs depuis le début de l’année : une réactualisation de la stratégie hydrogène toujours en attente, une place moindre donnée au développement de la mobilité lourde et intensive hydrogène «  pourtant essentiel » et un cadre réglementaire qui manque toujours de « clarté et de stabilité », ne facilitant pas les décisions finales d’investissement.

L’hydrogène « n’est pas un choix isolé »

Allemagne, Chili, Namibie, Arabie saoudite, Canada, Maroc, États-Unis, Chine… Plus de 70 pays dans le monde ont adopté une stratégie hydrogène. Si elles affichent beaucoup de différences d’un pays à l’autre, qu’il s’agisse de production in situ, d’importations, d’exportations, de moyens alloués, des types d’hydrogène privilégiés, tous ces pays misent sur l’hydrogène renouvelable et bas carbone comme principal vecteur de décarbonation de leurs systèmes énergétiques et industriels. « Nous n’avons pas de temps à perdre » rappelle Philippe Boucly alors que la France a été l’un des premiers pays à se doter en 2020 d’une ambitieuse stratégie hydrogène et qu’elle compte de nombreuses pépites industrielles et une recherche académique de premier plan en la matière. « Certains pays ont pris plus tard le train de l’hydrogène mais vont aujourd’hui beaucoup plus vite » précise-t-il. « La construction d’une industrie française de l’hydrogène robuste renforce la souveraineté énergétique et industrielle de la France et de l’Europe. Développer un marché français de l’hydrogène, c’est aussi s’assurer une place sur les futurs marchés mondiaux » écrivent les signataires.

Ne pas renoncer

En France, on produit aujourd’hui de l’hydrogène renouvelable et bas carbone grâce à des unités de petite puissance (1 à 5 MW) principalement destinées à la mobilité. Une production « modeste » mais « cruciale » rappellent les signataires. Les prochaines années verront l’émergence de projets de plus grande envergure, à la fin de l’année en Occitanie puis à partir de 2026 avec des installations « de centaines de MW en Normandie, en région Sud ou encore en Hauts-de-France pour la décarbonation d’industries telles que la production d’engrais, d’acier ou le raffinage de carburants ». Ne pas accélérer aujourd’hui, ce serait acter « une forme de renoncement particulièrement préjudiciable pour les acteurs français de l’hydrogène pleinement mobilisés depuis quatre ans pour bâtir un écosystème souverain et décarboné » souligne Philippe Boucly, alors que plusieurs usines de fabrication d’électrolyseurs, de piles à combustibles ou de réservoirs ont ouvert en 2023 et début 2024, comme Genvia à Béziers ou McPhy à Belfort, Symbio à Saint-Fons ou Forvia dans le Doubs.

Concrétiser les engagements

Outre le fait que le gouvernement n’a toujours pas publié une stratégie hydrogène réactualisée et que les grandes lignes publiées en décembre laissaient présager une ambition moindre dans le secteur de la mobilité, plusieurs annonces structurantes restent en attente. Notamment le lancement de la premier tranche du mécanisme de soutien, doté d’une enveloppe de 4 milliards d’euros annoncée en septembre dernier et devant permettre à des entreprises via un appel d’offres de pouvoir être subventionnées pour leur production d’hydrogène renouvelable et bas carbone et réduire l’écart de coût avec l’hydrogène fossile. Ces derniers seront étalés sur plusieurs tranches : 150 MW cette année, 200 MW en 2025 et 600 MW en 2026, soit un potentiel global de 1 000 MW. La filière espérait que le décret fixant la première tranche (150 MW) soit publié dès le début de l’année, ce qui n’est toujours pas le cas aujourd’hui. « C’est pourtant un levier essentiel » insiste Philippe Boucly dans le processus d’industrialisation. Autre publication en attente : les lauréats de l’appel d’offres de l’Ademe d’un montant de 125 millions d’euros où une vingtaine de projets auraient été sélectionnés.

« Pour que les industriels de la filière fassent leurs preuves, le gouvernement doit mettre rapidement en place les conditions de départ favorables promises. Le mouvement est enclenché. L’heure n’est pas au doute mais à la concrétisation des efforts engagés » concluent les signataires, espérant tous que l’austérité budgétaire annoncée ne se fera pas au détriment de l’hydrogène.