L’ONU fait adopter ses règles pour le marché des crédits carbone

Les marchés du carbone ont apporté un financement limité pour le développement durable dans les pays les moins avancés (PMA), avec des impacts positifs modestes jusqu’à présent, selon un nouveau rapport d'ONU Commerce et Développement (CNUCED) publié le 4 novembre. ©Shutterstock

Publié le 12/11/2024

4 min

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Les pays du monde ont adopté ce 11 novembre, premier jour de la COP29, des règles nouvelles de l’ONU pour le marché controversé des crédits carbone. Une étape clé pour aider les pays à remplir leurs obligations climatiques.

Par la rédaction, avec AFP

« C’est extrêmement important », a réagi à Bakou auprès de l’AFP Erika Lennon, une experte du sujet au Centre pour le droit international de l’environnement (Ciel), car cela va « ouvrir la voie » à un marché du carbone plus établi, destiné à échanger des crédits carbone de qualité, avec des normes soutenues par les Nations unies. Mais, comme plusieurs ONG, elle est critique de la méthode selon elle peu transparente par laquelle les textes ont été poussés à la conférence climatique de l’ONU. Oil Change International a critiqué une décision prise « sans débat ou
examen du public« .

Un mécanisme attendu depuis 2015

D’autres textes officiels devront encore être forgés pour pleinement établir un marché fiable, mais la décision de lundi va mettre en branle un mécanisme attendu depuis l’accord de Paris de 2015 et son article 6. « Il n’est pas pour autant possible de crier victoire », a relativisé un négociateur européen, regrettant que le texte approuvé lundi laisse en suspens d’autres aspects de longue date du mécanisme. Les crédits carbone sont générés par des activités qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement de la planète, comme la plantation d’arbres, la protection des habitats ou le remplacement du charbon polluant par du solaire ou des éoliennes. Un crédit équivaut à une tonne de dioxyde de carbone empêchée de pénétrer dans l’atmosphère ou éliminée de celle-ci.

1 % de l’aide totale au développement vers les PMA

Le rapport 2024 sur les pays les moins avancés (PMA) souligne que les PMA peuvent utiliser des projets de marchés du carbone pour soutenir leur développement « s’ils sont bien gérés ». Cela permettrait également à ces pays de contribuer aux objectifs mondiaux de zéro émission nette et à l’action en faveur du climat. Les PMA ont été parmi les premiers à participer aux marchés du carbone, mais « leur influence est actuellement limitée en raison de la petite taille de leurs économies et des défis qu’ils affrontent en matière d’infrastructure, de technologie et de capacité institutionnelle« . En 2023, la valeur marchande des crédits carbone des PMA était d’environ 403 millions de dollars, ce qui ne représente qu’environ 1 % du total de l’aide bilatérale au développement vers les PMA. Les PMA ayant besoin de 1 000 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030, les marchés du carbone ne peuvent à eux seuls combler ce déficit de financement, mais peuvent apporter un soutien financier supplémentaire.

Un « important potentiel » selon l’ONU

Les PMA disposent d’un « important potentiel inexploité d’action climatique » dans des secteurs tels que la sylviculture et l’agriculture, qui offrent des possibilités prometteuses de générer des crédits carbones. Ce potentiel pourrait correspondre à 70 % des émissions de CO₂ de l’industrie aéronautique mondiale en 2019, soit environ 2 % du total des émissions mondiales. Toutefois, la réalisation de ce potentiel dépend de l’existence de prix du carbone viables et de projets accessibles. « Pour que les investissements dans les projets terrestres soient rentables, un prix du carbone de 100 dollars par tonne est nécessaire » indique le rapport. Actuellement, les PMA n’utilisent qu’environ 2 % de ce potentiel. Sans une augmentation significative du prix du carbone, environ 97 % de leur potentiel d’atténuation pourrait rester inexploité d’ici 2050.

Une nouvelle méthode de calcul 

Les critères adoptés à Bakou régissent la méthodologie pour calculer le nombre de crédits qu’un projet donné peut générer et ce qui se passe si le carbone stocké est perdu, par exemple si la forêt concernée brûle. Les normes proposées concernent principalement les pays – surtout les riches pollueurs – qui cherchent à compenser leurs émissions en achetant des crédits à des nations qui ont réduit les gaz à effet de serre au-delà de ce qu’elles avaient promis. Cela va permettre in fine aux pays d’utiliser les crédits carbone achetés à d’autres pour réduire, sur le papier, leurs émissions de gaz à effet de serre.

Jusqu’à maintenant ce marché s’était développé seul, en dehors de toutes règles internationales, et a été principalement utilisé par des entreprises désireuses de compenser leurs émissions et de revendiquer la neutralité carbone. Mais plusieurs études ont montré l’inefficacité de nombreux projets, certifiés par des organismes privés peu rigoureux, parfois au détriment des populations locales.