L’OMI adopte un cadre historique pour réduire les émissions de GES dans le secteur maritime

Le "Cadre de l'OMI afférent à la réduction à zéro des émissions nettes de l'OMI" adopté le 11 avril est le premier au monde à combiner des limites d'émissions obligatoires et une tarification des GES pour l'ensemble d'un secteur d'activité.  ©Shutterstock

Publié le 12/04/2025

6 min

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L’Organisation maritime internationale (OMI) a franchi une étape majeure le 11 avril pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur maritime en adoptant un cadre juridiquement contraignant. Ce cadre, qui combine des limites d’émissions obligatoires et un mécanisme de tarification des émissions, vise à atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050. C’est un tournant  clé pour un secteur clé de l’économie mondiale, responsable de près de 3 % des émissions mondiales de CO₂

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Lors de la 83e session du comité de la protection du milieu marin, l’OMI a approuvé des mesures clés, notamment une nouvelle norme mondiale pour les combustibles marins et un mécanisme de tarification des émissions de GES. Ces mesures entreront en vigueur en 2027 après leur adoption officielle en octobre. Elles concerneront les grands navires océaniques de plus de 5 000 tonnes de jauge brute, représentant 85 % des émissions mondiales de CO₂ du transport maritime international. « L’approbation de ce projet d’amendements représente une étape importante dans nos efforts collectifs pour lutter contre le changement climatique et moderniser le transport maritime » estime le secrétaire général de l’OMI, M. Arsenio Dominguez. « La décarbonisation du secteur maritime est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Cet accord marque une avancée cruciale dans la réduction des émissions mondiales de GES » a de son côté déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Objectif – 20 % d’ici 2030

Le secteur maritime international, responsable d’environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est désormais engagé dans un plan ambitieux pour réduire son empreinte carbone. La semaine dernière, l’OMI a adopté un cadre stratégique pour réduire les émissions du transport maritime, avec des objectifs de réduction progressive jusqu’à atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050. D’ici à 2030, l’OMI confirme son objectif d’une réduction de 20 % par rapport aux niveaux de 2008. Cet objectif s’inscrit dans une dynamique de transition énergétique qui inclut l’adoption de technologies et de carburants alternatifs, tels que le gaz naturel liquéfié, l’hydrogène et le méthanol. Des solutions qui devront être « généralisées » d’ici 2040 pour atteindre l’objectif de – 70 % des émissions. Wopke Hoekstra, commissaire à l’action pour le climat, la neutralité carbone et la croissance verte, a souligné l’importance de cet accord, précisant que la Commission « continuera ses efforts pour accroître l’ambition des mesures de l’OMI », estimant que celui-ci constituait « un pas crucial vers l’atteinte des émissions nettes nulles dans le secteur maritime, ce qui est essentiel dans la lutte plus large contre le changement climatique ».

Un cadre mondial pour les combustibles et la tarification des émissions

Le nouveau cadre de l’OMI relatif à la réduction des émissions nettes à zéro s’intègre dans un nouveau chapitre 5 de l’annexe VI de la convention Marpol. Il impose une réduction progressive de l’intensité des émissions de GES des combustibles marins (GFI), mesurée sur l’ensemble du cycle de vie des carburants. En parallèle, un mécanisme de tarification des émissions sera mis en place à partir de 2028, avec un prix initial de 100 dollars par tonne de CO₂. Ce mécanisme « incitera les armateurs à adopter des carburants plus propres, comme le méthanol renouvelable, le bioGNL ou l’ammoniac vert, en réduisant leur empreinte carbone » indique l’OMI. Le mécanisme générera également des revenus importants, « estimés entre 11 et 13 milliards dollars par an » indique l’OMI, pour financer le développement de carburants marins durables et garantir une transition juste pour les pays les plus vulnérables.

Un soutien financier pour la transition

Les navires qui ne respectent pas les limites d’émissions devront compenser leurs excédents en achetant des « unités correctives », ou en contribuant au fonds de l’OMI pour la réduction des émissions nettes à zéro. Ce fonds, alimenté par les contributions des navires à fortes émissions, soutiendra des projets d’innovation, de recherche et de transition juste dans les pays en développement. Il aidera également à atténuer les impacts pour les États vulnérables, tels que les petits États insulaires en développement.

Une dynamique mondiale vers les carburants à faibles intensité carbone

​En juillet 2023, lors du Sommet mondial de l’énergie à Goa, l’initiative des pôles maritimes d’énergie propre a été lancée, réunissant gouvernements et secteur privé pour transformer les transports maritimes et les centres de production de carburants à faible teneur en carbone. Cette initiative est soutenue par des pays tels que le Canada, la Norvège, le Panama, l’Uruguay et les Émirats arabes unis. ​En septembre 2023, l’armateur danois Maersk a inauguré le Laura Maersk, premier navire fonctionnant au bio-méthanol, réduisant les émissions de gaz à effet de serre de 65 % par rapport aux carburants traditionnels. En Norvège, le ferry Ampere fonctionne depuis 2015 à l’électricité, devenant un modèle pour les traversées courtes à zéro émission. En France, CMA CGM a mis en service le Jacques Saadé, l’un des plus grands porte-conteneurs au gaz naturel liquéfié, réduisant drastiquement les émissions de CO₂, de soufre et de particules. De nombreuses compagnies maritimes, en particulier en Europe, ont déjà commencé à adopter le GNL (CMA CGM, Maersk, MSC Croisières, Aida Cruises, le Ponant, Hapag-Lloyd…) comme carburant pour leurs nouvelles infrastructures. À ce titre, le port de Marseille Fos pourrait devenir un hub majeur pour l’avitaillement en GNL dans le bassin méditerranéen. En mai 2020, il a réalisé la première opération d’avitaillement en GNL ship-to-ship en France, avec le navire Costa Smeralda. En avril 2023, TotalEnergies a effectué le premier avitaillement en GNL du MSC World Europa dans ce port. Selon DNV, la flotte mondiale de navires alimentés au gaz naturel liquéfié se composait de 641 navires en service et celle-ci pourrait atteindre 1 000 navires en 2027, sachant que plus de 500 navires sont en commande. À noter également qu’au Japon, Mitsubishi développe des cargos à propulsion à l’ammoniac vert, dont la combustion n’émet aucun CO₂. Le 8 avril, le groupe italien Fincantieri a annoncé la livraison du Viking Libra, premier navire de croisière au monde à propulsion partiellement à l’hydrogène en 2026.

Selon un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) des investissements massifs sont nécessaires, estimés entre 8 et 28 milliards de dollars par an jusqu’en 2050, pour développer les technologies et infrastructures nécessaires à la décarbonation du secteur maritime.